Le pergélisol fond aussi sous l’océan Arctique, relâchant du méthane, un puissant GES
Des chercheurs ont trouvé des zones dans l’océan Arctique, au nord de la Sibérie, où la température des sédiments permet le relâchement de méthane contenu dans le pergélisol sous-marin, un phénomène qui pourrait contribuer au réchauffement climatique.
On sait que le réchauffement fait fondre le pergélisol dans les portions terrestres de l’Arctique. Le pergélisol contient du carbone et, lorsqu’il fond, ce carbone alimente des microorganismes qui vont le dégrader et produire du CO2 et du méthane.
Le pergélisol contient également de l’hydrate de méthane (aussi appelé « glace de méthane ») emprisonné à l’intérieur. Lors de la fonte, de grandes quantités de méthane, un puissant gaz à effet de serre, sont relâchées dans l’atmosphère.
Les scientifiques commencent à explorer ce phénomène, qui se produit également au fond de l’océan, quand les conditions de température changent à cet endroit.
Au-dessus du point de congélation
Pour ce faire, l’équipe internationale composée de chercheurs russes, suédois et italiens s’est basée sur des données issues d’échantillons de sédiments de fonds marins récoltés ces dernières années au large des côtes russes, dans la mer de Kara, la mer de Laptev et la mer de Sibérie orientale. Leurs travaux sont publiés dans la revue Marine and Petroleum Geology.
Les données montrent que la couche supérieure de sédiments en certains endroits est dégelée. Sa température est de 0,6 degré Celsius supérieure au point de congélation. La température des sédiments peut même atteindre 2,5 degrés au-dessus du point de congélation, dans la mer de Laptev, notent les chercheurs.
Cela serait notamment attribuable à l’apport d’eau douce, plus chaude, provenant des rivières le long du littoral russe, notamment le grand fleuve Léna.
« Ces mesures ont révélé de nouveaux grands suintements de méthane dans les mers de Sibérie orientale et de Laptev, les flux de méthane [dans ces zones] s’élevant à travers une colonne d’eau de 45 m et atteignant la surface de la mer », peut-on lire dans un communiqué de l’École des hautes études en sciences économiques, à laquelle sont affiliés une partie des chercheurs.
Plusieurs études ont montré que la fonte du pergélisol terrestre est associée au changement climatique, l’Arctique se réchauffant deux fois plus vite que la moyenne mondiale.
Le processus de fonte du pergélisol sous-marin ne peut être attribué entièrement au réchauffement engendré par les activités humaines, et résulte probablement en grande partie d’un phénomène de changement climatique se déroulant sur des milliers d’années, et qui est associé à la fin de la dernière ère glaciaire, comme l’ont montré d’autres scientifiques plus tôt cette année.
Le groupe de géochimistes et de géocryologistes, sous l’égide d’Evgeny Chuvilin de l’Institut des sciences et technologies de Skolkovo (Skoltech), note que plusieurs facteurs peuvent affecter la température des sédiments de fond, comme la présence de glace à la surface de l’océan, et la composition des sédiments, qui peuvent accumuler et transmettre la chaleur plus ou moins selon qu’ils sont plus sablonneux, argileux ou limoneux.
L’épaisseur du pergélisol peut aussi varier de quelques centimètres à plusieurs dizaines de mètres, un autre facteur affectant sa stabilité et à prendre en compte dans le phénomène de fonte.
« La climatologie est confrontée à des difficultés, principalement parce qu’on ne sait pas exactement dans quelle mesure les facteurs anthropiques et naturels influencent le changement climatique. Les recherches de notre équipe peuvent aider à développer des algorithmes pour modéliser l’état futur du système “pergélisol sous-marin — hydrate” et les écosystèmes des mers arctiques russes », concluent les chercheurs.