Les fouilles estivales sur les épaves de l’expédition Franklin ont été productives
Les fouilles estivales sur l’épave de l’Erebus, l’un des deux navires de l’expédition de John Franklin visant à réussir la première traversée du passage du Nord-Ouest, ont été productives, affirme le responsable de l’équipe archéologique de Parcs Canada, Jonathan Moore.
Il raconte avoir tenu dans ses mains les lentilles d’une paire de lunettes retrouvées sur l’épave. «Je porte des lunettes. Je sais que cela devait être un objet très important pour une personne», lance-t-il. «Cela m’a permis d’établir des liens avec elle. Certains des objets retrouvés sont très évocateurs.»
Partis d’Angleterre en 1845, l’Erebus, le Terror et les 129 membres de l’expédition commandée par le capitaine Franklin ne sont jamais revenus à bon port.
Leurs sorts ont été une énigme pour les historiens pendant des années, et jusqu’à 30 expéditions ont été organisées pour retrouver les vestiges. Elles n’ont découvert que de rares objets, quelques tombes et d’affreuses histoires de cannibalisme.
Grâce à l’histoire orale inuit et des recherches employant des instruments de haute technologie, le vaisseau Erebus a été retrouvé en 2014, au large des côtes de l’île du Roi-Guillaume, au Nunavut. Le Terror a quant à lui été découvert deux ans plus tard.
Les archéologues subaquatiques de Parcs Canada fouillent les épaves depuis cette découverte. La récolte de l’été dernier a été bonne pour eux.
«Le temps était excellent, la visibilité sous l’eau était excellente», dit M. Moore.
L’équipe d’archéologues a pu faire 68 plongées. Des combinaisons chauffées ont permis à certaines d’entre elles de se dérouler pendant des heures.
Des épaves vulnérables aux changements climatiques
Toutefois, le réchauffement climatique a changé la donne. La réduction de la banquise signifie que les épaves sont plus vulnérables aux vagues et aux courants générés par les tempêtes hivernales, souligne M. Moore.
«Cela modifie notre travail. En 2018, une partie du pont supérieur s’est reversé. On découvre des preuves que les objets et les morceaux de bois se déplacent.»
Les archéologues ont pris des milliers de photos numériques à haute résolution et réalisé des modèles précis à trois dimensions. Ils collaborent avec la firme de génie Stantec, établie à Edmonton, «pour modéliser le régime hydrodynamique près des épaves de l’Erebus et du Terror», indique Parcs Canada sur son site Internet.
L’Erebus, échoué plus profondément que le Terror, est le plus menacé des deux vaisseaux. C’est pour cette raison que les archéologues ont concentré leur attention sur cette épave.
Nous avons maintenant accès au coffre d’un marin. On l’avait en vue depuis des années.
– Jonathan Moore, responsable de l’équipe archéologique de Parcs Canada
L’équipe a pu entrer dans les cabines de deux officiers et du maître-valet. Ils ont aussi pu examiner le coffre d’un marin ordinaire.
«Cela nous a donné une bonne vue de l’équipage, des rangs inférieurs aux rangs supérieurs», relate M. Moore.
Comme des objets montent à la surface, les plongeurs ont aussi découvert des cartes dessinées à la main, des pièces de monnaie, un pistolet et des flacons médicinaux.
Des fossiles pour retracer l’itinéraire
Certains de ces objets étaient à usage personnel, comme un soulier, des épaulettes, une canne à pêche munie d’un moulinet en laiton et même des fossiles.
L’équipe archéologique de Parcs Canada s’est d’ailleurs adressée à la Commission géologique du Canada afin de déterminer d’où ces fossiles provenaient. On pourrait ainsi retracer l’itinéraire de l’expédition.
Le lieu historique national des Épaves-du-HMS Erebus-et-du-HMS Terror est géré conjointement par Parcs Canada et la Nattilik Heritage Society. Les objets retrouvés sur les épaves appartiennent à Parcs Canada et à l’Inuit Heritage Trust.
Les archéologues ont encore plusieurs années de fouilles devant eux, mais M. Moore n’oublie pas que l’histoire qui se dévoile peu à peu sous ses yeux, c’est celle d’une des plus grandes tragédies et l’une des plus grandes énigmes du Grand Nord canadien.
«Ces objets nous donnent un lien révélateur avec les gens du passé.»
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