Nechalacho : la mine qui veut faire autrement

Des travailleurs de la mine Nechalacho (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)
Se tailler une place dans le marché exponentiel des terres rares tout en respectant l’environnement et en travaillant le plus équitablement possible avec les Autochtones, sur leur territoire, c’est le pari de la première mine de terres rares du Canada qui souhaite établir ce nouveau modèle.
(Radio-Canada)
Le territoire de l’ours

Sourire aux lèvres, ils reviennent vers le camp par un petit chemin de quartz au milieu des conifères, bien loin de tout village ou de toute communauté dans les Territoires du Nord-Ouest. L’ours noir n’est plus un danger, Michael D. Lafferty et son cousin Fred Lafferty sont allés vérifier. Il est reparti dans la forêt un peu plus loin.

Le « gros ours, pas vraiment craintif », précise Michael, que tout le monde surnomme Micky, se promenait tout simplement. Normal, on est sur son territoire. Celui aussi des Dénés, de Micky et de Fred.

Et si les premiers mots qu’on peut lire sur de grands panneaux sont en déné, si les deux cousins de 47ans ont l’impression d’être chez eux, ils ne sont pourtant pas dans leur camp familial… mais dans un camp minier. Un camp qu’ils affectionnent tellement qu’ils recommandent de venir y travailler.

À la mine, Cheetah Resources, la filiale de l’australienne Vital Metals, a poussé jusqu’à inscrire en déné les indications sur les panneaux. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

La mine de Nechalacho collectionne les premières. Première mine de terres rares au Canada, alors que la demande en métaux de ce type est croissante, elle se vante aussi d’être la première à avoir contracté une entreprise autochtone pour faire l’exploitation minière: le dynamitage et l’extraction sur son propre territoire. Enfin, sur la cinquantaine d’employés de la compagnie, plus de 70% étaient autochtones l’an dernier, dans les bureaux comme à la mine.

« Nous essayons de mettre en œuvre une nouvelle norme, une nouvelle approche en ce qui concerne l’environnement et notre relation avec les Autochtones », résume le vice-président de la stratégie et des affaires générales de Cheetah Resources, David Connelly.

La mine de Nechalacho, qui est la première au Canada à extraire des terres rares, permet aussi au pays de prendre une place particulière sur le marché mondial des minerais. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Une fois que le projet initial de trois ans sera fini, le chef de Dettah, une des cinq communautés autochtones qui revendiquent le territoire et avec qui la compagnie fait affaire, pourra dresser un bilan. Mais déjà, pense le chef Edward Sangris, « cela pourrait être le modèle futur pour toute industrie qui veut développer de l’exploitation minière ».

Le Canada possède certaines des plus importantes réserves connues de terres rares au monde, estimées à plus de 14 millions de tonnes d’oxydes de terres rares en 2021. Une dizaine de projets sont actifs. Les éléments de terres rares (ETR) forment un groupe de 17 métaux qui se trouvent dans un grand nombre de mêmes gisements. Ils sont utilisés pour les véhicules hybrides, les éoliennes, l’équipement d’imagerie médicale, les ordinateurs portables, les cellulaires, les batteries rechargeables, etc.

(Source : Gouvernement du Canada)
Se sentir comme à la maison

Le petit campement est composé d’une dizaine de vieilles baraques et de deux espèces de conteneurs permettant d’avoir quelques chambres en plus, le long d’une rivière qui mène, cinq kilomètres plus loin, au Grand lac des Esclaves, encore gelé, malgré les 25 degrés et le soleil tapant de ce mois de juin.

Le campement de la mine Nechalacho (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Le domaine de Micky est un atelier de menuiserie. Tout ce qui lui tombe dans les mains repart comme neuf, ou en tout cas utilisable.

Pas le choix de faire avec les moyens du bord, car aucune route ne mène à ce camp minier, à 110 km au sud-est de Yellowknife. Le seul moyen d’y arriver est de prendre l’avion, affrété par la compagnie Cheetah Resources qui exploite la mine, et de survoler pendant 30 minutes les conifères, les lacs et les rivières qui sillonnent le territoire.

Michael D. Lafferty, alias Micky, aime se promener sur son territoire entourant la mine. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Micky Lafferty, qui vient de Fort Resolution à une centaine de kilomètres plus au sud-ouest, est l’une des mémoires du camp. Il y a travaillé plusieurs années, puis le projet a été mis sur pause. Il a alors enchaîné les emplois à Yellowknife, Fort Smith, Hay River, Cambridge Bay… Puis il y a deux ans, Cheetah Resources, qui a repris la propriété de terres rares, l’a rappelé. Il n’a pas hésité une seconde.

