Vivre sa passion pour l’informatique dans le Grand Nord canadien, malgré le défi de l’accès à Internet au Nunavut

Les jeunes qui envisagent une carrière en informatique se heurtent à plusieurs défis au Nunavut. En plus d’être lente et très coûteuse, la connectivité Internet est limitée au territoire. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Tous les mardis après l’école, des jeunes d’Iqaluit se donnent rendez-vous derrière un écran d’ordinateur. Ils n’ont qu’une dizaine d’années, mais ils maîtrisent déjà les dessous de la programmation informatique. Il s’agit pourtant d’une passion difficile à entretenir dans le Grand Nord, où les défis en matière de connectivité sont importants.

Jacob, Cayle et Charlotte aspirent respectivement à devenir acteur, joueur de hockey et archéologue, mais ils partagent un passe-temps commun : les jeux vidéo.

« J’aime programmer des jeux et les concevoir. J’adore les jeux », explique Cayle, 10 ans.

En inuktitut, « pinnguaq » signifie « jouer ». C’est d’ailleurs le nom que porte le seul organisme du Nunavut offrant des ateliers à des jeunes et à des adultes pour les initier à l’univers des technologies. Ils apprennent à concevoir des jeux vidéo, à comprendre le codage informatique et à faire des impressions en trois dimensions.

L’organisme Pinnguaq offre des ateliers de programmation et de codage informatique à des jeunes d’Iqaluit. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

« J’aime vraiment la technologie et la science, donc ma mère a trouvé ce groupe et m’a suggéré d’y prendre part », raconte Charlotte, 9 ans. Étant la seule jeune fille de son groupe, elle est d’ailleurs bien au fait de la faible présence féminine dans le domaine.

« Je veux faire une différence un jour, parce qu’il n’y a pas beaucoup de femmes scientifiques. Je veux donc devenir une scientifique quand je serai grande. »Charlotte, 9 ans
«J’aime vraiment que ce soit imbriqué dans la science et j’ai l’impression que ça fait partie de ma personnalité», dit Charlotte, l’une des participantes d’un atelier de programmation informatique offert par l’organisme Pinnguaq, à Iqaluit. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Une connectivité lente et coûteuse dans le Nord

L’univers des technologies n’est cependant pas à la portée de tous les Nunavummiut. Bien des ménages du territoire ne disposent pas d’ordinateur à la maison.

Parmi les provinces et territoires au pays, le Nunavut est le seul à dépendre entièrement d’un réseau Internet par satellite, ce qui apporte son lot de défis lorsque les conditions météorologiques sont défavorables.

Ben Westwell est responsable des ateliers qu’offre l’organisme à Iqaluit et instructeur : « Il y a des jours où il est arrivé que nous n’avions plus Internet, alors nous ne pouvions pas donner nos ateliers. »

En 2018, la connectivité Internet au Nunavut était environ huit fois plus lente que la moyenne canadienne, selon le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC).

Les 25 communautés du Nunavut dépendent d’une connectivité Internet par satellite. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

Par ailleurs, aucun fournisseur de services n’offre de forfaits Internet illimités et leurs tarifs sont très élevés. Un ménage d’Iqaluit peut s’attendre à une facture d’une centaine de dollars pour 150 gigaoctets par mois.

Dans un rapport publié en 2020, l’organisme territorial inuit Nunavut Tunngavik inc. (NTI), a conclu qu’un ménage du Nunavut aurait à débourser au moins 7000 $ par mois pour atteindre le niveau d’utilisation de données moyen d’un ménage canadien.

« Nous sommes en 2021 et il existe encore un fossé important avec le reste du Canada », soutient le vice-président de NTI, James Eetoolook.

Selon lui, cet écart accentue les défis auxquels fait face le territoire dans les secteurs de l’éducation et de la santé. « Il nous faut une [connectivité] plus rapide et fiable au quotidien pour l’apprentissage, le travail et nos activités de base. »

Le Nunavut se heurte à des défis importants en matière d’infrastructures, dont celles liées aux réseaux de télécommunications, déplore le vice-président de NTI, James Eetoolook. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Lueur d’espoir

Dans ce contexte, les jeunes qui envisagent une carrière en informatique rencontrent plusieurs problèmes, notamment l’absence de formation postsecondaire dans le domaine.

Le Collège de l’Arctique du Nunavut prépare toutefois un nouveau programme de formation de techniciens en entretien et en réparation de systèmes informatiques.

Entre 2007 et 2017, 25 étudiants ont terminé l’ancien programme, mais le Collège a dû l’interrompre en raison d’un nombre insuffisant d’inscriptions.

La conseillère stratégique principale en informatique du Collège, Jennifer Lane, explique que la nouvelle mouture sera plus conforme à la réalité. « Il [touchera] le réseautage, la programmation, le matériel informatique et la sécurité, résume-t-elle. En informatique, les choses changent très rapidement. En 2021, nous ne faisons plus du tout les mêmes choses […] qu’en 2007. »

Le Collège de l’Arctique du Nunavut est le seul établissement postsecondaire du territoire. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

« C’est un énorme avantage pour les Nunavummiut, parce que sans ce programme, nous n’avons pas vraiment d’autres options sur le territoire, soutient Ben Westwell. Quand j’allais à l’école à Iqaluit, je ne sentais pas que j’avais beaucoup d’occasions [dans ce domaine]. »

Le Collège de l’Arctique prévoit que son programme sera ouvert au public en septembre 2022.

La jeune Charlotte ne perd pas espoir : « J’espère qu’un jour, lorsque j’habiterai toujours ici, nous aurons accès à une connectivité Internet illimitée. Plusieurs personnes n’ont pas beaucoup d’argent, alors elles ne peuvent pas se permettre de payer plus d’Internet. »

Matisse Harvey, Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur l'Arctique canadien, visitez le site d'ICI Grand Nord.

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