Un cyclone géant dans l’Arctique a provoqué une diminution inattendue de la glace de mer
En janvier 2022, les scientifiques ont mesuré ce qui serait le plus important cyclone observé en 40 ans au nord du 70e parallèle. Il a provoqué une perte importante du couvert de glace dans la région où il a sévi, dans la mer de Barents et la mer de Kara.
L’importante zone de basse pression au centre du cyclone a pris forme sur l’est du Groenland vers le 21 janvier 2022 et a atteint son apogée plus à l’est, dans la mer de Barents, autour du 24 janvier. Il s’agissait de la zone de basse pression la plus intense mesurée en 43 ans.
Ce cyclone a aussi entraîné une perte record de glace de mer en surface dans la région.
Ces observations sont rapportées dans une étude parue cet automne dans le Journal of Geophysical Research–Atmospheres.
« Le cyclone a entraîné une perte hebdomadaire record (pour la période 1979-2022) de surface de glace locale et un record de vitesse de vents de surface, et il a généré des vagues océaniques dépassant 8 mètres » sous le cyclone, peut-on lire dans l’étude.
Des vagues de 2 mètres d’amplitude se sont ensuite déployées sur un rayon de 100 kilomètres dans la banquise tout autour.
Les chercheurs, qui utilisent couramment des modèles pour comprendre et prédire l’impact de phénomènes météorologiques extrêmes, ne s’attendaient pas à ce qu’un cyclone contribue autant à la diminution de la glace de mer.
« La perte de glace de mer en six jours a été le plus grand changement que nous ayons trouvé dans les données historiques depuis 1979, et la surface de glace perdue était de 30 % supérieure au précédent record. Les modèles prédisaient une certaine perte, mais seulement environ la moitié de ce que nous avons observé dans les faits », affirme dans un communiqué Ed Blanchard-Wrigglesworth, auteur principal de l’étude et professeur de science atmosphérique à l’Université de Washington à Seattle.
Six jours après le début de la tempête, la glace de mer s’était considérablement amincie dans les eaux touchées au nord de la Norvège et de la Russie, perdant par endroits plus de 50 centimètres d’épaisseur, selon les chercheurs.
« C’était une tempête monstre et la banquise a été brassée. Et les modèles n’avaient pas prédit cette perte, ce qui veut dire qu’il est possible de les améliorer », explique pour sa part Melinda Webster, coautrice de l’étude et professeure de physique à l’Université de l’Alaska à Fairbanks.
Les scientifiques avancent quelques hypothèses pour tenter d’expliquer le phénomène.
Il se pourrait que les énormes vagues aient brisé davantage la glace que ce qu’on croyait possible jusqu’ici. Cela a accéléré sa fonte. Il se pourrait aussi que ces vagues aient contribué, avec le brassement qu’elles génèrent, à faire remonter de l’eau des profondeurs, plus chaude, ce qui aurait fait fondre la banquise par en dessous. Ou encore que les scientifiques aient simplement surestimé l’épaisseur de la glace présente à l’origine, avant le passage du cyclone.
Selon les chercheurs, l’intensité inédite du cyclone ne semble pas attribuable au réchauffement climatique. Ils n’ont pas trouvé de tendance depuis 1979 (date du commencement des observations par satellite) pour ce qui est de l’intensité des cyclones dans l’Arctique, et la surface recouverte par la glace était proche de la normale historique pour cette région avant que la tempête frappe, notent-ils.
La glace sur l’océan Arctique est encore en formation à cette période de l’année, soit la fin janvier. Elle atteint son apogée vers mars-avril, juste avant la fonte printanière.
Les recherches ont montré que la glace de mer était un élément important pour la régulation du climat planétaire.
D’ailleurs, la perte de glace de mer et le réchauffement risquent de provoquer des tempêtes plus intenses dans l’Arctique, selon une autre étude parue plus tôt cette année.
Les experts prévoient que l’océan Arctique sera libre de glace en été à un moment donné au cours des 50 prochaines années.
« Il faut garder à l’esprit que ces événements extrêmes pourraient provoquer des épisodes d’importantes pertes de glace de mer à l’avenir », conclut M. Blanchard-Wrigglesworth.