Des femmes inuit victimes d’agressions et de harcèlement sexuels sur des sites miniers

Une étude récente auprès des femmes inuit de l’industrie minière canadienne révèle que plusieurs d’entre elles ne se sentent pas en sécurité au travail. (Chris Wattie/Reuters)
Des femmes inuit travaillant dans l’industrie minière du nord du Canada ont subi des violences et du harcèlement sexuels « à répétition » sur leur lieu de travail, selon un rapport publié le 31 mars.

L’organisme national pour femmes inuit Pauktuutit et l’agence autochtone de service-conseil Firelight Research ont recueilli les témoignages de 29 femmes inuit travaillant dans l’industrie minière pour cette analyse.

« Le sondage montre que, parfois, des femmes travaillant dans le secteur minier ne se sentent pas en sécurité dans leur milieu de travail, parce qu’elles n’ont peut-être pas le soutien dont elles ont besoin », affirme la présidente de Pauktuutit, Rebecca Kudloo, jointe à sa résidence de Baker Lake, au Nunavut.

Les travailleuses sondées viennent de Salluit, au Nunavik, de Baker Lake et d’Arviat, au Nunavut ainsi que d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest. Leurs réponses ont été recueillies dans un questionnaire entre les mois de juillet et de décembre 2019.

Les femmes sondées sont des employées ou d’ex-employées d’entreprises minières. Plusieurs ont préféré ne pas divulguer le nom de l’entreprise pour laquelle elles travaillaient ou avaient travaillé.

La communauté inuit de Salluit, au Nunavik. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Attouchements, abus et commentaires sexistes répétés

Plus de la moitié des femmes interrogées ont confié avoir été victimes « à répétition » de violences et de harcèlement sexuels sur leur lieu de travail, principalement des commentaires sexistes, des attouchements et des violences psychologiques. Ces incidents se sont produits dans au moins cinq lieux de travail différents, selon le rapport.

« Une femme a déclaré avoir été congédiée après avoir signalé le problème à son entreprise, tandis qu’une autre femme a été priée “de se taire” », peut-on lire dans le document.

Plusieurs femmes qui ont brisé le silence ont par ailleurs indiqué qu’elles avaient été insatisfaites de la réponse de leur employeur, notamment parce qu’elles n’avaient pas été informées des mesures prises contre leur agresseur ou du suivi effectué auprès de la police.

Rebecca Kudloo croit d’ailleurs que les entreprises minières en activité dans le Nord devraient faire preuve de plus de transparence auprès de leurs employées pour les informer des ressources d’aide disponibles.

« Certaines femmes ne signalent pas [les incidents] parce qu’elles doivent faire face à leur agresseur. C’est quelque chose qu’il faut régler. »Rebecca Kudloo, présidente de l’organisme pour femmes inuit Pauktuutit
Obtenir un meilleur soutien

Selon le rapport, la plupart des femmes sondées touchent un salaire maximal de 60 000 $ par année. Près du tiers d’entre elles subviennent aux besoins de quatre à six personnes au sein de leur ménage.

L’une des préoccupations soulevées dans l’analyse porte sur la faible proportion de femmes inuit occupant des postes en ressources humaines ou dans la haute direction.

Jointe par courriel, l’entreprise Agnico Eagle affirme que ses employées inuit occupent 2 % des postes de gestion, des postes professionnels et des emplois de travailleurs qualifiés dans sa mine de Meadowbank, et 24 % de ces postes dans la mine de Meliadine.

« Le manque d’Inuit en ressources humaines est un obstacle important aux signalements [des incidents] », souligne le rapport.

Rebecca Kudloo salue les politiques d’inclusion et les formations mises sur pied par certaines entreprises minières pour contrer les agressions sexuelles en milieu de travail, mais elle souhaiterait qu’elles soient offertes dans un dialecte de l’inuktut, la langue inuit.

« Ces politiques doivent être dans une langue comprise par tout le monde, parce qu’elles sont souvent conçues dans le Sud par des avocats qui emploient des termes que nous n’utilisons pas dans le Nord », dit-elle.

La présidente de l’organisme national pour femmes inuit Pauktuutit, lors d’une table ronde de l’Enquête nationale sur les filles et les femmes autochtones disparues et assassinées, le 16 janvier 2020. (Adrian Wyld/La Presse canadienne)
« Politique de tolérance zéro »

Dans un échange de courriels avec Radio-Canada, les entreprises minières Glencore, Agnico Eagle et Baffinland – en activité notamment au Nunavut et au Nunavik – affirment qu’elles disposent d’une « politique de tolérance zéro » en matière de harcèlement, de violence et d’agressions sexuelles.

« La discrimination et le harcèlement sous quelque forme que ce soit sont inacceptables et ne seront en aucun cas tolérés par l’entreprise », soutient le porte-parole de Glencore, Charles Watenphul.

Il ajoute que les équipes des ressources humaines et du programme de formation Tamatumani sont en mesure d’offrir du soutien aux victimes, sans toutefois préciser si elles sont constituées de femmes inuit et si elles parlent l’inuktitut.

L’entreprise Agnico Eagle, qui a des activités entre autres au Nunavut, a contacté l’organisme Pauktuutit après la sortie du rapport. (Agnico Eagle Mines)

Baffinland indique quant à elle qu’elle travaille activement à embaucher plus de femmes inuit dans ses rangs.

Rebecca Kudloo explique avoir été sollicitée par l’entreprise minière Agnico Eagle après la parution du rapport.

« Nous avons eu une discussion constructive et nous serons à nouveau en contact à l’avenir », dit-elle. « Pauktuutit veut s’assurer les femmes se sentent en sécurité sur leur lieu de travail. »

Le responsable des communications d’Agnico Eagle, Carl Charest, précise que l’entreprise offre depuis 2018 une formation obligatoire de sensibilisation au respect et à la civilité en milieu de travail et que les superviseurs reçoivent aussi une formation pour les outiller afin de gérer leurs équipes « d’une manière culturellement sensible ».

Avec les informations de Jackie McKay

Matisse Harvey, Radio-Canada

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