Quand la pandémie tient en otage l’avenir d’un village de l’Alaska

La rue principale de Skagway est pratiquement déserte en cette fin du mois d’octobre, après qu’un ordre de confinement a été déclaré. (Andrew Cremata)
Alors que les habitants de Skagway en Alaska s’ajustent à leur cinquième cas confirmé de COVID-19, nombreux sont ceux qui s’inquiètent aussi pour l’avenir de la communauté.

La petite ville côtière enclavée de l’Alaska vit essentiellement du tourisme généré par les bateaux de croisières, dont l’absence forcée par la pandémie a eu un impact colossal.

Habituellement, le nombre de passagers sur les paquebots dépasse le million et la population de la ville double durant la belle saison, avec l’arrivée des travailleurs saisonniers. Sans cet achalandage, le port de plaisance était méconnaissable cet été, aux dires des habitants.

Les rues habituellement bondées de Skagway, en Alaska, qui dépend du tourisme généré par les bateaux de croisière. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Karla Ray et sa famille possèdent et exploitent plusieurs commerces de détail dans le village, mais n’ont ouvert les portes que de la moitié.

« Je ne me sens pas très confiante sur le plan financier. J’ai dû sécuriser un prêt pour survivre jusqu’à l’été prochain. Et je suis très inquiète par rapport à l’été prochain. »Karla Ray, entrepreneure
Les commerces de Skagway ont mis beaucoup d’efforts pour trouver des moyens créatifs de servir leurs clients, même si jusqu’à la mi-octobre, aucun cas n’avait été enregistré. (Rebecca Hylton)

Michael Healy, qui gère trois restaurants, est également inquiet. « Je devrais me sentir soulagé avec l’arrivée de l’automne, mais je suis préoccupé par ce que l’avenir pourrait nous apporter à Skagway. »

Les deux entrepreneurs s’entendent toutefois pour tenter au mieux de servir la communauté durant des temps difficiles pour tous.

Normal dans l’anormal

Pour éviter un exil possible, la municipalité de Skagway a choisi d’octroyer en argent, directement aux citoyens, l’aide financière du fédéral. La mesure, selon le maire Andrew Cremata, a été un franc succès.

« Ça a été très populaire. [La mesure] permet à tout le monde, peu importe leur âge, d’obtenir 1000 $ par mois jusqu’à ce que le financement se termine, probablement à la fin décembre [à moins qu’il soit reconduit]. »Andrew Cremata, maire de Skagway

Ainsi, malgré la conjoncture exceptionnelle, les habitants de Skagway ont tenté au mieux de soutenir les commerces locaux, et les entrepreneurs, de servir leurs voisins.

C’est pour cette raison que Karla Ray a décidé d’ouvrir la crèmerie. « Je crois que je peux compter sur mes deux mains le nombre de visiteurs indépendants qu’on a vus. »

La crèmerie Kone Kompany est un arrêt incontournable de Skagway. Cette année, les propriétaires ont tout de même voulu offrir le service aux résidents locaux. (Karla Ray)
« Le choix était beaucoup d’essayer de rendre les choses aussi normales que possibles tant pour notre équipe que pour les locaux. »Karla Ray, entrepreneure

À la micro-brasserie, Michael Healy a également tenté de se montrer créatif, avec des événements rassembleurs qui respectent les mesures sanitaires.

« Après avoir imaginé d’innombrables scénarios qui changent tout le temps avec les mesures, j’ai décidé de cesser de planifier. Il faut s’assurer que nos employés sont bien, attendre de voir et espérer pour le mieux », dit le gérant.

Il ne fait aucun doute pour le restaurateur qu’il n’y a aucun avenir pour les entreprises de Skagway sans l’industrie des croisières. Cet été, il n’a récupéré qu’un cinquantième de ses revenus habituels.

La micro-brasserie Skagway Brewery Company a trouvé le moyen cet été de respecter les mesures sanitaires et d’inviter les habitants de la petite ville à profiter d’un repas spécial. (Rebecca Hylton)
Un retour des croisières qu’en 2022 ?

La réduction, voire l’absence de croisières, pourrait se prolonger jusqu’en 2022, selon les dernières informations obtenues par le maire, Andrew Cremata. De là l’intérêt d’encourager la venue des voyageurs indépendants « qui n’ont pas à se soucier du nombre de personnes sur un bateau ».

« Nous avons vraiment besoin que la frontière rouvre […] comme ça, s’il n’y a pas de croisières l’été prochain en raison de la pandémie, nous pourrions au moins avoir les visiteurs de Whitehorse et je crois qu’ils seraient plusieurs à en profiter […], mais nous n’avons aucun contrôle là-dessus. »Andrew Cremata, maire de Skagway

Le maire croit qu’il faudra une décennie avant de connaître les répercussions de cette pandémie. « Il y aura des changements, c’est inévitable. Mais nous serons OK. »

Diversification de l’économie

Les discussions entourant une diversification de l’économie de Skagway ne datent pas d’hier. « Mais quand tout va bien, que les gens font de l’argent, il n’y a pas beaucoup d’incitatifs pour procéder à la diversification et ces actions peuvent avoir un impact négatif sur le volume d’affaires que génèrent les croisières », dit Andrew Cremata.

Mais le maire croit qu’il est temps de s’y pencher et entend poursuivre les discussions avec les autorités du Yukon afin de développer le port industriel.

Des travaux ont été entrepris sur le quai de la ferroviaire White Pass à Skagway pour pouvoir accueillir de plus gros paquebots. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Mike Healy, de son côté, ne voit pas beaucoup d’options. « Les coûts en transport sont si élevés, pour exporter notre production brassicole par exemple ce n’est tout simplement pas possible. Il y a le tourisme et quelques activités portuaires, mais on ne peut pas diversifier au-delà de ça. »

« Nous avons besoin d’être rassurés », dit Karla Ray. « Si aucun bateau ne revient, il faudra espérer pour les visiteurs indépendants, mais ces décisions relèvent d’autres gouvernements. »

 

Claudiane Samson, Radio-Canada

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