Des scientifiques implorent le Canada d’en faire plus pour sauver l’Arctique
Deux scientifiques canadiens demandent au gouvernement fédéral d’accélérer ses efforts de conservation dans la partie est de l’Arctique canadien afin de sauver une partie d’une des dernières banquises qui subsistent toute l’année et les organismes qui y vivent.
Dans l’article Witnessing Ice Habitat Collapse in the Canadian Arctic paru jeudi dans la revue Science, le géologue Derek Mueller de l’Université Carleton et le biologiste Warwick Vincent de l’Université Laval mettent en lumière l’effondrement en juillet 2020 de la barrière de Milne, le dernier plateau de glace intacte connu de l’Arctique canadien.
En deux jours, celui-ci, vieux de 4000 ans, a envoyé 43 % de sa masse à la dérive dans l’océan Arctique sous forme de petites îles de glace.
Le plateau de glace Milne est situé dans la zone marine protégée de Tuvaijuittuq, dont la traduction en Inuktitut « l’endroit où la glace ne fond jamais » peut faire sourciller.
Les scientifiques estiment que c’est là que se trouve la glace marine, ou banquise, la plus ancienne et la plus épaisse de l’océan Arctique.
De la taille de la Pologne, Tuvaijuittuq encercle le parc national de Quttinirpaaq, à l’angle nord-est de l’île d’Ellesmere, elle-même située à l’extrême nord du Nunavut
La zone fait partie de ce que les scientifiques pensent être la dernière portion de l’océan Arctique à conserver de la glace toute l’année, cela devrait changer vers 2050, croient-ils.
Étendre la zone marine protégée
Dans leur article, les chercheurs Mueller et Vincent insistent pour que le gouvernement fédéral crée une zone marine protégée permanente qui s’étendrait à travers l’Arctique canadien. Ils souhaitent également qu’Ottawa travaille avec le gouvernement groenlandais pour étendre cette zone protégée vers l’est « malgré les obstacles juridictionnels ».
Cette protection permanente signifierait surtout que le transport maritime et les extractions de ressources naturelles ne seraient pas autorisés, réduisant ainsi la pression que subit un écosystème déjà très vulnérable, croit Derek Mueller.
Récemment, lui et son équipe ont découvert de petits lacs d’eau douce sur la barrière de Milne, créés à partir du ruissellement d’eau douce de glaciers voisins. Ces lacs abritent de minuscules organismes microbiens, dont beaucoup n’ont jamais été vus auparavant.
Derek Mueller ne pense cependant pas que ces organismes aient survécu après que la barrière de glace se soit disloquée.
Le savoir inuit de la zone, primordial pour le futur
La zone marine protégée de Tuvaijuittuq résulte d’un partenariat entre le gouvernement fédéral et l’Association Inuit Qikiqtani (QIA) qui pense qu’il est primordial de récolter davantage de connaissance inuite sur la région.
Selon l’organisation, une Étude sur le savoir inuit devait avoir lieu cet été, mais a été remise à cause de la pandémie. QIA soutient qu’elle demandera aux communautés concernées si elles soutiennent le projet de modifier les limites géographiques de la zone.
Les chercheurs Mueller et Vincent demandent aussi à Ottawa d’honorer ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Le Canada, qui est l’un des 197 signataires, s’était engagé à réduire ses émissions annuelles de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030.
Avec les informations d’Hilary Bird