L’Alaska, le rempart du Canada face à la Russie
Alors que le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’intensifie et que les tensions montent avec les pays de l’OTAN, l’Alaska se retrouve encore une fois aux premières loges de ce qui prend aux yeux de certains des allures d’une guerre froide.
Lorsque l’armée russe est entrée en Ukraine pour la première fois, à Fairbanks, à des milliers de kilomètres de là, Yelena Matusevich était sous le choc. Comme plusieurs russophones dans la ville, elle ne parvenait pas à croire ce qui se passait.
« Tout le monde est dans un état de choc », raconte-t-elle en indiquant que sa mère se trouve toujours en Russie, ce qui génère beaucoup de stress pour cette professeure à l’Université de Fairbanks.
L’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine a cependant permis à la population de s’unifier, selon elle, et ce, malgré les divergences politiques habituelles.
« Tout d’un coup, ça a complètement uni cette population parce que personne ne s’attendait à ça […] je n’ai vu personne qui soutient Poutine et cette invasion a eu un effet unifiant », dit-elle.
C’est aussi le sentiment qu’a pu observer le père Andrew Wassillie qui officie à l’église orthodoxe St.Herman’s, où une soixantaine de fidèles, dont des familles d’origine russe et ukrainienne, assistent à ses services.
« Il n’y a pas de tensions, tout le monde se soutient […] et j’ai ajouté des prières lors de mes services », assure-t-il au bout du fil en soulignant que la communauté de Fairbanks est tissée serrée, y compris avec les militaires qui se trouvent sur place, dont certains sont aussi des fidèles.
L’importance militaire de l’Alaska
Il faut dire que l’Alaska compte plusieurs bases militaires pour les forces aériennes, dont à Anchorage et à Fairbanks, puisque les avions et les missiles russes peuvent venir du nord, explique l’ancien député fédéral du Yukon, Larry Bagnell.
S’il doute que le conflit se transporte jusqu’en Amérique du Nord, il souligne cependant que la menace ne provient pas de troupes marines ou terrestres qui pourraient marcher sur l’Arctique, mais plutôt du nucléaire.
Un point sur lequel s’accorde le Yukonnais Ken Coates, professeur en politique publique à l’Université de la Saskatchewan.
Ce qui peut ajouter à l’inquiétude des citoyens, selon lui, c’est que l’Alaska se trouve à seulement quelques kilomètres de la Russie par le détroit de Béring. Pour les Canadiens cependant, la présence de l’État américain est une bonne nouvelle, dit-il, puisque les tensions sont un rappel que le Canada est mal préparé à se défendre seul.
« Nous sommes [au Canada] très faiblement préparés à défendre nos intérêts dans l’Arctique », assure-t-il, en ajoutant que le Yukon ne compte qu’une poignée de militaires.
Ce qui peut être à l’avantage du Canada, c’est que les guerres modernes sont différentes de celles d’hier et se jouent sur plusieurs fronts, explique le professeur. L’époque où deux camps s’affrontent uniquement sur un champ de bataille est plutôt révolue.
« La nature de la guerre a changé et la manière dont nous abordons le combat est différente également », illustre Ken Coates, en citant comme exemple la répression économique à laquelle fait face la Russie et aux cyberattaques qui se multiplient de part et d’autre.
Si la Russie se concentre actuellement sur son invasion de l’Ukraine, Ken Coates souligne que Vladimir Poutine continue de tester les limites dans le nord et le constat est assez clair : selon lui, sans la présence de l’Alaska et de ses bases militaires, le Canada ne pourrait pas faire face à la menace.
Un texte de Sarah Xenos avec des informations de Claudiane Samson
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