Des fruits et légumes cultivés dans l’Arctique canadien grâce à l’énergie verte

Des chercheurs expérimentent une agriculture dans des conteneurs maritimes convertis en serres et alimentés par l’énergie éolienne et solaire, en plein Arctique, à Gjoa Haven.
Gjoa Haven est un hameau du Nunavut situé au-dessus du cercle arctique dans la région de Kitikmeot, à plus de 1000 kilomètres au nord-est de Yellowknife.
Un groupe de chercheurs qui veulent participer à la sécurité alimentaire des coins éloignés tire à profit cette position géographique et ses conditions météorologiques.
Ils ont mis sur pied le projet Naurvik, un mot qui signifie « lieu de croissance/l’endroit qui pousse ». L’initiative est dirigée par l’organisme privé à but non lucratif, Arctic Research Foundation.
La station de recherche, constituée de deux conteneurs maritimes, est installée sur une colline, près d’une baie, dans un endroit qui, selon les aînés du secteur, reçoit beaucoup de vent et n’est qu’à quelques minutes en motoneige du hameau.

Une agriculture durable et une nouvelle économie
À l’intérieur de cette serre d’un nouveau genre poussent des rangées de tomates cerises qui passent du vert au rouge comme si elles absorbaient le soleil du sud.
Betty Kogvik et Susie Kununak, deux techniciennes du projet Naurvik, s’assurent que ces tomates ont toute la chaleur et la lumière dont elles ont besoin, malgré un hiver bien sombre à l’extérieur.

Les petits fruits feront partie de la deuxième récolte de cette station de recherche agricole.
La première récolte, essentiellement de laitue, a poussé en quatre semaines environ. Elle a été donnée aux aînés de Gjoa Haven, qui ont joué un rôle important en tant que conseillers pour le projet Naurvik.
« Parfois, quand nous avons [de la laitue] dans les magasins, elle est presque pourrie. Celles que nous avons récoltées sont vraiment fraîches et savoureuses. Une dame âgée a même dansé de joie lorsqu’elle a eu sa laitue », raconte Betty Kogvik.
Peter Akkikungnaq, un aîné de Gjoa Haven, dit avoir eu un avant-goût des légumes qui étaient d’une fraîcheur insoupçonnée.
Chaque jour, les techniciens, dont le mari de Bettu, Sammy, passent du temps à surveiller la station. La récolte actuelle n’utilise qu’un quart de ce que la station pourrait cultiver.
L’été prochain, si tout va bien une culture de ronces petits-mûriers et de bleuets, ainsi que d’autres plantes de toundra utilisées pour la médecine et le thé sera tentée.
« Au début, c’était vraiment déroutant. Nous ne savions pas quoi faire, mais, maintenant, nous maîtrisons les choses », avoue Sammy, le mari de Betty.
Au printemps, il espère se rendre à Taloyoak pour aider cette communauté à démarrer sa propre version de serre Naurvik.
Selon la fondation caritative, Naurvik se consacre à l’amélioration de l’insécurité alimentaire et sur la recherche de la manière la plus efficace de cultiver des aliments dans des environnements éloignés et difficiles, souligne le chef de projet Adrian Schimnowski.
Toutefois, il vise également à stimuler l’économie. Adrian Schimnowski aimerait, en effet, voir un produit local créé pour prétendre à l’exportation. Le chercheur souhaite employer et former des étudiants, ainsi que des techniciens communautaires.
La fondation finance le programme avec l’aide d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, du Conseil national de recherches du Canada et de l’Agence spatiale canadienne. « Il s’agit d’une ministation de recherche mobile. Nous pouvons l’agrandir au fur et à mesure que nous prenons de l’expansion », dit M. Schimnowski.

L’agence spatiale se tourne vers Gjoa Haven
Étant donné que Naurvik travaille sur une technologie qui permet une agriculture dans un environnement dans lequel elle ne serait normalement pas possible, cette recherche peut dès lors être exploitée pour aider les scientifiques à comprendre comment cultiver des aliments dans des environnements aussi hostiles que l’espace.
La recherche dans des « environnements extrêmes ou éloignés », comme Gjoa Haven, pourrait en faire partie, selon Christian Lange, chef de la planification stratégique de l’exploration à l’Agence spatiale canadienne.
La station de recherche elle-même est conçue pour être hyperefficace, précise le chef de projet, Adrian Schimnowski. « Il est très étroit et serré, semblable à un vaisseau spatial, mais tout est bien organisé et chaque chose a une raison d’être », explique-t-il.
Bien que le potager ne soit pas une tradition inuit, l’utilisation de la terre pour entretenir et stocker de la nourriture l’est. Les aînés qui travaillent avec Naurvik affirment que le recours à l’énergie verte pour faire fonctionner la station de recherche leur avait fait penser à un congélateur communautaire, comme celui construit dans le sol.