Des aînés inuit du Grand Nord canadien en visite dans le sud pour tourner la page

Une quinzaine d’aînés inuit ont fait le voyage en Ontario depuis le Nunavut pour revisiter les vestiges de l’ancien sanatorium de Hamilton, où environ 1200 Inuit atteints de la tuberculose y ont été isolés durant les années 1950 et 1960 et dont certains en portent encore les marques.
En descendant de l’autobus qui les menait sur l’ancien site du sanatorium, l’émotion était à son comble pour les participants.
« J’ai toujours senti en grandissant qu’il y avait des parties de moi manquantes, que je n’avais jamais trouvé. J’espère que je vais les trouver ici », raconte Eena Kullualik, de la communauté de Pangnirtung au Nunavut.

Elle a fréquenté durant deux ans le sanatorium de Hamilton à partir de 1956, à l’âge de 4 ans seulement.
Même si elle ne se souvient que de très peu de choses de sa visite au sanatorium, le choc en revenant dans sa communauté était bien tangible et elle avait même perdu sa langue maternelle, l’inuktitut.
« Ce matin, avant de visiter le site, je me suis réveillée à 3 h et j’ai pleuré. Quand je suis arrivée, je sentais quelque chose à l’intérieur de moi et j’ai encore pleuré […] Je suis contente d’être finalement ici », ajoute-t-elle.

L’organisation SeeChange, qui a aidé à l’organisation du voyage, espère que cela pourra aider les participants à tourner la page sur ce pan de leur vie.
« Il y a un certain sentiment de honte, comme s’ils avaient fait quelque chose de mal, que c’était leur faute et qu’ils ne devraient pas parler de ce qui est arrivé. Mais maintenant, ils sont prêts à parler », explique la fondatrice de SeeChange, Rachel Kiddell-Monroe.
Un déracinement important
Les participants ont pris part malgré eux à un grand déplacement orchestré par le gouvernement fédéral au tournant des années 1950. Ottawa souhaitait donner un coup de barre face à une flambée des cas de tuberculose dans le pays, surtout au Nord.
D’imposants navires-hôpitaux ont parcouru les communautés de l’Arctique et ont amené avec eux les résidents atteints de la maladie. De nombreuses personnes y ont été envoyées sans consentement et sans comprendre les conséquences du voyage.

Certaines n’ont jamais pu dire au revoir à leur famille et sont décédées seules dans ces grands sanatoriums, alimentant la méfiance des communautés inuit envers le système de santé canadien.
Une visite attendue
Le groupe de survivants a aussi pu visiter le cimetière où ont été enterrés de nombreux Inuit décédés de la maladie au sanatorium. Un atelier de guérison des traumatismes a été organisé pour eux après la visite.
Un événement public est aussi prévu, mardi, avec une réception et la projection d’un film qui relate cet épisode tragique.
Les organisateurs espèrent rencontrer d’anciens travailleurs, infirmières ou médecins qui ont œuvré au sanatorium pour que les survivants puissent enfin « boucler la boucle ».
Avec les informations de Samantha Beattie et de Dustin Patar
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