L’Arctique a perdu 12 % de son pergélisol depuis l’ère industrielle, estiment des chercheurs

Le réchauffement du climat dans des endroits comme Qikiqtaruk, dans l’Arctique canadien, entraîne un dégel du pergélisol. (Jeff Kerby)
Une équipe scientifique internationale a calculé que les zones gelées en permanence dans l’Arctique ont perdu plus d’un dixième de leur superficie depuis 1850. Des chercheurs, qui ont collaboré avec cette équipe, lancent un appel à diminuer de façon importante les émissions mondiales de GES et à aider les populations locales à participer à la protection des sols touchés.

Ces travaux sont rapportés dans deux articles scientifiques, l’un en cours de révision et l’autre déjà révisé par les pairs et paru dans la revue Frontiers in Environmental Science.

Dans un premier temps, l’équipe menée par Moritz Langer, de l’Institut Alfred-Wegener de recherches polaires et marines de Postdam, en Allemagne, a construit un modèle pour mesurer l’état du pergélisol à l’échelle mondiale. Le modèle permet de remonter aux années 1800 et aussi de se projeter jusque dans les années 2100. Le fruit de ces travaux est consultable dans une carte interactive

Toutes les zones de pergélisol arctique combinées ont perdu à ce jour environ 12 % de leur superficie depuis 1850, selon les calculs de l’équipe de Moritz Langer.

Les zones de pergélisol continu les plus touchées affichent quant à elles une perte de superficie d’environ 20 %. 

Un déclin fortement accéléré de l’étendue du pergélisol s’est produit après les années 1950, notent les chercheurs.

On sait que les régions arctiques se réchauffent désormais trois fois plus rapidement que la moyenne planétaire. Cela contribue au phénomène de fonte accélérée du pergélisol.

« Points chauds » dans le nord du continent américain

Le modèle montre que c’est en Amérique du Nord que la dégradation du pergélisol a été la plus prononcée depuis le début de l’ère industrielle. La fonte sur le continent eurasiatique a été moins prononcée.

« Le réchauffement du pergélisol depuis l’industrialisation s’est produit principalement dans trois régions « sensibles » », soit dans le nord-est du Canada (plus précisément le nord du Québec), dans le nord de l’Alaska et, dans une moindre mesure, dans l’ouest de la Sibérie, écrivent les chercheurs dans leur article.

Le pergélisol contient les restes en partie dégradés de plantes et d’autres organismes morts au fil des millénaires. Lors de la fonte, les microorganismes dans le sol recommencent à décomposer le carbone contenu dans ces résidus organiques. Le processus libère des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), ce qui contribue au réchauffement climatique.

De plus, soulignent les chercheurs, les zones où le pergélisol fond tendent à devenir plus foncées à mesure que la neige et la glace disparaissent en surface. Cela amplifie la captation de chaleur provenant du soleil et le réchauffement.

Le modèle a dû tenir compte du fait que certaines régions connaissent seulement une fonte saisonnière du sol gelé, en surface, alors que dans d’autres régions, le pergélisol a fondu sur des centaines de mètres de profondeur.

Couper les émissions de GES

Dans un deuxième temps, l’équipe de Benjamin Abbott, de l’Université Brigham Young, aux États-Unis, et de Jens Strauss, de l’Institut Alfred-Wegener, ont recensé les travaux faits sur le pergélisol à l’échelle mondiale et ont esquissé des solutions. 

Inévitablement, les pays devront réduire leurs émissions de GES et de façon encore plus importante que les cibles de l’Accord de Paris qui visent un réchauffement situé entre 1,5 et 2 degrés Celsius par rapport aux températures préindustrielles, affirment les chercheurs. 

Selon Jens Strauss, la fonte du pergélisol n’a pas l’effet d’une bombe, où tout à coup une quantité inouïe de carbone se libérerait et contribuerait de façon soudaine au réchauffement. C’est plutôt un processus qui s’effectue sur le long terme, mais qu’il ne faut absolument pas négliger, selon lui.

« De nos jours, les régions de pergélisol émettent déjà presque la même quantité de gaz à effet de serre que les émissions annuelles de l’Allemagne », note Jens Strauss dans un communiqué.

Les chercheurs rappellent que les bâtiments et diverses infrastructures dans les régions nordiques subissent d’importants dommages avec la fonte accélérée du pergélisol. À ce sujet, un récent rapport de l’Institut climatique du Canada avertissait que sans investissements massifs des gouvernements, de nombreuses infrastructures du Nord seront détruites à cause des changements climatiques.

La fonte du pergélisol libère aussi du mercure qui contamine ensuite les sols et les eaux et se retrouve dans la chaîne alimentaire.

« Tout en poursuivant une réduction draconienne des GES à l’échelle mondiale, nous devons soutenir et responsabiliser les communautés situées en zone de pergélisol qui s’adaptent à des changements environnementaux et économiques sans précédent et qui sont essentielles à la conservation durable de ces écosystèmes », écrivent les chercheurs dans leur article.

« Pour des raisons à la fois pratiques et éthiques, nous devons suivre les conseils des peuples autochtones et des autres peuples locaux qui sont les plus concernés et qui ont la connaissance la plus approfondie des réponses écologiques complexes dans le domaine du pergélisol », poursuivent-ils.

« Une plus grande reconnaissance des forums comme le Conseil de l’Arctique et le Conseil circumpolaire inuit pourrait contribuer à cet objectif », d’après eux.

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