Des scientifiques découvrent une nouvelle forme de vie dans les profondeurs de l’Arctique

Un panache hydrothermal. (Institut Max Planck de microbiologie marine)
Une équipe de chercheurs allemands a réussi à identifier dans les profondeurs océaniques du centre de l’Arctique une nouvelle espèce de micro-organismes vivant dans les panaches hydrothermaux froids et saturés d’oxygène des volcans sous-marins. Une découverte d’autant plus étonnante pour les experts, qui se sont aperçus que ces microbes utilisent l’hydrogène du panache comme source d’énergie, plutôt que le sulfure.

Les scientifiques de l’Institut Alfred Wegener, du Centre Helmholtz pour la recherche polaire et marine de Bremerhaven et de l’Université de Brême ont également étudié le génome des micro-organismes baptisés « USulfurimonas pluma » durant leur voyage d’échantillonnage dans les panaches hydrothermaux de l’Arctique.

Ils ont alors constaté qu’ils étaient « fortement réduits », qu’il leur manquait des gènes typiques de leurs parents, mais qu’ils étaient bien équipés d’autres gènes leur permettant de se développer dans cet environnement

« Nous avons échantillonné des panaches dans des zones extrêmement éloignées qui n’avaient jamais été étudiées auparavant. La collecte d’échantillons de panaches hydrothermaux est très compliquée, car ils ne sont pas faciles à localiser. »

L’échantillonnage devient encore plus difficile lorsque le panache se trouve à plus de 2500 mètres de profondeur et sous la glace de mer arctique, a expliqué Antje Boetius, chef de groupe à l’Institut Max Planck de microbiologie marine et scientifique en chef de la mission arctique à bord du navire de recherche Polarstern.

« Nous pensons que le panache hydrothermal ne se contente pas de disperser les micro-organismes des cheminées hydrothermales, mais qu’il pourrait aussi relier écologiquement la haute mer aux habitats des fonds marins », a-t-il avancé.

Le navire de recherche scientifique Polarstern (The Alfred Wegener Institute)
Des centaines de mètres de hauteur

Dans les conclusions de leur étude publiée dans Nature Microbiology, les chercheurs soulignent que dans les profondeurs de l’océan, à la limite des plaques tectoniques, des fluides chauds s’échappent de ce que l’on appelle les cheminées hydrothermales. « Ces fluides sont dépourvus d’oxygène et contiennent de grandes quantités de métaux tels que le fer, le manganèse ou le cuivre », précisent-ils.

Certaines de ces cheminées peuvent également contenir des sulfures, du méthane et de l’hydrogène, ajoute le document. « Lorsque l’eau chaude se mélange à l’eau de mer froide et oxygénée environnante, des panaches hydrothermaux se forment et contiennent des particules de sulfure métallique semblables à de la fumée », peut-on lire.

Toujours selon l’étude, ces panaches s’élèvent à des centaines de mètres du fond marin et se dispersent à des milliers de kilomètres de leur source. Les panaches hydrothermaux peuvent sembler être un endroit précaire où s’installer. Pourtant, cela n’empêche pas certaines bactéries d’y prospérer.

« Nous avons examiné en détail les bactéries du genre Sulfurimonas », a affirmé Massimiliano Molari, l’auteur principal de l’étude et chercheur à l’Institut Max Planck.

« Jusqu’à présent, ces bactéries ne se développaient que dans des environnements à faible teneur en oxygène, mais des séquences génétiques avaient parfois été détectées dans des panaches hydrothermaux. »

Un développement à l’échelle du globe?

Comme leur nom l’indique, les bactéries en question utilisent l’énergie du sulfure, note le scientifique. « On a supposé qu’elles avaient été entraînées là par des environnements associés à des évents du plancher océanique. Mais nous nous sommes demandé si les panaches ne constituaient pas un environnement approprié pour certains membres du groupe Sulfurimonas. »

Pour M. Molari, l’analyse phylogénétique suggère que « USulfurimonas pluma » pourrait avoir dérivé d’un ancêtre associé aux cheminées hydrothermales, qui aurait acquis une plus grande tolérance à l’oxygène et se serait ensuite répandue dans les océans. « Toutefois, cette hypothèse reste à approfondir », suggère-t-il.

Un examen des données génomiques d’autres panaches a révélé que « USulfurimonas pluma » se développe dans ces environnements partout dans le monde. « Il est évident que ces micro-organismes ont trouvé une niche écologique dans les panaches hydrothermaux froids, saturés d’oxygène et riches en hydrogène. Cela signifie que nous devons revoir nos idées sur leur rôle écologique dans les profondeurs de l’océan, car cela pourrait être beaucoup plus important que nous ne le pensions auparavant. »

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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