« On a besoin de gens » : les pompiers russes face aux feux sibériens

Un volontaire lutte contre un incendie en Iakoutie, en Russie, le jeudi 22 juillet 2021. (Ivan Nikiforov/AP Photo)

Face aux vastes incendies ravageant les forêts de la république sibérienne de Iakoutie, Egor Zakharov et son équipe luttent sans relâche, mais les hommes manquent pour faire face à l’une des pires saisons qu’ait connu la région.

L’homme à la tête d’une brigade du Service aérien de protection des forêts et ses hommes ont passé la soirée à patrouiller une tranchée de cinq kilomètres de long, qu’ils ont creusée à proximité du village de Bias-Kiouïol, pour arrêter un incendie qui approchait dangereusement la zone.

Munis de masques contre la fumée âcre, les hommes ont allumé des pneus en caoutchouc qu’ils ont suspendus à des bâtons, puis fixés sur le sol aride de la forêt de l’autre côté de la tranchée, pour démarrer un feu contrôlé.

L’équipe ne compte même plus contre combien de feux ils ont eu à lutter depuis fin mai, parfois avec succès et parfois non, en Iakoutie, région peu peuplée située à l’extrême nord de la Sibérie orientale, qui connaît une très grave saison des incendies.

« On a tenu une zone pendant huit jours, mais elle a brûlé en fin de compte parce que les tracteurs n’ont jamais pu venir jusqu’à nous », explique M. Zakharov, ajoutant que dans ce genre de situation, ils n’ont plus qu’à creuser les tranchées avec des pelles.

Plus que d’équipement, « nous avons besoin de gens », dit-il cependant.

Aggravés par une vague de chaleur, les feux de forêt ont jusqu’à présent ravagé plus de 1,5 million d’hectares de taïga iakoute. Et la saison des incendies doit encore se prolonger pendant plus d’un mois en Sibérie.

Main-d’oeuvre limitée

Ces dernières années, de vastes zones de Russie ont vécu des canicules et des sécheresses provoquées par les changements climatiques, avec de nombreux records de températures battus à Moscou et ailleurs.

En Iakoutie, la région la plus froide de Russie que longe l’océan Arctique, les feux de forêt ont atteint un niveau tel qu’ils ont presque mis en déroute le Service aérien de protection.

Avec 250 employés à temps plein et 150 saisonniers, qui surveillent les incendies depuis les airs ou qui descendent sur place en parachute ou par camion, il est responsable d’un territoire représentant presque cinq fois la taille de la France ou près du tiers du Canada.

L’objectif, reconnaît le pilote-en-chef Sviatoslav Kolessov, est d’éteindre les feux entièrement. Mais avec une main-d’oeuvre limitée, qui a souffert des coupes budgétaires depuis la fin de l’URSS lorsque le service comptait près de 1600 personnes, la tâche se révèle souvent impossible à réaliser.

Bien souvent, à cause de ce manque d’hommes, les pompiers n’interviennent que lorsque les feux atteignent une taille jugée suffisante. On laisse brûler les feux plus petits.

« Et si le feu se répand rapidement et atteint une vaste zone, alors nous tentons de sauver les régions habitées et les infrastructures stratégiques », explique M. Kolessov à l’AFP.

Début juillet, Moscou a mobilisé ses secouristes et son armée pour aider la Iakoutie à faire face aux incendies, tandis que des dizaines de volontaires ont aussi rejoint le combat. (Alexey Vasilyev/AP Photo)
« Tout brûlerait »

Les écologistes mettent en cause la politique russe de lutte contre les feux de forêt, et notamment un décret gouvernemental de 2015 autorisant les autorités locales à ignorer des incendies si le coût pour les éteindre dépasse les dommages estimés.

« Nous disons depuis des années que la Russie doit multiplier par au moins trois son budget pour lutter contre les incendies de forêt », dit à l’AFP Grigori Kouksine de Greenpeace.

Début juillet, Moscou a mobilisé ses secouristes et son armée pour aider la Iakoutie à faire face aux incendies, tandis que des dizaines de volontaires ont aussi rejoint le combat.

Le manque de fonds pour le Service aérien de protection des forêts, le seul organe entièrement chargé de lutter contre de tels incendies, est néanmoins évident sur le terrain.

« J’ai prêté la plus grande partie de mon équipement à une équipe sur un feu avoisinant », raconte Egor Zakharov, qui ajoute n’avoir pu obtenir un véhicule à quatre roues de patrouille qu’après de multiples demandes et des critiques des autorités sur la lenteur de son équipe.

« Nos hommes travaillent dans la forêt depuis un mois sans interruption. N’importe qui serait fatigué. De quel droit nous critiquent-ils? » lance-t-il, promettant de continuer malgré tout.

Après Bias-Kiouïol, ses hommes iront lutter contre le prochain feu, sans aucun repos. « Si nous n’étions pas là, tout brûlerait », conclut-il.

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