L’homme, peu bavard, replace un morceau de bois, puis file faire une autre tâche. Trouver du travail n’est pas un souci pour lui, les offres sont nombreuses. En quelques mots, il fait comprendre qu’il n’est pas un fervent défenseur ni un admirateur de l’industrie minière en général, car « l’exploitation minière, c’est juste comme chasser les animaux. Les mines ont leurs priorités. Ici, ce n’est pas vraiment une industrie minière ».

Il se corrige. « Il n’y a pas trop d’exploitation minière parce que les orignaux viennent. Beaucoup d’ours, de loups… » Comme l’ours noir ce matin, puis l’autre la veille.

Les sacs de terres rares sont envoyés par barges à Hay River, puis par la route ou par le train vers Saskatoon. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

J’ai choisi de travailler ici, car c’est comme si on est out on the land (dehors sur le territoire). On n’a pas de limites. Dans les autres mines, tu ne peux pas sortir du terrain, tu as plein de restrictions. Ici, on peut aller au lac, pêcher, nager, faire du canot. On peut pratiquement faire ce qu’on veut… tant qu’on fait sa job, ce que je fais comme les autres!Micky Lafferty

Son cousin avait deux autres propositions d’emploi, mais a fait le même choix, sauf que travailler dans une mine était une première. C’est une bonne place pour travailler, j’aime ça. Lui qui a grandi dans le bois, à chasser, à trapper savait que Nechalacho cherchait à recruter davantage d’Autochtones sur son territoire traditionnel et cela a été un argument de poids.

Il encourage même les jeunes à venir en leur racontant le type de camp, l’ambiance, le personnel qui a l’impression d’être en famille. Pour preuve, ce soir, il va rejoindre d’autres Dénés devant un match de hockey dans une petite salle qui fait office d’espace communautaire. Il évoque aussi les occasions d’avancement. L’an dernier, il travaillait dans la mine. Cette année, dans le camp comme menuisier.

Fred Lafferty et Jeremy Catholique concentrés devant le dernier match de hockey des Oilers le soir. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

L’entreprise est vraiment géniale pour promouvoir à l’intérieur et former les gens. L’an dernier, je suis allée dans la fosse, j’ai même appris à faire fonctionner une pelle excavatrice. J’ai appris aussi les différents types de roches!Kelsey Michaelson, cuisinière

Kelsey Michaelson est aussi très emballée. Cette Autochtone de 35 ans du nord de la Colombie-Britannique est pourtant plus habituée à manier la louche et la casserole que les manettes d’une pelle. Cuisinière, c’est la première fois qu’elle travaille pour une compagnie dans le nord.

Kelsey Michaelson aime aussi que l’alcool et les drogues soient interdits dans le camp. Cela permet une meilleure ambiance, précise-t-elle. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

En arrivant à Nechalacho, elle a été « surprise et impressionnée » de voir autant d’employés autochtones. Généralement, elle était plutôt minoritaire dans les autres camps où elle a œuvré. Selon le recensement de Statistiques Canada de 2016, les Autochtones représentaient 12 % de la main-d’œuvre de l’industrie minière. Dans les Territoires du Nord-Ouest, 25 % des employés des mines seraient autochtones.

Avec ses 70 %, Nechalacho est bien loin devant. Si cet aspect n’est pas ce qui retient Kelsey Michaelson ici, elle savoure chaque instant de connexion et d’apprentissage: la cueillette de baies sauvages et de thé du Labrador, avec les explications de Micky pour bien choisir la bonne feuille. Sans oublier la fois où les Dénés lui ont préparé une tisane avec une épice naturelle pour la soigner. « En deux jours, je me suis sentie de nouveau à 100%. Ils sont vraiment forts avec leur culture et c’est génial. »

Une mine à échelle humaine

La compagnie peut avoir autant d’Autochtones parce que ce projet n’est en rien comparable aux grosses mines de diamant en activité dans les Territoires du Nord-Ouest. « À mesure que nous grandirons, il sera difficile de garder ce nombre, mais c’est un bon début », concède le vice-président David Connelly.

Nechalacho est une démonstration à petite échelle sur trois ans, même si le gisement de Thor Lake, qui contient 15éléments de terres rares, a été découvert il y a bien longtemps.

