États-Unis : un rapport du Congrès accuse les responsables de la mine Pebble d’avoir menti

Des forages prospectifs en 2007 dans le cadre du projet de mine Pebble, près d’Iliamma, dans la région de la baie de Bristol, en Alaska (Al Grillo/AP)
Un rapport du comité de la Chambre des représentants des États-Unis sur les transports et les infrastructures accuse Pebble LP d’avoir menti aux élus du Congrès sur l’ampleur du projet visé pour la mine d’or et de cuivre Pebble, dans le sud-ouest de l’Alaska.

Ce projet de mine, piloté par l’entreprise canadienne Northern Dynasty Minerals, fait la manchette en Alaska depuis une quinzaine d’années. L’industrie de la pêche de la région – qui représente 2,2 milliards de dollars et 15 000 emplois – et des groupes environnementaux s’opposent farouchement à la construction de la mine. Ils craignent les impacts négatifs dans la baie de Bristol. Des élus républicains ont soutenu le projet, comme le gouverneur Dunleavy, mais d’autres, comme les sénateurs de l’Alaska Lisa Murkowski et Dan Sullivan, sont contre.

Au printemps 2022, l’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) avait publié un règlement défavorable au projet de mine à cause des rejets importants prévus et de leurs effets sur la région et avait soumis le tout à des consultations publiques.

Vendredi dernier, deux représentants démocrates membres du comité sur les transports et les infrastructures de la Chambre des représentants ont publié un rapport de 160 pages. Ils affirment que les responsables de la minière n’ont pas dit la vérité au Congrès ces dernières années. Ils auraient laissé entendre que le projet de mine revu serait plus petit qu’une version préliminaire et aurait un moindre impact environnemental.

« Le 23 octobre 2019, le sous-comité des ressources en eau et de l’environnement a tenu une audience publique intitulée “Mine Pebble : procédés et impacts potentiels”. Au cours de cette audience, l’ancien PDG de Pebble LP, Tom Collier, a déclaré catégoriquement que Pebble LP n’avait l’intention de construire qu’une version réduite de la mine, qui différait de la proposition initiale, et que Pebble LP n’avait “pas de projet actuel […] d’agrandissement” », peut-on lire dans le rapport.

Or pendant ce temps, poursuivent les auteurs du rapport Peter DeFazio et Grace Napolitano, « la compagnie cherchait activement à développer et à exploiter une mine agrandie et vantait cette vision plus large dans des présentations aux investisseurs potentiels ». C’est consigné dans des documents et des enregistrements consultés par le comité, écrivent les deux élus démocrates.

« Ces actions semblent être une tentative de contourner » des exigences de lois américaines portant sur les processus d’approbation environnementale, poursuit le rapport. 

« La vérité est que les dirigeants de Pebble LP ont délibérément cherché à tromper les régulateurs afin d’éviter des processus d’examen public environnemental plus rigoureux. Cette conduite est honteuse et probablement criminelle », soutient la représentante Grace Napolitano dans un communiqué accompagnant la publication du rapport.

Le rapport fait plusieurs recommandations, à la lumière de ces révélations. Le comité recommande entre autres des changements au processus d’examen environnemental pour « assurer un examen holistique des impacts cumulatifs des projets ».

Le rapport indique également que le Congrès devrait réfléchir à l’adoption de lois pour assurer la protection du bassin versant de la baie de Bristol.

Des représentants de l’industrie des pêches et de groupes autochtones opposés à la mine Pebble manifestent à Anchorage, en Alaska, le 8 octobre 2019. (Marc Lester/Anchorage Daily News via AP)
La minière réfute les allégations

Dans un communiqué lundi, John Shively, directeur général de Pebble Partnership, une filiale de Northern Dinasty Minerals, affirme que les allégations contenues dans le rapport sont fausses et que l’entreprise a été transparente devant le Congrès.

Rien n’a été caché, dit-il, même si l’entreprise veut se garder la possibilité d’un agrandissement de la mine « par étapes », dont chacune nécessiterait une approbation environnementale en vertu des lois. Cela a été présenté au Congrès dans les déclarations et les documents relatifs au projet de mine, explique-t-il.

« Nous avons été clairs sur le fait que la ressource [le minerai] et l’occasion d’affaires sont importantes pour Pebble et que toute occasion d’affaires future nécessiterait un autre processus d’autorisation complet », indique-t-il.

« Nous avons ouvertement partagé tout cela avec le comité et nous sommes extrêmement déçus de la politisation de la soi-disant révision du projet qui ne correspond pas à la réalité. Nous sommes impatients de présenter le contexte essentiel manquant dans le rapport », ajoute M. Shively.

« L’opposition persistante de l’administration [fédérale] actuelle à l’exploitation minière et au développement des mines aux États-Unis est mauvaise pour le développement économique local en Alaska, mauvaise pour la transition énergétique et mauvaise pour la grande majorité de la population américaine », mentionne pour sa part le PDG de Northern Dinasty Minerals, Ron Thiessen.

Un projet minier controversé

Les promoteurs du projet de mine Pebble ont trouvé plusieurs embûches sur leur chemin au fil des années.

En 2014, l’EPA, sous l’administration Obama, avait proposé des limites pour l’exploitation minière à grande échelle dans le bassin versant de la baie de Bristol en raison de préoccupations environnementales. Mais cette proposition avait été annulée sous l’administration Trump.

Le projet minier a néanmoins dû faire face à d’autres obstacles réglementaires, fin 2020, quand le Corps des ingénieurs de l’armée américaine (le US Army Corps of Engineers) a refusé d’octroyer un permis pour la construction de la mine, à la suite de l’opposition de sénateurs républicains qui voulaient protéger l’industrie de la pêche. La compagnie minière avait fait appel de cette décision.

Même si les élus républicains sont divisés au sujet du projet de mine Pebble, ils jugent de façon générale que le mandat et le processus d’approbation de l’EPA ratissent trop large et, par le fait même, mettent en péril les possibilités d’exploitation des ressources naturelles par les Alaskiens, quel que soit le projet. Ils réclament donc une plus grande autonomie décisionnelle de l’État sur son développement local.

L’EPA doit rendre sa décision sur l’approbation du projet de mine Pebble début décembre. 

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *