Dans le Grand Nord canadien, une année « dévastatrice » pour l’industrie touristique des Territoires du Nord-Ouest

Comme partout au pays, l’industrie touristique des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), ultra dépendante du tourisme hivernal, a été très touchée par les restrictions liées à la pandémie, et la situation ne s’améliorera pas avant deux ans, selon les acteurs du secteur.
Les entreprises touristiques des Territoires du Nord-Ouest viennent de passer une année noire.
Une situation dramatique qui se reflète dans une enquête de l’organisme Tourisme T.N.-O., qui a été réalisée à la fin de l’été. Dans celle-ci, sur 94 répondants, 42 % affirmaient alors avoir dû fermer, soit de façon temporaire, soit de façon permanente, et seulement 21 % affirmaient être restées ouvertes à temps plein depuis le début de la crise.
Cathie Bolstad, la directrice générale de Tourisme T.N.-O., juge la situation catastrophique.
Des annulations très précoces
Contrairement au reste du pays, la saison touristique du territoire se tient principalement à l’automne et à l’hiver, périodes pendant lesquelles les aurores boréales sont le plus visibles. Et contrairement aux autres provinces et territoires, cela signifie que les Territoires du Nord-Ouest partent défavorisés, puisqu’ils ont déjà raté deux saisons touristiques en un an seulement.

« On parle beaucoup des conséquences à partir de mars, mais pour l’industrie touristique des Territoires du Nord-Ouest, nous avons vu ces conséquences bien avant, dès décembre 2019 », affirme Cathie Bolstad.
En effet, selon l’OMS, c’est le 31 décembre 2019 que les autorités de Wuhan ont signalé les premiers cas de ce qu’ils pensaient être une forme de pneumonie.
Le problème a rapidement touché les Territoires du Nord-Ouest, puisque la plupart des nombreux voyageurs venus observer les aurores boréales viennent d’Asie, la première zone à avoir été frappée par la COVID-19.
Angela Law, propriétaire du voyagiste Yellowknife Tours, qui organise des excursions pour cette clientèle, soutient que les premières annulations ont été faites dès novembre 2019, pour le mois suivant. Selon elle, la situation n’a fait que se dégrader après cela.
Mme Law, qui emploie habituellement six personnes, n’a plus que deux employés. « Ils s’occupent des tâches administratives, notamment pour régler toutes les annulations que nous avons reçues » , affirme-t-elle.

Encourager le tourisme local
Face à l’absence des touristes extérieurs aux Territoires du Nord-Ouest, les entreprises ont tenté de s’adapter. Tourisme T.N.-O. affirme avoir promu des staycation, des séjours pour les personnes habitant dans la région. Il s’est associé à 47 entreprises touristiques ténoises en proposant des campagnes de communication gratuites.
Même si Mme Bolstad affirme que les entreprises participantes ont été très satisfaites du programme, le tourisme local ne peut pas combler les pertes occasionnées par l’absence totale de touristes venus de l’extérieur du territoire.
« Pour 63 % des répondants à l’enquête, moins de 10 % de leurs ventes annuelles viennent des habitants des Territoires du Nord-Ouest », précise Mme Bolstad. Un chiffre qui illustre bien la dépendance de l’industrie aux touristes étrangers.
De plus, les offres proposées par les voyagistes peuvent ne pas sembler si alléchantes pour les gens du coin, qui auront donc tendance à dépenser moins que les touristes venus de loin. « Si les gens vivent à Yellowknife, ils voient les aurores boréales quand ils veulent, ils savent où aller, ils ont leur véhicule », reconnaît Mme Law, qui n’a pas participé au programme.

Mais encourager le fait d’encourager les personnes vivant dans la région était une démarche positive, selon la directrice de Tourisme T.N.-O., ne serait-ce que pour les sensibiliser aux possibilités qui s’offrent aux voyageurs
Un retour à la normale pas avant 2022
« Normalement. à ce moment de l’année, on voit dans les rues de Yellowknife les vestes rouges et bleues des employés de voyagistes qui arpentent les magasins avec leurs groupes de visiteurs. Cette année, on ne voit pas ça, la rue est beaucoup plus calme », dit Cathie Bolstad qui pense qu’il faudra attendre 2022 pour que le tourisme d’hiver reprenne pleinement au territoire.
« Angela Law semble elle aussi avoir la même chronologie en tête. Nous n’espérons pas que les choses soient bonnes en 2021, même si le vaccin est en route », reconnaît-elle.
Elle espère surtout que les aides financières des gouvernements territorial et fédéral ne s’arrêteront pas tout de suite. Mme Bolstad affirme, de son côté, parler aux gouvernements pour que ceux-ci continuent d’apporter des liquidités aux entreprises touristiques.
« Si le tourisme ne revient pas avant l’été prochain ou même l’automne, est-ce qu’on aura encore des aides? Sinon, combien de temps pourra-t-on encore tenir? », s’interroge Mme Law.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n’a pas répondu à nos multiples demandes d’entrevue concernant les aides financières.
Même si on est loin de voir la lumière au bout du tunnel, l’espoir renaît quand même en cette fin d’année. « Quand on parle à nos organisateurs, 87 % de ceux qui ont participé à notre enquête pensent qu’il y aura un avenir pour leur entreprise », conclut Mme Bolstad.