Quand le bénévolat conduit à l’épuisement

À travers le pays, de nombreuses écoles, garderies ou associations francophones en situation minoritaire sont le fruit d’années travail acharné de la part de bénévoles. Les résultats sont source d’accomplissement et de satisfaction, mais tenir à bout de bras des principes ou un organisme dans une petite communauté a un coût. Rencontre avec deux francophones du Nord canadien qui se sont épuisées à tenir le fort.
« Par sens du devoir »

À Whitehorse, la garderie francophone, la Commission scolaire francophone, l’École Émilie-Tremblay et le Centre de la francophonie doivent tous une partie de leur existence au travail de Jeanne Beaudoin, qui reste encore aujourd’hui au coeur de la communauté en tant que présidente de l’Association franco-yukonnaise (AFY).
Lorsqu’elle est arrivée à Whitehorse, en 1982, ce sont les circonstances qui l’ont menée à s’impliquer au sein de la l’AFY pour revendiquer les droits des francophones, estime Jeanne Beaudoin.
« C’est devenu vite un cheval de bataille. Je ne comprenais pas pourquoi les gens se sentaient tellement menacés [par le développement de la francophonie au Yukon]. Je me disais : ça leur enlève rien… ça leur donne quelque chose. »

« Ça vient avec un prix »
Si la présidente de l’AFY est fière de ce qu’est devenue la communauté francophone, elle admet que tout n’a pas toujours été facile.

Si elle dit ne pas regretter de s’être impliquée autant, elle admet que c’est peut-être son approche et sa façon de revendiquer qui l’ont épuisée.
« J’ai des regrets sur la façon dont, moi, j’ai réagi aux choses et à quel point je me prenais au sérieux…mais c’est à cause de cette fougue, de cette énergie du désespoir et de cet esprit de guerrière que j’ai certainement participé [à la construction de la communauté]. »
Jeanne Beaudoin dit vouloir terminer sa présidence à l’AFY, puis se consacrer à ses petits-enfants. Même si elle n’est pas convaincue d’être capable de ne pas s’impliquer.
« On demande toujours aux mêmes »

Dans la petite communauté de Fort Smith, aux Territoires du Nord-Ouest, il ne faut pas trop de temps pour qu’un nouveau francophone soit envoyé vers Marie-Christine Aubrey, qui y vit depuis 1991.
Au fil des ans, Marie-Christine Aubrey s’est souvent retrouvée présidente de l’Association des francophones de Fort Smith, qui, à l’époque, rassemblait les francophones pour vivre et partager la langue avec le reste de la communauté.
Bien qu’elle ajoute avoir toujours eu à coeur l’association et avoir eu de l’aide des autres membres de la communauté, elle estime aussi s’être épuisée à tenter de la maintenir.

« C’est souvent ce qui se passe dans les petites communautés : on demande toujours aux mêmes, dit-elle. C’est vrai que, quand on est très occupé [et] qu’on est très organisé, on nous demande souvent : « Ah, Marie-Christine, peux-tu faire ça? » »
« Trop, c’est trop »
L’association, je l’ai remontée deux fois et, la troisième fois, je me suis dit qu’il fallait que quelqu’un d’autre la reprenne. […] Les choses changeaient de toute façon et je voulais que ça change. Donc, la seule chose à dire était « Non » et « Trop, c’est trop ».
Finalement, personne n’a pu reprendre en main l’association, qui a été dissoute vers 2015.

Aujourd’hui, Marie-Christine Aubrey dit voir la fin de l’association d’un bon oeil. Cela a donné un répit à la communauté, qui ne cesse de changer avec des gens qui partent et d’autres qui arrivent.
Pour les francophones, ce n’est pas la fin de la communauté ou même de la vie associative. L’association de Hay River, à 3 heures de route, est en voie de devenir une association régionale ou, du moins, d’inclure les francophones de Fort Smith dans son organisation et sa programmation.
Avec des informations de Claudiane Samson