Les entreprises des Territoires du Nord-Ouest canadien ont besoin de liquidités
Des entrepreneurs des Territoires du Nord-Ouest redoutent les mois à venir à l’heure du ralentissement économique causé par la pandémie de COVID-19 qui a anéanti leurs revenus.
C’est en toute pudeur et humilité qu’Étienne Croteau, chef et propriétaire du restaurant les Saveurs de l’artisan, raconte la réalité sombre qu’il vit depuis le 16 mars dernier. Ce jour-là, le musée de Yellowknife, dans lequel son restaurant se situe, a décidé de fermer ses portes étant un bâtiment gouvernemental.
Son établissement était prisé, que ce soit en service sur place ou traiteur. Mais du jour au lendemain, ses revenus mensuels sont passés de 65 000 $ à zéro. Il a tenté de continuer à fonctionner avec la formule des plats à emporter, mais sans succès. Le musée ne lui octroyait que deux heures d’ouverture en matinée et en soirée, rendant ainsi la tâche impossible.
Dans pareil cas, il a fallu faire les comptes et trancher : il ne pouvait pas garder son équipe. « Je suis désolé pour mes employés », exprime Étienne Croteau. Il regrette que l’aide salariale d’Ottawa ait été annoncée un peu tard.
Son seul espoir aujourd’hui, c’est qu’en mai, il envisage de proposer des plats préparés de sa cuisine commerciale dont la construction s’achève à Cam Lake. « L’entreprise allait bien, donc j’agrandissais. Début mai, je serai capable de rentrer en fonction. Mais je suis en arrière de tout le monde. Il y a énormément de restaurants », dit-il.
Des aides gouvernementales qui endettent leurs bénéficiaires
Depuis la fin mars, Ottawa permet une marge de crédit de 40 000 $ sans intérêt aux petites et moyennes entreprises. Ce n’est pas énorme, lance le restaurateur, bien qu’il y trouve l’avantage d’avoir une période de remboursement assez longue. Étienne Croteau peut par ailleurs bénéficier de l’aide d’urgence de 2000 $, car il a perdu son salaire dans cette vague pandémique. Malgré le coup de pouce des autorités, il lui est impossible de s’en sortir.
Du côté territorial, le restaurateur déplore qu’une fois de plus Yellowknife prête, mais ne subventionne pas les entreprises. De plus, il faut payer des intérêts, même s’ils sont bas.
Jean-François Pitre est le patron de Pido Productions, une entreprise spécialisée dans l’audiovisuel pour les évènements à Yellowknife depuis 37 ans. Il fait le même constat qui ne lui plaît pas non plus.
Une lenteur procédurale
Le directeur général du Centre de développement économique des Territoires du Nord-Ouest (CDÉTNO), François Afane souligne que la Chambre de commerce de Yellowknife contacte les gouvernements fédéral, territorial et municipal avec des demandes spécifiques qui vont aider le milieu des affaires à subir cette crise, mais surtout à rester actif, à se relever quand la crise sera finie.
M. Afane reconnaît l’importance et la nécessité de tous les programmes d’aide qui ont été mis en place, y compris celle des institutions bancaires. Cependant, il faut accélérer les procédures pour en bénéficier et bonifier ces mesures, selon lui.
Le fondateur de Pido Productions regrette aussi que l’attente soit trop longue pour avoir des fonds
pourtant cruciaux.
Des mesures très strictes
Jusqu’à présent, la pandémie ne connaît pas une progression alarmante aux Territoires du Nord-Ouest. Il y a eu cinq cas confirmés et tous ont été isolés. Néanmoins, les autorités ont adopté une approche agressive, émettant des règles strictes qui ont forcé la plupart des entreprises à fermer, souligne le directeur du .
« Cela va faire du tort à beaucoup de gens », croit aussi Dave Ramsay, qui est consultant en affaires à Yellowknife et ancien ministre de l’Industrie des Territoires du Nord-Ouest de 2011 à 2015. Il estime que jusqu’à 50 % des entreprises ne survivront pas sans des mesures d’aide adéquates. « Ce sont de petites et moyennes entreprises qui ne peuvent pas résister à la tempête. »
M. Pitre ne comprend pas la stratégie de son gouvernement alors qu’il n’y a aucun cas de COVID-19, lance-t-il. Il estime que la décision de fermer les frontières était judicieuse, toutefois, il faudrait revoir certaines mesures. Il ne parle pas de déconfinement immédiat, mais de mettre en place un plan qui a de l’allure.
La peur de tout perdre
Étienne Croteau n’écarte aucune hypothèse, y compris celle de mettre la clé sous la porte, car il dit se trouver devant un mur et qu’à l’heure actuelle, il faudrait quasi un miracle pour envisager un avenir à plus long terme, lui dont le mantra est pourtant de ne jamais abandonner.
Et dans l’éventualité où les affaires redémarrent, le chef croit qu’il vendra pour 200-300 $ par jour. Ce n’est pas énorme. Les plats préparés, ça ne sera pas gagnant. Alors, il doit se réinventer et trouver la niche qui lui permettra de renflouer les caisses.
Jean-François Pitre a par contre fait le choix de conserver son équipe de quatre employés alors que depuis le 13 mars, ses recettes sont réduites à néant. Mais combien de temps tiendra-t-il? Six mois peut-être, pense-t-il. Sa grande crainte est de perdre ses employés qui ont été formés sur le terrain.
Une économie fragile à la base
Les bases économiques des Territoires du Nord-Ouest n’étaient pas particulièrement solides avant la pandémie. Son PIB de 5 milliards de dollars est tiré par ses trois mines de diamants et son gouvernement. Son industrie touristique naissante, qui dépend fortement des touristes venus d’Asie, s’est vu couper l’herbe sous les pieds. Ses revenus fiscaux sont faibles, d’autant qu’environ 75 % des revenus des Territoires du Nord-Ouest proviennent d’Ottawa.
« Nous sommes les pupilles de l’État. Nous le sommes depuis un certain temps », considère Dave Ramsay.