Grand Nord canadien : l’offre d’emploi (probablement) la plus dépaysante du Québec
L’école du village inuit le plus au nord du Québec cherche actuellement quelqu’un sachant réparer les petits moteurs (motoneiges, VTT) pour initier aux rudiments de la mécanique quatre jeunes en adaptation scolaire, durant un mois.
« Certains se débrouillent, mais pour l’électronique, c’est plus difficile, et dans le village on n’a pas de mécanicien pour les petits moteurs », explique au bout du fil Sylvie Roussy, directrice de l’école d’Ivujivik.
Dans cette communauté nordique de plus de 400 âmes, située à six heures d’avion de Montréal, parcourir le territoire pour pêcher, chasser ou simplement profiter de la nature fait partie intégrante de la culture. Une culture qui dépend donc particulièrement de la capacité à se déplacer.
Or, remplacer une motoneige ou un VTT brisé n’est pas chose aisée étant donné que la communauté n’est approvisionnée par bateau qu’une seule fois par année et que le transport est relativement onéreux. Mme Roussy en a fait l’expérience récemment : la motoneige qu’elle a achetée d’occasion dans le Sud lui a aussi coûté 1300 $ d’emballage en vue du transport qui a nécessité d’allonger 1600 $ supplémentaires.
D’où l’importance de savoir réparer sa monture. Pour les pièces de rechange, pas de problème, « ici, la dompe est une vraie mine d’or pour les bricoleurs », précise l’offre d’emploi.
Car oui, outre les qualités de mécanicien, le poste à pourvoir nécessite un certain sens de la débrouillardise, de la créativité, en plus d’être capable de gérer quatre ados et d’assurer leur sécurité dans le garage. À ce sujet, pas nécessaire d’être un grand théoricien de la mécanique : « Les jeunes d’ici sont très débrouillards et apprennent très vite en observant », explique la directrice de l’école.
Avec cinq années d’expérience dans le Nord, elle a remarqué que ceux qui s’intègrent le mieux sont « ceux qui font preuve de flexibilité, qui ont une espèce de bonhomie, d’ouverture sur le monde et le désir d’apprendre ».
Ah oui, même si la région du Nunavik est située au Québec, on y parle majoritairement l’inuktitut et l’anglais (vestiges des controversés pensionnats), alors le candidat devra être soit anglophone, soit bilingue.
L’offre d’emploi inclut le salaire horaire d’un enseignant aux adultes, mais aussi le billet d’avion, l’hébergement (à l’hôtel coop ou en appartement) et une indemnité pour la nourriture. En effet, si plusieurs aliments de base comme le lait sont subventionnés, la pizza ne l’est pas et pourrait vous coûter un bras.
Et bien sûr, l’emploi inclut aussi le dépaysement. Ivujivik, dont le nom signifie « là où les glaces s’amoncellent », est bordé d’un côté par les montagnes et de l’autre par les eaux de la baie d’Hudson. En octobre, date pour laquelle le poste est à pourvoir, les bélugas seront de retour. Penser aussi à prévoir une petite laine, même si les grands froids ne seront pas encore de la partie (la température moyenne est de -3,1 °C en octobre).
La problématique du recrutement est particulièrement aiguë dans le Grand Nord québécois et Ivujivik ne fait pas exception.
Cet été, le Syndicat nordique des infirmières et infirmiers de la baie d’Hudson avait constaté que, par moments, seulement la moitié des 35 postes d’infirmières étaient pourvus dans les villages de l’ouest du Nunavik, forçant la réduction des services.
Un texte de Mathias Marchal
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