COVID-19 : inquiétudes autour de la réouverture des écoles au Nunavut, dans le nord-est canadien

La réouverture des écoles mardi suscite la grogne générale au Nunavut, alors que le territoire tente par tous les moyens de retarder l’apparition d’un premier cas de COVID-19.
« Je n’enverrai certainement pas mon fils à l’école tant que cette crise n’est pas terminée », assure d’un ton catégorique Rita Hummiktuq, une résidente de Gjoa Haven et mère d’un garçon de huit ans.
« Les enfants sont des vecteurs de transmission, c’est trop risqué », poursuit-elle.
Les écoles et les garderies du territoire sont fermées depuis le 17 mars, mais doivent rouvrir leurs portes le 21 avril.

Maintes fois talonné en points de presse sur la possibilité de maintenir la levée des cours, le gouvernement territorial est jusqu’à maintenant resté ferme sur sa décision de rouvrir les écoles mardi prochain.
Le ministre de l’Éducation du Nunavut, David Joanasie, a récemment suggéré aux enseignants de retourner dans les écoles pour préparer des trousses d’apprentissage pour leurs élèves. Selon lui, cette recommandation est censée répondre aux besoins des élèves qui n’ont pas accès à une connexion Internet ou à un ordinateur à la maison.
L’Association des municipalités du Nunavut (AMN) s’oppose toutefois fortement à la position du gouvernement territorial.
Réunis mardi, les membres de son conseil d’administration ont adopté une résolution dans laquelle ils exhortent les autorités à « ne pas exiger aux enseignants de revenir au Nunavut et de travailler ainsi que de ne pas rouvrir les écoles avant le début de la prochaine année scolaire », peut-on lire dans un communiqué de presse de l’AMN.
École à la maison
De son côté, Rita Hummiktuq croit que ces trousses d’apprentissage devraient permettre aux parents de faire l’école à la maison et de garder les élèves en sécurité.
« En tant que parent, je trouve que cette idée de trousses d’apprentissage est une bonne solution pour éviter que les enfants retournent à l’école pendant cette crise », dit-elle.

À la suite de la fermeture provisoire des écoles en mars, plusieurs enseignants ont cependant quitté le territoire en direction du sud du pays pour retrouver des membres de leur famille.
Éric*, un enseignant dans cette situation, déplore la pression exercée sur le corps professoral pour revenir au territoire.
« Je trouve que la décision du ministère de l’Éducation est complètement absurde, considérant ce qu’il se passe au pays et le risque que cela pose pour les Nunavummiut [les habitants du Nunavut, NDLR] », indique l’enseignant de niveau secondaire, qui préfère garder l’anonymat en raison des clauses de son contrat avec le gouvernement territorial qui l’empêchent de parler aux médias.
Il affirme qu’il serait tout aussi en mesure de préparer à distance des trousses d’apprentissage pour ses élèves.

Quarantaine forcée
À l’heure actuelle, les habitants du Nunavut qui sont à l’extérieur du territoire, mais qui souhaitent y revenir, doivent toujours se soumettre à un isolement de 14 jours dans des hôtels choisis par le gouvernement territorial à Ottawa, à Winnipeg, à Edmonton ou à Yellowknife.
L’enseignant estime que ses seules options consistent à rester dans le sud du pays et à aller à l’encontre des recommandations du ministère de revenir au territoire ou bien de prendre l’avion pour Ottawa et peut-être mettre à risque sa communauté.
Depuis vendredi, une pétition citoyenne (lien en anglais) réclame que les enseignants ayant quitté le territoire ne reviennent pas avant que la situation ne se soit résorbée.
« Comme le système de santé du Nunavut a des ressources très limitées, un premier cas de COVID-19 accaparerait les travailleurs de la santé, les infirmiers, les médecins et les travailleurs essentiels », peut-on lire sur la pétition.
Mercredi soir, la pétition en ligne avait récolté 2981 votes.
*Nom fictif