Au Labrador, des nouveau-nés innus retirés des bras de leur mère sans préavis

Deux mères ont témoigné lors d’une commission d’enquête sur le traitement des enfants innus par la province. (Martha Irvine/Associated Press)

Deux femmes de la communauté innue de Sheshatshiu, au Labrador, ont affirmé lors d’une commission d’enquête sur le traitement des enfants innus par la province que des représentants de la protection de la jeunesse leur ont retiré sans avertissement leur bébé naissant à l’hôpital.

La première mère éprouvée, dont on ne peut révéler l’identité pour protéger celle de son enfant, a relaté mardi qu’elle avait grandi dans un milieu où elle côtoyait la dépendance, qu’elle avait elle-même été sous la tutelle des services de protection de la jeunesse et qu’elle avait subi un lot de traumatismes en grandissant.

Elle était aux prises avec des problèmes de consommation de drogues et d’alcool quand elle a donné naissance à son fils. Personne ne l’a prévenu qu’on pourrait lui retirer la garde de son bébé, a-t-elle témoigné.

Une infirmière qui nourrissait l’enfant lui a dit qu’elle pouvait sortir fumer une cigarette quelques minutes. À son retour, l’infirmière lui a dit que des gens voulaient lui parler.

«C’est là que j’ai su qu’ils allaient me prendre mon fils. Ils avaient des papiers en main», a raconté la femme aux commissaires de l’enquête sur le traitement, les expériences et les conséquences des Innus dans le système de protection de la jeunesse [traduction libre d’Inquiry Respecting the Treatment, Experiences and Outcomes of Innu in the Child Protection System, NDLR].

«J’aurais mieux accepté qu’ils prennent mon fils si je leur avais remis mon enfant moi-même. Je comprends pourquoi ils ont dû le prendre, mais de le faire comme ça? J’étais toute seule, je n’avais personne.»

J’étais tellement assommée. Je me souviens d’avoir pleuré de Goose Bay [où se trouve l’hôpital, NDLR] jusqu’à Sheshatshiu.

– Une mère innue de Sheshatshiu

La femme comprenait que c’était pour la sécurité de son fils qu’on lui en retirait la garde, mais elle aurait aimé le voir une dernière fois.

C’était il y a plusieurs années. Aujourd’hui, la femme est sobre. Elle concède que la protection de la jeunesse a un rôle à jouer pour veiller au bien-être des enfants, mais leurs façons de faire lui ont causé énormément de détresse, a-t-elle souligné.

Une autre témoin a raconté qu’elle venait elle aussi d’un milieu où les dépendances étaient répandues. Elle a également confié avoir été victime d’agressions sexuelles dans sa jeunesse en dehors de son foyer et qu’elle s’est longtemps battue contre les dépendances.

Cette seconde femme a dit à la commission qu’elle a suivi différents programmes de traitement pendant 10 ans, et que c’est à 17 ans qu’elle a eu son premier enfant. Ce dernier n’avait que 3 ans quand son père s’est enlevé la vie. La femme a donc décidé de donner son enfant en adoption à ses grands-parents.

Des années plus tard, elle a eu une fille d’une autre union. Mais dès son accouchement au Centre de santé du Labrador, la protection de la jeunesse a voulu lui retirer l’enfant.

«Ils m’ont dit que je devais trouver quelqu’un pour m’occuper d’elle et que je devais suivre un traitement de 90 jours», a-t-elle relaté.

La mère a plaidé pour participer au programme de 28 jours offerts dans un centre de la communauté de Sheshatshiu qui permet aux patients d’être avec leur enfant, mais on lui a refusé cette demande parce qu’elle n’avait pas suivi le programme de 90 jours. La protection de la jeunesse est donc partie de l’hôpital avec sa fille.

«Quand ils l’ont prise, je n’avais envie que de prendre de l’alcool et de la drogue, mais j’ai décidé de ne pas suivre ce chemin-là», a-t-elle indiqué. «Je suis allée toute seule au programme de 28 jours. La protection de la jeunesse n’a même pas daigné me demander si je pouvais y aller avec mes enfants ou ma famille.»

Son partenaire a ensuite milité pour elle et son enfant, tant et si bien que la protection de la jeunesse a finalement accepté de la réunir avec sa fille au centre de traitement. Elles ont terminé le programme ensemble et n’ont pas été séparées depuis.

«Ça m’a fait énormément de bien d’être en famille. C’est elle, avec moi, qui m’a aidée à changer ma vie et c’est pour ça que je suis devant vous aujourd’hui», a-t-elle lancé.

La commission d’enquête tient des rencontres avec les membres de la communauté de Sheshatshiu cette semaine. Les commissaires iront ensuite à Natuashish pour deux semaines d’audience en novembre.

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