À la COP15, de minces avancées pour les Autochtones

Plusieurs Autochtones ont constaté une plus grande ouverture par rapport à leurs droits au fil des sommets internationaux. (Andrej Ivanov/AFP via Getty)
Alors que le sommet sur la biodiversité de la COP15 s’est achevé à Montréal, les représentants autochtones sont satisfaits de l’écoute qui leur a parfois été accordée, mais le respect de leurs demandes au sein de l’entente demeure incertain.

Aslak Holmberg, président du Conseil sami, participe depuis plus de 10 ans aux forums des Nations unies, notamment les Conférences des parties à la Convention sur la biodiversité.

Avant même que le texte final de l’entente de la COP15 soit dévoilé, M. Holmberg prédisait que les propositions autochtones ne seraient pas toutes retenues.

Aslak Holmberg est président du Conseil sami. (Gabrielle Paul/Radio-Canada)

Originaire du village de Njuorggán, à la frontière entre la Finlande et la Suède, M. Homberg remarque néanmoins une évolution dans la manière dont les enjeux autochtones sont discutés lors de ces sommets internationaux.

« L’attention et la reconnaissance accordées aux peuples autochtones ont augmenté de manière considérable, soutient-il. Auparavant, il n’y avait pas autant de discussions à propos de nos droits, de nos territoires ou de nos rôles. »

« Si je continue à venir à ces sommets, j’ai forcément encore espoir, note-t-il en riant. Je vois de l’amélioration et je crois sincèrement que les discussions qu’il y a ici peuvent mener à des résultats concrets. »

Jorji Carino, du peuple Ibaloi aux Philippines, applaudit la manière dont ont été accueillis les peuples autochtones.

« Il y a incontestablement une plus grande ouverture et une plus grande compréhension des droits des peuples autochtones », affirme-t-elle.

« L’espace qui nous est accordé demeure limité », souligne cependant l’avocate Jennifer Corpuz, du peuple Kankana-ey Igorot également aux Philippines. « Les ministres discutent entre eux et nos accès à ces ministres sont peu flexibles. »

Jennifer Corpuz est une avocate autochtone des Philippines. (Jaela Bernstien/CBC)

« Ils acceptent parfois de nous entendre, mais nous n’avons aucun pouvoir concret d’influence et de décision », ajoute Mme Corpuz.

Des incertitudes

La cible 3 sur les 30 % d’aires protégées d’ici 2030, objectif phare des délibérations, a été l’objet de certaines appréhensions pour les Autochtones présents à la COP15.

« Nous avons fait face à des embûches techniques », résume Jennifer Corpuz.

« Nous avons essayé, depuis le début, de faire inclure les territoires autochtones dans cette cible », indique Aslak Holmberg.

« Ça semble difficile pour les parties de s’engager dans cette vision de la conservation de la biodiversité, poursuit-il. Pour certains États, il est difficile de voir d’autres solutions de conservation qui vont au-delà de leur définition de ce qu’elle doit être. »

« Je crois qu’ils ne sont pas prêts à prendre une nouvelle approche, dit aussi Aslak Holmberg. Mais pour nous, c’est une solution simple, nous avons prouvé maintes fois que les territoires autochtones accueillent une biodiversité importante. »

La question du financement, qui a ralenti les échanges la semaine dernière, inquiète également les représentants autochtones.

Ramson Karmushu, du Kenya, déplore notamment que le financement soit discuté différemment selon les écosystèmes concernés.

« Il y a beaucoup été question du financement pour les forêts, dit-il. Mais qu’en est-il pour les savanes? »

« Tous les écosystèmes sont liés, donc on ne peut pas accorder du financement à seulement certains. Lorsque vous traitez l’un et oubliez l’autre, ce sont tous les écosystèmes qui deviennent vulnérables », renchérit-il.

De plus, M. Ramushu souhaite que le statut des Autochtones dans les accords financiers change.

« Nous ne sommes pas seulement des partenaires, mais nous sommes les conservateurs en chef. Les gens qui viennent nous voir sur nos territoires sont nos partenaires », affirme-t-il.

Décoloniser la COP?

Au cours des deux semaines de la COP15, divers Autochtones du monde entier ont mentionné que ces rencontres internationales peuvent être « frustrantes ».

Pour Aslak Holmberg, ces sentiments sont tout à fait légitimes.

« Pour beaucoup de peuples autochtones, les relations avec leur État respectif sont difficiles, donc il est certain que les rapports sont tendus lors de forums internationaux », mentionne-t-il.

Quelques jours avant la clôture du sommet, la militante mohawk de Kanesatake Ellen Gabriel soulignait pour sa part le côté « hypocrite » de ce forum et demandait à ce que les solutions autochtones soient davantage mises de l’avant.

« Les représentants étatiques, qu’ils se disent progressistes ou pas, qui se sont rassemblés dans le but de sauver la biodiversité, sont pourtant les responsables de son déclin, estime-t-elle. Ce sont ces entités coloniales qui ont coupé nos liens avec la terre. »

« Seulement un changement profond de mentalité peut nous laisser une chance de sauver l’environnement, poursuit-elle. Nous devons décoloniser notre réponse à la crise climatique. »

Pour Jennifer Corpuz, cette « décolonisation passe par les peuples autochtones eux-mêmes ».

« Plus nous serons présents et véritablement entendus, plus ces instances se décoloniseront. »

Gabrielle Paul, Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur les Autochtones au Canada, visitez le site d’Espaces autochtones.

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