Cette minière qui veut faire les choses autrement avec les Autochtones

La communauté naskapie de Kawawachikamach est impactée par le projet. (Photo d’archives/Radio-Canada/Nicolas Lachapelle Plamondon)

Les Autochtones n’en ont pas l’habitude. Pourtant, certains d’entre eux s’accordent à dire que Torngat Metals tente de faire les choses respectueusement, les incluant dès le début du processus. C’est le cas pour l’un des projets phares de l’entreprise à la jonction de plusieurs territoires autochtones et inuit, dans le nord du Québec, à la frontière avec le Labrador.

Ce projet de terre rare s’appelle Strange Lake, à 235 kilomètres de Schefferville. Les populations touchées sont les Inuit du Nunavik et du Labrador, les Naskapis, les Innus de Uashat mak Mani-Utenam et les Innus du Labrador.

Un casse-tête dont ne se cache pas Christine Burow, directrice du marketing à Torngat Metals, dont le siège social se trouve à Montréal. « C’est sûr que ça complexifie [le projet], mais on doit travailler avec eux, avec tout le monde. Pas juste parce que c’est la loi, mais parce qu’on est dans leurs communautés », dit-elle.

Les Naskapis ont été marqués par les agissements des autres minières venues sur leur territoire. (Photo d’archives/Radio-Canada/Delphine Jung)

Du côté des Naskapis, on semble être ouvert à une discussion franche avec la minière. La mine de Strange Lake, si elle voit le jour, sera située « dans une zone d’intérêt » pour eux, explique Michel Bacon, agent de liaison dédié aux relations avec les minières au conseil de bande des Naskapis.

« C’est une zone très fréquentée par la harde de caribous de la rivière George. C’est un endroit où nous chassons. Protéger cette harde est l’une de nos conditions, car elle est petite », poursuit-il.

« On reconnaît qu’il y aura un impact sur le caribou, mais on espère trouver un plan pour réduire cet impact, ou même l’éliminer. Nous faisons des analyses depuis le début avec les Naskapis et on utilise leurs connaissances », détaille de son côté Mme Burow qui indique aussi qu’un groupe de travail sur le caribou avec des Naskapis – dont Michel Bacon – a été mis en place.

Une suggestion qui vient d’ailleurs des Naskapis eux-mêmes.

Torngat Metals a ainsi décidé de récolter des données concernant l’animal emblématique de plusieurs communautés. Ces données seront ensuite partagées avec les communautés concernées.

L’idée est de voir où ils se trouvent exactement pour « être certains de ne pas les déranger », dit Mme Burow.

Les Naskapis ont aussi demandé à ce que ces données ne soient pas collectées depuis les airs. Les hélicoptères sont très intrusifs pour les caribous, dit-elle. Là encore, la minière a respecté la doléance du peuple naskapi qui indique réfléchir à une autre approche.

La directrice marketing indique que les données scientifiques seront combinées avec les connaissances autochtones.

Lutter contre une mauvaise réputation

Mme Burrow assure que travailler avec les Autochtones est une priorité pour l’entreprise. C’est même un impératif, d’autant qu’elle sait que les Autochtones ont énormément d’attentes et d’exigences vis-à-vis des minières.

Elle sait que « les minières ont mauvaise réputation, mais elle croit aussi qu’un partenariat positif avec les Autochtones est la clé du succès pour une formule gagnant-gagnant. »

« Si les Autochtones gagnent, on y gagne aussi », appuie-t-elle.

« On sait qu’on n’est pas parfait, mais on veut que les Autochtones travaillent avec nous pour créer un plan complet [du projet]. Nous ne voulons pas juste venir et leur proposer un plan en leur demandant ce qu’ils en pensent », ajoute-t-elle.

L’idée est de les impliquer dès le début. Une démarche très appréciée par les Naskapis.

Torngat Metals est justement aux balbutiements du projet – même si un gros travail a déjà été fait sur le gisement – et indique qu’il est important « d’être transparent », « de respecter [ses] promesses » et de « développer des relations dès le début [du processus]. »

« C’est mieux [qu’avec les autres minières]. Ils sont plus ouverts à nos besoins, à ce qu’on veut. Et pour créer une bonne relation, il faut inclure les Naskapis dès le début du processus, quand ils obtiennent des claims miniers », poursuit M. Bacon.

Il reste encore à développer un plan pour le traitement des eaux, la construction d’une route vers la mine, évaluer les besoins en électricité, travailler sur les aspects d’ingénierie, etc.

Le projet Strange Lake:

  • Une mine et une usine d’enrichissement situées au Nunavik à 235 km au nord-est de Schefferville et 170 km à l’ouest de la côte du Labrador.
  • Une autre installation pour la séparation à haute pureté des terres rares dans le sud du Québec (processus de sélection du lieu en cours, Sept-Îles est privilégiée).
  • Mine à ciel ouvert.
  • Cerberus Capital a investi 50 millions de dollars américains pour le projet.
  • Début des opérations visé : fin 2027.
  • Durée de vie de la mine : environ 30 ans.

Une usine doit aussi être construite. Le choix de la minière se porte pour le moment vers Sept-Îles, 500 kilomètres plus au sud de la communauté naskapie de Kawawachikamach.

Le conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam indique qu’il « participera aux consultations d’usage, mais il est encore trop tôt pour nous prononcer sur la qualité des démarches de la minière auprès de la communauté. »

Le gouvernement du Nunatsiavut, qui représente les Inuit au Labrador, est tout aussi prudent. Jim Goudie, sous-ministre des Terres et des Ressources naturelles, rappelle que son gouvernement dispose d’un axe particulier pour le processus d’évaluation de tout nouveau projet minier sur le territoire.

Les Naskapis ont été marqués par les agissements des autres minières venues sur leur territoire. (Photo d’archives/Radio-Canada/Delphine Jung)

Il indique que ce processus peut prendre plusieurs années.

Il indique aussi que le gouvernement du Nunatsiavut n’approuvera aucun projet si la population n’en tire aucun bénéfice. Désormais, les ententes négociées avec les minières « doivent être encore meilleures que celles que [les Inuit du Labrador] ont déjà, car on a beaucoup appris de ces premières ententes », poursuit M. Goudie.

La Commission de la qualité de l’environnement Kativik étudie également le projet, même si, il faut le rappeler, elle n’est pas une entité politique. Elle indique que les directives pour la réalisation de l’étude d’impact sur l’environnement et le milieu social que le promoteur doit réaliser ont été transmises à l’administratrice de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.

« Naturellement, comme tout autre projet de cette envergure, une attention doit être portée aux répercussions sur les caribous, étant donné leur importance pour les communautés, mais l’étude d’impact est bien plus large que ça », indique-t-on par courriel.

La Société Makivvik, qui administre les Inuit du Nunavik, n’avait pas encore répondu à nos demandes d’entrevue à la publication de cet article.

Mais même si une minière vient rencontrer les Autochtones avec les meilleures intentions du monde, avec l’ouverture qu’ils attendent, il reste que le dilemme cornélien demeurera toujours. « Le défi pour les communautés est de maintenir un équilibre entre le développement économique et un maintien de leurs activités sur le territoire », indique la Commission de la qualité de l’environnement Kativik.

« On est toujours inquiet pour l’environnement, et d’un autre côté, ce serait bon pour les opportunités d’emplois et l’économie…» conclut, songeur, Michel Bacon.

Avec les informations d’Heidi Atter, de CBC

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Delphine Jung, Radio-Canada

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