Des artistes du Nord tissent des liens pour le futur
Après quatre jours d’ateliers, de concerts et de conférences à Reykjavik, en Islande, la vitrine Arctic Waves aura permis à des artistes du Nord circumpolaire d’attirer l’attention de professionnels de l’industrie musicale internationale, mais aussi de poser les premiers jalons de nouvelles collaborations entre les régions nordiques.
Dans la délégation canadienne, les artistes du Nunavut et du Nunavik The Trade-Offs, Silla et Elisapie Issac font partie de la trentaine d’artistes de l’Arctique qui ont pris part à l’événement vitrine organisé en marge du festival de musique Iceland Airwaves.
L’initiative, nouvelle cette année, visant à promouvoir le talent des artistes du Nord et à les aider à développer de nouveaux marchés, semble avoir porté ses fruits.
Pologne, Norvège, Alaska, Islande… Plusieurs festivals internationaux ont déjà manifesté leur intérêt de collaborer notamment avec les artistes du Nord canadien.
L’événement a particulièrement répondu aux attentes du bassiste Jeff Maurice, du groupe The Trade-Offs, qui présentait un concert-vitrine vendredi soir.
«Nous avons eu l’occasion d’avoir des réunions de réseautage avec des compagnies d’édition musicale, des maisons de disques et nous avons même eu la chance de rencontrer des diplomates.»
L’autrice-compositrice-interprète Elisapie Isaac, originaire du Nunavik, rêvait quant à elle depuis longtemps de se produire devant le public islandais.
«L’Islande et [le festival] Iceland Airwaves, ça a toujours été un peu [mythique]. Il y a quelque chose de wow! Je ne l’ai jamais fait, alors je me suis dit que ce serait une bonne opportunité, en plus d’être avec des artistes de talents éclectiques et de « highlighter » le Nord.»
C’est juste depuis [mon] dernier album que j’ai pu voyager pour la première fois depuis que je chante. J’ai l’impression qu’on est encore au début de l’aventure.
– Elisapie Isaac, autrice-compositrice-interprète inuk
Andrew Morrison, musicien de longue date et cofondateur d’Aakuluk Music, la seule maison de disques située au Nunavut, se réjouit de voir grandir l’intérêt international pour la musique du Nunavut et la culture inuit.
«Au cours de ma vie, j’ai constaté une réelle évolution», explique-t-il.
Il croit que la réconciliation envers les peuples autochtones a contribué à démocratiser à une plus grande échelle la musique d’artistes inuit et à dissiper les contraintes qui lui étaient souvent imposées.
«Je me souviens de circonstances où des artistes inuit se faisaient demander […] de chanter en anglais pour que les gens comprennent ce qu’ils disent.»
Andrew Morrison estime que le succès de la vitrine Arctic Waves a été tel qu’il ouvrira la voie à des événements similaires à l’avenir.
«Je sens déjà que ça ne va que prendre de l’ampleur», lance-t-il.
Des liens renforcés entre les régions arctiques
À travers les ateliers, les concerts et les discussions d’avant spectacles, la fébrilité et la joie étaient visibles autant chez les artistes que chez les spectateurs.
«Ce que j’apprécie le plus, c’est de pouvoir rencontrer d’autres artistes autochtones», confiait à sa sortie de concert, vendredi soir, l’autrice-compositrice-interprète Katarina Barruk, originaire de la région samie.
«C’est quelque chose d’enrichissant qui m’habite de retour chez moi.»
Je pense vraiment que nous devrions avoir plus d’occasions comme celles-ci. C’est bénéfique de se rassembler et de partager des expériences.
– Katarina Barruk, autrice-compositrice-interprète
Au-delà du réseautage avec l’industrie et les diffuseurs, cette occasion de rencontre a aussi consolidé les liens entre les différentes délégations nordiques, les incitant à collaborer davantage.
Le directeur général du festival groenlandais Arctic Sounds, Jacob Froberg, cherche à créer une maison de disques pour répondre à la demande en gestion d’artistes au Groenland.
Son festival ainsi que la maison de disques Aakuluk Music, au Nunavut, ont récemment fait collaborer des artistes des deux territoires dans le microalbum Aajuik, sorti au mois de juin.
Jacob Froberg voit donc le potentiel de multiplier les futures coproductions de musique entre le Groenland et son territoire voisin.
«Nous devrions arrêter de nous restreindre au marché groenlandais […] et plutôt penser à produire des choses dans la grande région de l’Inuit Nunaat [territoire ancestral des Inuit, NDLR] plutôt que seulement localement», dit-il.
Victoria Perron, du Festival des arts Alianait, au Nunavut, est du même avis. Elle s’attend à ce que le nouveau vol direct l’été prochain entre Nuuk et Iqaluit, les capitales respectives des deux territoires, facilite ces échanges futurs.
«[Un artiste] pourrait faire une tournée au Nunavut, puis se rendre au Groenland grâce à ce nouveau vol […] puis aller au festival Riddu Riddu [dans la région samie] ou encore au festival Folk on the Rocks [aux Territoires du Nord-Ouest] et au Yukon», dit-elle.
«C’est vraiment motivant de développer les [échanges] pan-arctiques et de montrer qu’il est possible d’avoir une économie musicale forte […] et qu’il n’est pas nécessaire de se restreindre à des tournées dans le Sud», conclut-elle.
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