Vue du ciel de la mine entourée de lacs (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Alors qu’il arpente le terrain sur son quad, Chris Pedersen se souvient encore quand il ôtait la mousse pour mieux observer des affleurements. En 1983, avec un autre géologue, il se promenait près de Thor Lake, à la recherche de minéraux. « Et on trouve des roches inhabituelles que personne n’avait vues auparavant. J’ai remarqué un drôle de minerai de couleur rouge brique. Nous avons pensé que nous avions peut-être trouvé autre chose. »

Les premiers forages leur ont donné raison. C’était bien des terres rares, « des petites taches rouges aléatoires dans le noyau, rien de significatif. Mais nous l’avons toujours gardé dans un coin de notre tête », raconte-t-il en prenant un morceau pour montrer les taches précieuses.

Cette mine est un peu la deuxième maison du géologue Chris Pedersen qui aime vulgariser son travail auprès des membres de l’équipe (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Après plusieurs changements de main de la propriété, de forages et l’intérêt croissant pour les terres rares, ce gisement qui était toujours sur le radar de Chris Pedersen est devenu, en 2021, la première mine de terres rares au Canada en exploitation, un site que l’on peut arpenter à pied.

C’est très petit, mais c’est très riche. Un gisement de terres rares de grande qualité!Chris Pedersen, géologue consultant pour Cheetah resources

Le gisement appelé la T-Zone est « très grossier, très rude », très facile à éclater pour séparer le quartz des éléments rares. C’est donc rentable. L’entreprise s’attend à expédier 5000 tonnes de terres rares concentrées par an au cours des trois prochaines années, puis à multiplier la production par cinq, soit jusqu’à 25 000 tonnes par an.

Non loin de là, il y a aussi un autre gisement, Tardiff Zone, plus prometteur, « astronomiquement plus grand », soutient le géologue. D’un geste de la main, il ouvre un des centaines de sacs regorgeant de pierres rouges qui attendent patiemment d’être chargés vers Hay River puis Saskatoon, où ils seront transformés puis expédiés en Norvège chez le client pour un traitement ultérieur.

Jeremy Catholique a toujours voulu travailler dans les mines. Il espère continuer de monter les échelons et obtenir un meilleur poste. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Sur une plateforme en hauteur, Jeremy Catholique observe les minerais qui sortent sur un tapis roulant. Quelques morceaux de quartz, mais ce qui l’intéresse surtout, ce sont ceux avec du rouge dessus. D’ouvrier, il est passé à superviseur des opérations dans ce camp si proche de sa nation Łutsël K’é, à une vingtaine de minutes en avion.

Lui aussi a été charmé par cette mine à échelle humaine, bien loin des grosses roulottes, de beaucoup de machines, d’équipements et de monde comme on en trouve dans les mines de diamant où il a travaillé. Car, à 36 ans, il a passé plus de la moitié de sa vie dans les mines.

Son constat: la relation entre les minières et les Autochtones change « un peu pour le mieux, mais le vrai changement, précise-t-il, c’est d’engager encore plus de personnes de sa communauté, des communautés autour du Grand lac des Esclaves car il y a encore beaucoup de personnes du Sud qui sont recrutées ».

La proximité de sa communauté et la taille de la mine ont pesé dans la balance pour s’installer ici, mais un autre aspect a été déterminant: les méthodes de traitement plus environnementales. Jamais, insiste Jeremy Catholique, il n’aurait travaillé dans les sables bitumineux.

Ici, une machine à rayons X sépare les minéraux, on n’a pas besoin d’eau. Dans les sables bitumineux, par exemple, ils utilisent beaucoup d’eau et ça détruit les lacs et les rivières.Jeremy Catholique, superviseur des opérations

L’ingénieur Travis Nguyen est de passage pour vérifier que le séparateur à rayons X fonctionne bien. Les minerais sont envoyés dans cette machine qui les trie et les envoie avec un jet d’air dans différents tapis. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

La mine Nechalacho n’utilise ni eau ni produits chimiques dans le processus d’extraction et de tri, ce qui est une première dans l’exploitation des terres rares, assure David Connelly. Le seul bassin visible est celui qui récupère l’eau pompée pour que les pelles et autres machines puissent descendre dans la fosse.

Cody Drygeese, les yeux des Dénés à Nechalacho

Et les Dénés peuvent compter sur l’un des leurs pour surveiller. Cody Drygeese est membre de la Première Nation des Dénés Yellowknives et spécialiste environnemental.

Ce territoire, justement, c’est son jardin. Il travaillait dans une grosse mine de diamant, mais il en a eu « marre de l’ensemble, marre de la façon dont l’extraction est faite » et se sentait « étouffé » parmi ces centaines d’employés.

Désormais directeur de l’environnement pour Cheetah Resources, Cody Drygeese s’assure du respect des exigences environnementales.

« Je ne suis jamais allé dans une mine comme celle-ci auparavant, il n’y a pas de bassins de résidus, pas d’utilisation de l’eau », se réjouit Cody Drygeese.

