Des graines aux origines surprenantes dans la réserve mondiale de semences au cœur de l’Arctique

Elles pourraient être le dernier espoir de l’humanité en cas de cataclysme majeur, des milliers de graines du monde entier sont venues garnir, mardi, la plus grande réserve mondiale de semences situées sur l’archipel du Svalbard, au nord du cercle polaire.
Au total, 35 institutions internationales et régionales ont décidé de mettre leur patrimoine génétique agricole au cœur d’une montagne norvégienne près de la ville de Longyearbyen. L’archipel du Svalbard a été déclaré démilitarisé par le Traité de Paris de 1920. Sa position géographique unique et sa stabilité géopolitique et climatique en font un lieu idéal pour un stockage durable et sécuritaire.
« Alors que les changements climatiques et la perte de biodiversité s’accélèrent, les efforts visant à sauver les cultures vivrières menacées d’extinction deviennent particulièrement pressants », a déclaré par voie de communiqué Stefan Schmitz, directeur de la fondation Crop Trust, un des partenaires du projet.
« Cet important dépôt de semences témoigne des préoccupations de la communauté internationale vis-à-vis des effets du changement climatique et de la perte de biodiversité sur la production alimentaire, mais surtout il témoigne d’un engagement mondial croissant […] en faveur de la conservation et de l’utilisation de la diversité des cultures. »

Le dépôt réalisé mardi est le plus important jamais entrepris depuis la création de la réserve en 2008. Il porte le nombre total de semences à plus d’un million et le nombre de dépositaires à 85. Rappelons que la réserve du Svalbard est composée de trois alcôves souterraines qui peuvent accueillir 4,5 millions de graines.
Parmi ces derniers, certains ont effectué leur tout premier dépôt comme l’Université de Haïfa (Israël), l’Institut national de la recherche agronomique (Maroc), l’Institut Julius Kühn (Allemagne), l’Institut libanais de recherche agricole, l’Arboretum national Baekdudaegan (Corée du Sud), la banque génétique Suceava « Mihai Cristea » (Roumanie), Kew Gardens (Royaume-Uni) et la nation autochtone cherokee (États-Unis).

Les premiers Autochtones d’Amérique à participer au projet
Les graines de la nation Cherokee représentent le premier placement venant d’Autochtones d’Amérique du Nord et le second d’un peuple autochtone. 750 graines de pommes de terres des Andes venant de communautés autochtones péruviennes ont été sauvegardées dans la réserve arctique en 2015.
Neuf types de semences provenant de la nation cherokee sont désormais entreposées sur l’île norvégienne. On trouve des haricots, des courges et du maïs, dont le maïs dit Aigle blanc, la variété la plus sacrée aux yeux des membres de cette Première Nation. Chaque échantillon d’une variété comporte environ 500 graines, toutes conservées à -18 C.
Ces variétés sont antérieures à la colonisation européenne et constituent un élément essentiel de l’identité cherokee.

La conservation de ces semences est essentielle pour ces autochtones vivant dans l’État américain de l’Oklahoma. Les tornades, sécheresses et inondations sont communes dans cette région et ne font qu’augmenter à l’heure des changements climatiques. Cela met en péril l’approvisionnement en nourriture et en semences des Cherokee.
Les graines de cette nation autochtone proviennent du Cherokee Nation Heirloom Garden and Native Plant Site, une banque régionale qui préserve les échantillons de semences ayant une importance culturelle significative.
Depuis 2006, la nation cherokee a mis en place un programme de conservation des semences, qui distribue les graines parmi les membres de la communauté afin d’éduquer et de maintenir la production locale de produits traditionnels.
Des graines « royales »
Des semences provenant des jardins privés du prince de Galles au Royaume-Uni sont aussi entrées dans la réserve ce mardi.
27 variétés de plantes sauvages provenant des terrains royaux de Highgrove, la résidence de campagne du prince Charles, ont été choisies.
L’essor de l’agriculture moderne dans la région met en péril ces végétaux uniques au monde.

« Persuader les gens du rôle absolument essentiel joué par toute cette diversité dans le maintien d’écosystèmes sains et dynamiques assurant la subsistance des hommes et de notre planète s’est avéré une tâche épuisante et souvent démoralisante », a indiqué le prince dans un communiqué.
Un double de cette collection sera aussi conservé à la Millennium Seed Bank de Kew.
Atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU
En 2015, l’ensemble des États membres de l’Organisation des Nations unies ont adopté 17 objectifs de développement durable à réaliser en 15 ans. Il s’agit d’un « appel universel à l’action pour éliminer la pauvreté, protéger la planète et améliorer le quotidien de toutes les personnes partout dans le monde, tout en leur ouvrant des perspectives d’avenir », indique le site web.
Le second objectif nommé « Faim zéro » vise à repenser la façon dont nous cultivons, partageons et consommons notre alimentation. Préserver la diversité génétique des semences et des cultures fait notamment partie des objectifs à réaliser avant 2020.
Ainsi, en entreposant leurs semences au cœur de l’Arctique, les pays participants répondent à cette mission à temps.
« Ce dépôt est particulièrement opportun, étant donné que 2020 est la date limite pour atteindre la cible 2.5 du second objectif de développement durable “Faim zéro”, qui appelle la communauté internationale à sauvegarder la diversité génétique des cultures et du bétail », a déclaré par voie de communiqué la première ministre norvégienne Erna Solberg.

« Chaque graine de la Réserve mondiale de semences du Svalbard recèle des solutions potentielles pour une agriculture durable. Des solutions qui sont vitales pour nourrir une population croissante et réaliser une transition verte. En tant que responsables opérationnels de la Réserve mondiale de semences du Svalbard, nous sommes fiers de participer à cette initiative et de contribuer à atteindre la cible 2.5 de la SDG », a notamment ajouté Lise Lykke Steffensen, directrice exécutive de NordGen, la banque de connaissances sur les ressources génétiques des pays nordiques.
Au lendemain de la cérémonie de dépôt, Global Diversity Crop Trust, l’organisation internationale partenaire de la Réserve mondiale du Svalbard et le Programme coopératif européen pour les ressources phytogénétiques ont signé un mémorandum de compréhension pour une coopération renforcée.
Cet accord permet d’améliorer la conservation des semences, mais aussi la documentation de ces dernières afin de pouvoir les réutiliser à l’avenir.