De minuscules grains de sable des T.N.-O., seuls vestiges d’un continent ancien
Des scientifiques ont trouvé la preuve de l’existence d’un morceau manquant d’un continent vieux de 3,2 milliards d’années, lors de recherches au craton des Esclaves, aux Territoires du Nord-Ouest.
La recherche, dont les conclusions ont été publiées en mai dans la revue Geology, montre le seul vestige de lave ultra chaude de cette ancienne masse continentale, situé dans de minuscules grains minéraux préservés dans le grès.
Rasmus Haugaard, un chercheur et professeur associé à l’École Harquail des sciences de la terre de l’Université Laurentienne, a pris part à cette étude lors de son doctorat à l’Université de l’Alberta entre 2011 et 2016.
Dans le cadre de ses recherches, en 2013, il était parti collecter des échantillons au craton des Esclaves, une formation bien connue des géologues puisqu’elle est constitutive des premiers continents de la Terre. Il a alors repéré, dans une roche, de très fines couches noires qui l’ont intrigué.
Seul vestige d’un continent vieux de 3,2 milliards d’années
Après une analyse minutieuse « un peu comme un test ADN », il arrive à la conclusion que ce sont de minuscules grains d’un minéral nommé chromite. Une découverte très intéressante, dit-il, puisqu’il s’agit, à ce jour, du seul signe de l’ancien continent qui se trouvait là, il y a plus de 3 milliards d’années.
« Nos tests ont montré que ce type de masse terrestre et de composition rocheuse n’existe plus aux Territoires du Nord-Ouest », explique M. Haugaard. Il ajoute que des milliards d’années d’érosion ont détruit de grandes parties de ces éléments.
Trouver ces petits grains de chromite, qui ne dépassent pas 0,5 millimètre de diamètre, c’est un peu comme trouver des fossiles de dinosaures, explique-t-il. Sans eux, jamais nous n’aurions pu savoir que l’espèce avait existé.
Ces minuscules éléments sont très spécifiques puisque, grâce à leurs recherches, des scientifiques ont appris qu’ils n’ont pu être formés qu’à la suite d’une éruption volcanique très ancienne qui a atteint 1600 degrés Celsius, relate le chercheur.
Des continents moins épais et moins stables
Rasmus Haugaard affirme que cette découverte est une pièce du puzzle pour en apprendre davantage sur la façon dont les anciens continents se sont formés et sur leur évolution. « Nous devons encore assembler des bouts du puzzle ensemble, mais ces recherches nous montrent que les anciens continents n’étaient probablement pas aussi épais qu’ils ne le sont aujourd’hui », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, le continent sur lequel nous nous trouvons fait entre 40 et 50 km d’épaisseur, explique-t-il, ce qui lui permet d’être stable. Il y a 3,2 milliards d’années, il pense que le continent n’était pas aussi épais, et donc moins stable.
« Cela nous donne des indices sur le moment où les anciens continents ont évolué en une masse plus épaisse : cela ne s’est pas produit il y a 3,2 milliards d’années, mais bien plus tard, probablement [il y a] 2,5 milliards d’années ».
Pour en apprendre davantage sur l’évolution de ces masses terrestres, le professeur Haugaard compte bien poursuivre les recherches ailleurs au Canada. Il pense que d’autres minuscules grains de chromite peuvent se trouver au Québec et dans le nord du pays et que la même méthode de travail peut être utilisée pour détecter de nouveaux morceaux de masses continentales qui n’existent plus aujourd’hui.
- L’étude Detrital chromites reveal Slave craton’s missing komatiite (en anglais)