Pour Cody Drygeese, tant que les sociétés minières sont bien surveillées avec la bonne personne à l’environnement, l’exploitation peut être bien effectuée. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Cody Drygeese fait aussi ce constat: Cheetah Resources est venu le chercher, alors que n’importe quelle autre entreprise aurait sous-traité quelqu’un du Sud pour quelques mois.

La compagnie n’est pas la première à employer des Autochtones, mais autant à des postes élevés, Cody Drygeese n’a jamais vu cela. L’an dernier, le directeur de la mine, le directeur adjoint et cinq des opérateurs techniques étaient autochtones: Dénés, Mi’kmaq… Il espère qu’à l’avenir, d’autres entreprises suivront l’exemple de Cheetah Resources.

C’est notre arrière-cour! Nous voulons nous en occuper autant que n’importe qui d’autres. Et nous voulons que ces projets se déroulent dans le bon sens. Et pas avec des gens du Sud ici pour gagner quelques dollars et rentrer chez eux pour l’hiver.Cody Drygeese

Car qui restera une fois que les minières partiront? demande-t-il. « Nous serons encore ici à regarder ce qui reste! »

Une confiance encore difficile à bâtir pour certains

« Je ne sais toujours pas trop quoi en penser », répète Melissa Mackenzie à propos de la mine de Nechalacho. L’adjointe exécutive principale des chefs de Dettah et Ndilo, reste très méfiante envers les minières. Et en colère, surtout à propos de la mine d’or Giant qui a laissé un héritage toxique après avoir sorti des tonnes et des tonnes d’or de l’antre de ce territoire déné.

Alors les minières, malgré les emplois, les redevances… elle a encore du mal à leur faire confiance. « Elles disent : ça va être bon pour votre communauté, pour votre peuple, mais que se passera-t-il dans 10 ans. Cela ne nous aide pas dans un sens où ça va avoir un impact sur notre terre, sur les animaux… comme la mine Giant. »

Difficile pour Melissa Mackenzie d’avoir une position tranchée sur le projet Nechalacho. Sa communauté a été trop affectée par le passé par les mines, mais ces dernières créent tout de même de l’emploi. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Cody Drygreese vient de Ndilo, comme Melissa. Lui aussi, on lui a ordonné, petit, de ne pas aller faire de la motoneige vers la mine d’or, de ne pas y toucher la neige… de rester à l’écart de cette zone. Il se souvient d’avoir commencé à entendre des histoires de personnes qui tombent malades, comme son père enfant. Alors il comprend la crainte de Melissa et d’autres vis-à-vis des mines.

Parce que nous relions tout à la mine Giant. Quels que soient les minéraux extraits de la terre, peu importe si la mine est propre, nous devons la comparer à la mine Giant. Il est difficile de s’éloigner de cette pensée. Toute entreprise qui vient pour exploiter ici, nous la regardons avec une lentille sceptique. La peur est toujours là, c’est très fort.Cody Drygeese, responsable environnemental Cheetah resources

En haut : Les éléments de terres rares qui intéressent Cheetah resources sont ces petites tâches rouges qui apparaissent. À gauche : Une fois triés, les minerais sont envoyés dans des tas différents. Ceux contenants les éléments de terres rares sont mis dans des sacs et les autres serviront pour faire des routes… À droite : La mine à ciel ouvert de terres rares. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Alors la présence d’un Autochtone, de la place, comme gardien des bonnes pratiques environnementales est, en quelque sorte, rassurante. « Les gens savent que je suis ici non seulement pour un emploi, mais parce que je me soucie vraiment de ce qui se passe dans mon jardin. Ce n’est pas si loin. Si quelque chose se passe à 100 kilomètres, ça m’affecte aussi! »

Une époque révolue

D’ailleurs, il y a une dizaine d’années, quand la précédente compagnie, Avalon, a obtenu le feu vert du fédéral, les Dénés ont clairement manifesté leur opposition à ce projet qu’ils encensent désormais. En cause: un manque de consultations et des inquiétudes sur la gestion de l’eau et des déchets.

Le Conseil de révision environnementale du Mackenzie, bien qu’ayant approuvé le projet, avait conclu que le projet aurait des impacts environnementaux négatifs assez sérieux, mais qu’ils seraient sensiblement réduits par certaines mesures prises comme le contrôle des eaux usées.

