Quand le bénévolat conduit à l’épuisement

Marie-Christine Aubrey (à gauche) et Jeanne Beaudoin (à droite) ne se connaissent pas, mais toutes les deux connaissent ce que c’est que de s’épuiser en offrant son temps pour la communauté francophone. (Radio-Canada)
À travers le pays, de nombreuses écoles, garderies ou associations francophones en situation minoritaire sont le fruit d’années travail acharné de la part de bénévoles. Les résultats sont source d’accomplissement et de satisfaction, mais tenir à bout de bras des principes ou un organisme dans une petite communauté a un coût. Rencontre avec deux francophones du Nord canadien qui se sont épuisées à tenir le fort.
« Par sens du devoir »
Jeanne Beaudoin est toujours très impliquée dans la francophonie yukonnaise, mais espère passer plus de temps avec ses petits-enfants. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

À Whitehorse, la garderie francophone, la Commission scolaire francophone, l’École Émilie-Tremblay et le Centre de la francophonie doivent tous une partie de leur existence au travail de Jeanne Beaudoin, qui reste encore aujourd’hui au coeur de la communauté en tant que présidente de l’Association franco-yukonnaise (AFY).

Lorsqu’elle est arrivée à Whitehorse, en 1982, ce sont les circonstances qui l’ont menée à s’impliquer au sein de la l’AFY pour revendiquer les droits des francophones, estime Jeanne Beaudoin.

« C’est devenu vite un cheval de bataille. Je ne comprenais pas pourquoi les gens se sentaient tellement menacés [par le développement de la francophonie au Yukon]. Je me disais : ça leur enlève rien… ça leur donne quelque chose. »

« C’est vrai que j’ai fait beaucoup de bénévolat. Je l’ai fait, oui, parce que je me sentais obligée. Mais je voulais le faire. Je le faisais par sens du devoir. »

Jeanne Beaudoin
Consciente d’avoir joué un rôle de catalyseur dans le développement de sa communauté, Jeanne Beaudoin n’est pas en mesure de dire si quelqu’un d’autre aurait pris sa place si elle n’avait pas été là. (Courtoisie de l’Aurore Boréale)
« Ça vient avec un prix »

Si la présidente de l’AFY est fière de ce qu’est devenue la communauté francophone, elle admet que tout n’a pas toujours été facile.

« Ça vient avec un prix, ça vient avec de l’épuisement, du désespoir, un sentiment d’injustice profond, de l’indignation […] et ça a un effet sur ta famille. Peut être que ce n’est pas la même chose pour tout le monde, mais il faut être capable d’avoir un détachement et, pour moi, ça a toujours été difficile. »

Jeanne Beaudoin
À travers les différents conseils d’administration et les différents projets auxquels elle a participé, Jeanne Beaudoin estime avoir fait l’équivalent de 12 ans de travail à temps plein en bénévolat. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Si elle dit ne pas regretter de s’être impliquée autant, elle admet que c’est peut-être son approche et sa façon de revendiquer qui l’ont épuisée.

« J’ai des regrets sur la façon dont, moi, j’ai réagi aux choses et à quel point je me prenais au sérieux…mais c’est à cause de cette fougue, de cette énergie du désespoir et de cet esprit de guerrière que j’ai certainement participé [à la construction de la communauté]. »

Jeanne Beaudoin dit vouloir terminer sa présidence à l’AFY, puis se consacrer à ses petits-enfants. Même si elle n’est pas convaincue d’être capable de ne pas s’impliquer.

« On demande toujours aux mêmes »
Depuis des années, Marie-Christine Aubrey visite les élèves des classes d’immersion de l’école primaire de Fort Smith pour les aider à lire et à écrire en français. (Mario De Ciccio/Radio-Canada)

Dans la petite communauté de Fort Smith, aux Territoires du Nord-Ouest, il ne faut pas trop de temps pour qu’un nouveau francophone soit envoyé vers Marie-Christine Aubrey, qui y vit depuis 1991.

Au fil des ans, Marie-Christine Aubrey s’est souvent retrouvée présidente de l’Association des francophones de Fort Smith, qui, à l’époque, rassemblait les francophones pour vivre et partager la langue avec le reste de la communauté.

« J’ai souvent voulu passer le flambeau, mais le flambeau me revenait très souvent. Nous avons traversé des années où il y avait des francophones qui venaient deux ans et repartaient. […] Il fallait quelqu’un de solide pour soutenir tout ça. »

Marie-Christine Aubrey

Bien qu’elle ajoute avoir toujours eu à coeur l’association et avoir eu de l’aide des autres membres de la communauté, elle estime aussi s’être épuisée à tenter de la maintenir.

À l’école primaire Joseph Burr Tyrrell, les enfants de l’immersion connaissent bien « Madame Christine », qui vient faire des activités dans leur classe. (Mario De Ciccio/Radio-Canada)

« C’est souvent ce qui se passe dans les petites communautés : on demande toujours aux mêmes, dit-elle. C’est vrai que, quand on est très occupé [et] qu’on est très organisé, on nous demande souvent : « Ah, Marie-Christine, peux-tu faire ça? » »

« Je me suis brûlée, il y a des gens qui viennent et qui partent et on ne veut pas lâcher, et en ne le faisant pas, on se brûle. »

Marie-Christine Aubrey
« Trop, c’est trop »

L’association, je l’ai remontée deux fois et, la troisième fois, je me suis dit qu’il fallait que quelqu’un d’autre la reprenne. […] Les choses changeaient de toute façon et je voulais que ça change. Donc, la seule chose à dire était « Non » et « Trop, c’est trop ».

Finalement, personne n’a pu reprendre en main l’association, qui a été dissoute vers 2015.

Marie-Christine Aubrey (à droite) continue de s’impliquer dans la francophonie ténoise, notamment en tant que représentante ténoise au conseil national de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada. (Noémie Moukanda/Radio-Canada)

Aujourd’hui, Marie-Christine Aubrey dit voir la fin de l’association d’un bon oeil. Cela a donné un répit à la communauté, qui ne cesse de changer avec des gens qui partent et d’autres qui arrivent.

Pour les francophones, ce n’est pas la fin de la communauté ou même de la vie associative. L’association de Hay River, à 3 heures de route, est en voie de devenir une association régionale ou, du moins, d’inclure les francophones de Fort Smith dans son organisation et sa programmation.

Avec des informations de Claudiane Samson

Mario De Ciccio, Radio-Canada

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