Projet de loi attendu lundi sur la qualité de l’eau potable des Premières Nations

Le projet de loi sera déposé plus d’un an après que le Canada a abrogé une loi antérieure sur la salubrité de l’eau potable chez les Premières Nations. (Photo d’archives/Radio-Canada/Bruno Giguère)

La ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, devrait déposer lundi un projet de loi très attendu destiné à améliorer la qualité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations.

Le projet de loi sera déposé plus d’un an après que le Canada a abrogé une loi antérieure sur la salubrité de l’eau potable chez les Premières Nations et deux ans après une décision de la Cour fédérale qui a approuvé un règlement de huit milliards de dollars concernant les avis sur la qualité de l’eau potable.

Dans une entrevue accordée à La Presse canadienne cet automne, la ministre Hajdu a déclaré que la mesure législative à venir a été préparée avec les Premières Nations, ce que réfutent certains chefs autochtones.

Le bureau de Mme Hajdu a refusé de fournir les détails du projet de loi avant son dépôt à la Chambre des communes.

En juin 2022, les libéraux fédéraux ont aboli la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations, présentée par le gouvernement conservateur précédent en 2013.

Le gouvernement de l’époque soutenait que cette loi visait à appuyer l’élaboration de règlements fédéraux pour améliorer la qualité de l’eau potable chez les Premières Nations et pour permettre un traitement plus efficace des eaux usées.

De nombreuses Premières Nations ont cependant déclaré que la loi était inefficace et dangereuse, invoquant des préoccupations quant au manque de financement durable et à la violation des droits constitutionnels.

En décembre 2021, la Cour fédérale et la Cour du Banc du Roi du Manitoba ont décidé d’approuver le règlement d’un recours collectif de huit milliards.

Ce règlement couvrait toutes les Premières Nations et leurs membres qui ont fait l’objet d’avis concernant la qualité de l’eau potable pendant au moins un an entre novembre 1995 et juin 2021.

Le règlement prévoyait 1,5 milliard de dollars en indemnisations, 400 millions pour créer un fonds destiné à la restauration économique et culturelle des Premières Nations ainsi qu’un nouvel engagement à lever tous les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable.

Le gouvernement devait également allouer au moins six milliards pour favoriser l’accès à l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations et pour moderniser la législation sur l’eau potable des Premières Nations.

«C’est ainsi que le colonialisme fonctionne : ils enlèvent et s’approprient les terres et les eaux, vous retirent votre autorité. Vous vous battez, vous dépensez beaucoup d’argent et vous passez beaucoup de temps devant les tribunaux à faire ce que vous pouvez, puis les choses bougent un peu», a déclaré Dawn Martin-Hill, professeure à l’Université McMaster.

«C’est épuisant», a affirmé en entrevue Mme Martin-Hill, qui dirige le programme de recherche autochtone sur l’eau OhneganosOhnegahdę:gyo.

Au cours d’une récente audience d’un comité de la Chambre des communes, Mme Hajdu a été interrogée sur le travail de son gouvernement pour s’assurer que les Premières Nations disposent d’eau potable.

Le député néo-démocrate Blake Desjarlais avait notamment questionné la ministre au nom du Traité no 8 en Alberta.

Interrogations des chefs autochtones

Les chefs autochtones s’inquiètent du financement et de la façon dont le projet de loi fonctionnera. Ils s’interrogent également sur l’utilisation par Mme Hajdu du terme codéveloppé pour décrire cette loi, a affirmé M. Desjarlais.

«Vous ne pouvez pas dire que vous avez « codéveloppé » ces choses quand votre partenaire ne dit pas la même chose», a-t-il fait remarquer.

Mme Hajdu a répliqué qu’il est difficile de décrire à quoi ressemble le codéveloppement parce que cela n’a jamais été essayé auparavant.

«J’ai travaillé en étroite collaboration avec les Premières Nations lors de ce processus et je continuerai à m’efforcer de consulter les dirigeants autochtones qui souhaitent participer au processus», a-t-elle ajouté.

Dans une entrevue accordée à La Presse canadienne en septembre, Mme Hajdu avait affirmé qu’elle s’était efforcée de suivre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de ce processus.

La ministre soutient que les gouvernements devraient consulter les peuples autochtones «de bonne foi» afin d’obtenir un consentement libre, préalable et éclairé avant de mettre en œuvre une loi qui pourrait les affecter.

La déclaration stipule également que les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination et le droit de participer à la prise de décisions sur les questions qui pourraient avoir une incidence sur leurs droits.

Ce projet de loi «est le plus proche du codéveloppement que nous ayons connu», avait-elle dit à l’époque.

Mme Martin-Hill a déjà critiqué la façon dont les libéraux traitent le dossier de l’eau, surtout en ce qui concerne la portée de leur engagement à mettre fin aux avis de faire bouillir l’eau.

Bien que le contenu du projet de loi ne soit pas encore connu, Mme Martin-Hill souligne que la bonne gouvernance inclurait la création d’autorités responsables de l’eau dans les communautés autochtones.

«La plupart des gens qui s’occupent de nos eaux, qui les surveillent et qui les gèrent ne sont pas autochtones et ne nous consultent pas au sujet de leurs conclusions ou de leurs initiatives», a-t-elle déploré.

Si les autorités responsables de la gestion de l’eau étaient établies au sein même de ces collectivités, ces pouvoirs seraient transférés aux Premières Nations, qui pourraient avoir une certaine capacité juridique de prévenir la destruction ou l’exploitation de cette ressource sans consentement.

Elle donne en exemple la rivière Grand, qui traverse sa réserve des Six Nations en Ontario. Des barrages compliquent le passage des poissons, tandis que l’eau est trouble et continuellement polluée, selon Mme Martin-Hill.

Elle est d’avis que si les gens qui vivent à proximité de la rivière étaient en mesure de la gérer eux-mêmes, ils seraient en mesure de la nettoyer et de prendre de meilleures décisions.

Peut-être même que l’esturgeon qui était autrefois abondant dans cette rivière déciderait de revenir.

«C’est notre source de nourriture. Quand vous dites que les peuples autochtones sont pauvres, eh bien, c’est une dépendance induite par le gouvernement. Ce n’est pas une chose que nous avons créée», a-t-elle conclu.

À lire aussi :

Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur le Canada, visitez le site de Radio-Canada.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *