Stimuler l’implication politique des jeunes Inuit grâce à la négociation

Durant plusieurs jours, les participants devaient soumettre des propositions et négocier des ententes entre eux. (Félix Lebel/Radio-Canada)
Un groupe de jeunes Inuit a pris part à Kuujjuaq, toute la semaine, à une simulation de négociation de traité afin de se préparer à cet exercice politique auquel ils devront peut-être faire face au cours de leur carrière.

On est loin ici de la traditionnelle simulation parlementaire avec des projets de loi et des caucus. L’exercice était beaucoup plus proche de la réalité politique de la région.

D’un côté de la salle, une équipe représentait l’administration régionale Kativik, accompagnée de la Corporation Makivik.

De l’autre, les participants représentaient les gouvernements du Québec et du Canada, que plusieurs appelaient à la blague : « the bad guys » (les méchants).

Les équipes étaient disposées de part et d’autre de l’auditorium de Kuujjuaq. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Un petit détail qui en dit long sur le sentiment d’appartenance des résidents envers les instances du Nunavik et la distance qui les sépare de la politique québécoise.

La mécanique de la négociation

L’événement a été organisé par le Qarjuit Youth Council du Nunavik, qui a pour but de représenter la jeunesse de la région et de stimuler leur implication communautaire.

Les organisateurs voulaient développer chez les jeunes une série de compétences qui leur seraient utiles dans un cadre de négociation.

« Ils vont créer des liens, faire du réseautage. Mais ils vont surtout apprendre comment leurs rêves, leur vision et leurs idéaux peuvent être amenés dans le futur, très prochainement », explique la directrice générale du Qarjuit Youth Council, Caroline Martel.

Caroline Martel estime que ces compétences leur seront utiles dans leur vie professionnelle. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Il s’agissait en effet pour plusieurs d’une première expérience de travail d’équipe et de prise de parole devant public.

Les jeunes devaient faire une série de propositions et les défendre devant des représentants gouvernementaux qui jouaient la sourde oreille.

« Au début, je me demandais dans quoi je m’étais embarquée. Mais après quelques heures, j’ai l’impression d’avoir tellement appris », explique Connie Ittukallak, 16 ans, de Puvirnituq.

« Je sais maintenant que je vais être impliquée en politique. Je ne sais pas encore comment, mais j’ai plein d’idées qui pourraient aider notre peuple », ajoute-t-elle.

De gauche à droite : Connie Ittukallak, Elena Mesher et Amelia W. Tukkiapik (Félix Lebel/Radio-Canada)

Ils étaient accompagnés dans ce processus par plusieurs personnalités connues de la politique régionale, qui ont une bonne expérience de négociation avec les gouvernements.

Parmi eux, Sarah Aloupa, la présidente de la commission scolaire Kativik Illisarnilirinik.

« C’est très important pour la jeunesse. Quand nous étions plus jeunes, on allait négocier sans bien connaître l’appareil gouvernemental. Ça sera très utile pour eux dans le futur! »

Sarah Aloupa a prononcé un discours qui a inspiré plus d’un jeune à s’impliquer dans les institutions publiques de la région. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Kativik Illisarnilirinik a aussi profité de l’occasion pour sensibiliser les participants à la protection de la langue traditionnelle inuit, l’inuktitut.

Ses points de vue étaient partagés par plusieurs jeunes et ont suscité beaucoup de passion durant les échanges.

« Ils tentent de préserver leur français, mais nous, on tente de préserver notre inuktitut. On a beaucoup en commun, mais on a l’impression que notre inuktitut est une langue de second rang comparé au français », explique la participante Amelia W. Tukkiapik, de Kuujjuaq.

Les traités

L’exercice était aussi une occasion pour ces jeunes inuit de décortiquer le fonctionnement de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ).

Le traité est central dans le paysage politique de la région, puisqu’il établit les bases de l’organisation du territoire de la Baie-James et du Nunavik entre les gouvernements du Québec, du Canada, les Cris et les Inuit.

Les participants ont été sensibilités aux différents rôles de l’administration régionale établis dans la CBJNQ. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Charlie Watt, sénateur à la retraite et ancien président de la corporation Makivik, était présent durant la semaine pour guider les jeunes au travers de cet imposant document.

Il a lui-même participé aux négociations du traité en 1976. C’était pour lui la chance de sensibiliser cette génération à l’importance de l’implication politique.

« Si j’ai un conseil à vous donner, c’est d’étudier la Convention. Toute votre vie, vous devrez négocier et vous baser là-dessus pour défendre vos droits en tant qu’Inuit. C’est juste le début », a dit Charlie Watt lors de la simulation.

Comme les autres accompagnateurs, Charlie Watt a fait un discours sur la réalité politique du Nord et invitait les jeunes à poursuivre le travail entamé par sa génération. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Des paroles qui ont eu une résonance particulière chez plusieurs participants et forgé leur volonté de s’impliquer davantage.

« Notre population a plusieurs besoins qui ne sont pas assouvis. Comme ils nous l’ont répété, nous sommes la génération qui va devoir poursuivre le travail. Quand ils ne seront plus là, nous allons devoir continuer de nous battre pour nos droits », dit Elisapie Lamoureux, qui a fait le voyage depuis Ivujivik pour cette simulation.

Elisapie Lamoureux travaille comme enseignante à Ivujivik et souhaite améliorer les services scolaires pour les jeunes du Nunavik. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Ça m’a vraiment donné envie d’en apprendre davantage. Ça me donne plein d’idées que je pourrai un jour utiliser dans mes implications professionnelles. C’est vraiment intéressant comme expérience », conclut-elle.

L’autodétermination

La forme et l’orientation de cette simulation ne sont pas le fruit du hasard et s’inscrivent parfaitement dans le contexte politique actuel du Nunavik.

Depuis 2018, la Corporation Makivik s’est donné le mandat d’entrer en négociation avec la province et le fédéral afin de créer une nouvelle entité politique régionale, plus autonome et indépendante.

Makivik était jusqu’à tout récemment en processus de recrutement pour agrandir ses équipes de négociateurs.

L’événement de cette semaine aura assurément donné à plusieurs jeunes la volonté de s’engager dans ce processus, qui, selon toute vraisemblance, prendra un certain temps.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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