Le chef de Dettah, Edward Sangris, estime que sa nation est assez impliquée, mais qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur la suite des relations avec la compagnie. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

« Nous n’étions pas à l’aise avec cela et les aînés étaient réticents à cause de la gestion de l’eau », indique le chef de Dettah, Edward Sangris. « Et puis à partir du moment où on a montré notre désapprobation, c’était comme si [la compagnie] avait tout mis à l’arrêt. Ensuite, une autre entreprise a pris le relais, nous a consultés et a dit qu’elle allait simplement sortir le minerai et l’expédier ailleurs pour le traiter. »

Les Dénés Yellowknives, dont fait partie Dettah, ont alors embarqué dans le projet. Et même plus que cela. « C’est fini le temps où une compagnie pouvait arriver sur notre territoire traditionnel, faire beaucoup d’argent et laisser la dévastation derrière elle. Les choses commencent à changer », assure le chef Edward Sangris.

Les compagnies doivent s’installer et prendre note que cette époque est révolue et qu’il faut traiter avec les Autochtones de façon appropriée pour travailler sur nos ressources.Edward Sangris, chef de Dettah

D’ailleurs, Edward Sangris estime que la manière de faire à Nechalacho pourrait être le modèle futur de toute industrie minière.

L’activité est au ralenti en ce moment à la mine Nechalacho. Une dizaine d’employés sont sur place. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Car en plus du reste, dans la fosse, les machines qui ont creusé et extirpé la terre l’an dernier appartenaient aux Autochtones. Det’on Cho Nahanni Construction est en majorité détenue par les Dénés Yellowknives. Une autre de leur entreprise s’occupait du dynamitage.

« C’est assurément une étape », souligne le président et chef de la direction de Det’on Cho Corporation, la branche économique de la Première Nation, qui possède les entreprises. « Si vous regardez d’autres mines, beaucoup feraient leur propre dynamitage et l’extraction », poursuit John Henderson.

Cette étape s’inscrit dans l’air du temps où il y a une « réelle pression » pour que les entreprises aient de bonnes pratiques en environnement et en gouvernance sociale. « C’est le grand buzz dans l’industrie, vous devez éviter d’avoir des dommages environnementaux ou de mauvaises relations avec les communautés. Si vous n’avez pas l’ensemble, vous aurez plus de mal à attirer les dollars », poursuit John Henderson.

John Henderson précise que Det’on Cho Corporation est avant tout une société d’investissement qui détient des entreprises ou des parts dans des entreprises qui oeuvrent essentiellement dans le secteur minier. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Il donne tout de même le crédit à Cheetah Resources pour inclure les communautés autochtones, mais il rappelle que Det’on Cho Corporation a pu offrir ses services grâce au travail politique des Autochtones qui sont passés de témoins passifs à participants clés de l’industrie minière dans les Territoires du Nord-Ouest.

David Connelly esquisse un sourire. Inclure les Autochtones est logique pour celui qui a toujours travaillé de près avec eux. D’ailleurs, précise-t-il, 85% des biens et services achetés pour la mine proviennent d’entreprises autochtones.

En juillet 2021, des membres de la Première Nation des Dénés Yellowknives et du personnel de Cheetah Resources assistent à la première production de concentrés d’éléments de terres rares. (Bill Braden, Cheetah Resources)

Le mot clé pour lui est la collaboration. « La communauté autochtone apporte les droits sur la terre, le savoir, une partie du processus de sélection environnementale. Elle peut aussi apporter des employés et des connaissances traditionnelles, tandis que la compagnie qui fait le développement apporte une expertise, des relations d’affaires et l’argent en capital. »

En discutant, nous pouvons concevoir un projet qui évite la plupart de vos inconvénients et la plupart des miens et nous procure tous deux des avantages. C’est un succès mutuellement bénéfique si on travaille ensemble.David Connelly

Il n’est pas dupe, « les Autochtones, les gens de la place connaissent mieux les incertitudes météorologiques, environnementales qui peuvent ralentir notre projet s’il fait trop froid, trop chaud. Ils connaissent mieux la façon d’opérer dans le Nord ».

Le Grand Lac des Esclaves est visible au loin, encore gelé, quand on survole le territoire pour se rendre à la mine de Nechalacho (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

La compagnie promeut la formation pour garder les Autochtones et les faire monter en poste. Elle est même ouverte à ce que les Dénés Yellowknives puissent acheter des parts dans le projet. Selon le chef Edward Sangris, quand la mine sera en production après les trois premières années et qu’elle fera des profits, ils recevront 4 %, mais pendant la phase actuelle de développement, « un certain montant » leur est octroyé.

Ils sont les mieux placés pour donner des conseils et, surtout, c’est la bonne chose à faire. Si tu veux travailler dans le jardin de quelqu’un, il faut qu’il en bénéficie.David Connelly

Marie-Laure Josselin, Radio-Canada

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