Nord québécois : la santé publique du Nunavik dit avoir les mains liées par le manque de logements

Le problème du manque de logements est un fait connu et documenté depuis des décennies dans la région. (Archives) (Olivier Plante/Radio-Canada)
Face à la vague de décès de nourrissons qui a frappé le Nunavik en 2021, la santé publique régionale soutient que ses efforts de prévention sont limités par le manque de logements, qui force des familles entières à partager des espaces de vie inadéquats.

La Régie régionale de santé et de services sociaux du Nunavik réagit ainsi au rapport de la coroner Geneviève Thériault, publié récemment.

Dans son enquête, la coroner souligne le lien étroit entre le surpeuplement des logements et le décès soudain d’une dizaine d’enfants de moins de 1 an, durant l’année 2021.

L’enjeu soulevé par la coroner Thériault est toutefois déjà bien connu à la santé publique régionale.

Manque d’espace

Il n’est pas rare, au Nunavik, de voir des chambres pleines à craquer. Différentes générations se partagent régulièrement des logements trop petits.

Selon Statistique Canada, 47 % des logements du Nunavik sont surpeuplés. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

Par manque d’espace, les nourrissons doivent souvent partager le lit des adultes.

La situation pose un risque sérieux pour la santé du bébé, qui pourrait se retrouver accidentellement écrasé durant son sommeil.

La Régie régionale a donc financé l’achat de lits sécuritaires pour bébé dans toutes les communautés du Nunavik au cours des dernières années.

Les autorités de santé se sont toutefois rendu compte que le manque d’espace dans les pièces faisait en sorte que les lits n’étaient généralement pas utilisés.

« Les jeunes parents n’ont souvent pas leur propre logement et doivent vivre avec toute la parenté. Pour leur petite famille à eux, ils n’ont qu’une pièce dans laquelle ils vont mettre des matelas par terre. Ça remplit le plancher et il n’y a tout simplement pas de place pour une bassinette », explique la Dr Faisca Richer, adjointe médicale à la direction de santé publique du Nunavik.

Les lits pour enfants ne sont généralement pas disponibles dans les magasins du Nunavik. (archives) (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

La lutte au tabagisme est aussi un cheval de bataille important de la Santé publique régionale.

L’exposition à la fumée secondaire chez les nourrissons a été établie comme étant un facteur de risque important.

Encore une fois, le manque d’espace dans les logements mine les efforts de la santé publique.

« La mère peut avoir la meilleure volonté du monde d’arrêter de fumer durant la grossesse et après, mais si elle ne vit pas dans son propre logement, ça va être extrêmement difficile pour elle d’imposer aux autres qu’il n’y ait aucune fumée secondaire dans la maison », ajoute la Dre Richer.

La santé publique régionale estime que davantage de logements contribueraient à améliorer la santé générale de la population du Nunavik. (archives) (Eilís Quinn/Radio-Canada)

Cette dernière fait du manque de logement un élément central dans les problèmes de santé publique de la région.

« Si on était capable de combler le manque de logements, à l’aide d’un financement adéquat et du soutien correct de nos gouvernements, on travaillerait non seulement sur la prévention de la mort subite du nourrisson, mais aussi sur les enjeux de tuberculose », explique-t-elle.

« On n’aurait probablement pas eu la vague de COVID qu’on a eue. On aurait fort probablement beaucoup moins de suicides, de violence et d’abus chez les enfants », ajoute la Dre Faisca Richer.

Augmenter l’offre de logement

Dans son rapport, la coroner Thériault recommande la construction rapide de logements pour réduire les facteurs de risque chez les familles. Elle interpelle le gouvernement fédéral et provincial pour qu’ils se saisissent du dossier.

Le ministre fédéral des Relations Couronnes-Autochtones, Marc Miller, a réagi à la publication du rapport de la coroner. Il reconnaît que les besoins sont grands et que le financement actuel est insuffisant pour pallier le manque de logement.

« On sait que, durant les deux derniers cycles budgétaires, ce n’était pas assez pour combler l’écart en logement. La cible, c’est 2030. Il va falloir que le gouvernement, peu importe lequel, fasse des investissements soutenus pour les prochains cycles budgétaires. C’est quelque chose qu’on regarde d’année en année. Il ne faut pas lâcher prise », dit le ministre Marc Miller.

Marc Miller espère que les futurs investissements fédéraux réduiront le manque de logement du Nunavik d’ici 2030. (Darryl Dyck/La Presse canadienne)

La coroner a aussi interpellé le secrétariat des Affaires autochtones du Québec, maintenant appelé ministère des Relations avec les Premières Nations et les Inuit. Le ministre responsable, Ian Lafrenière, n’a pas souhaité répondre à nos questions pour le moment.

Sur le terrain, les attentes sont grandes. Récemment, l’Office municipal d’Habitation Kativik faisait état de 800 logements manquants dans la région.

La construction est notamment ralentie par les coûts prohibitifs du transport des matériaux au Nord et la courte saison de construction.

Une centaine de logements sont actuellement construits chaque année dans la région, un rythme qui ne répond pas à la croissance démographique rapide au Nunavik.

Le problème restera donc entier, tant et aussi longtemps que les ressources ne seront pas investies pour accélérer la construction.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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