Un premier vol historique avec deux femmes inuit aux commandes

Zoe Kroonenburg et Melissa Haney ont pris une photo le 6 février, jour où elles ont piloté pour la première fois ensemble. (Photo : Melissa Haney)

Melissa Haney et Zoe Kroonenburg ont volé de Montréal à Puvirnituq, au Nunavik, des centaines de fois. Mais le vol de fret de deux heures et demie du 6 février avait une atmosphère différente. Melissa Haney était capitaine et Zoe Kroonenburg était copilote, et c’était la première fois qu’elles volaient aux côtés de quelqu’un qui leur ressemblait.

«La représentation compte, c’est quelque chose que j’attendais depuis longtemps : avoir deux pilotes inuit femmes à bord. J’étais donc contente que ce jour arrive», explique Melissa Haney, qui pilote depuis 20 ans.

Quand elle a commencé à voler en 2004 pour Air Inuit, elle était la seule pilote inuk et la première femme capitaine d’Air Inuit. Maintenant, il y a pilotes inuit féminines parmi les 220 travaillant pour la compagnie aérienne.

«Au fil des ans, certaines sont venues puis sont parties. Mais en ce moment, c’est le plus grand nombre que nous avons jamais été dans l’entreprise en même temps. Il y a toujours eu des pilotes inuit, juste pas des femmes», raconte-t-elle.

Melissa Haney a été la première femme inuk à commander un Dash-8 pour Air Inuit. (Photo : Melissa Haney)

«Si nous regardons les pilotes, les ingénieurs en maintenance aéronautique, les contrôleurs aériens, tous ces emplois dans l’aviation, ils ont très peu de représentation féminine. Je pense que cela prend beaucoup de temps pour arriver à faire tourner la roue, mais on y arrive lentement.»

Lorsqu’elles ont partagé l’événement en ligne, les deux femmes ont été submergées de messages de soutien. Elles en ont profité pour souligner la nécessité de recruter plus d’Inuit et de femmes dans une profession qu’elles jugent être difficile d’accès pour les habitants des communautés du Nord.

L’Importance de «voir quelqu’un qui nous ressemble»

Originaire d’Inukjuak au Nunavik, Melissa Haney est tombée amoureuse de l’aviation après être devenue agente de bord en 2001 et avoir rencontré des pilotes inuit dans le cadre de son emploi.

«Voir quelqu’un qui vous ressemble et qui est comme vous est important pour vous pousser à vous engager dans la carrière que vous souhaitez avoir», explique-t-elle. «Nous nous efforçons d’avoir de plus en plus d’Inuit qui travaillent pour la compagnie aérienne, et pilote fait partie des postes visés.»

Avant de devenir pilote en 2019, Zoe Kroonenburg, originaire de Kuujjuarapik, était agente de bord. Grâce au programme Sparrow, une initiative d’Air Inuit visant à guider les candidats inuit vers la carrière de pilote, elle a pu accéder aux commandes.

Une photo de 2016 lorsque Zoe Kroonenburg était agente sur un vol où Melissa Haney était capitaine. (Photo : Melissa Haney)

«J’étais même agente de bord lors du premier vol de Melissa en tant que capitaine», raconte Mme Kroonenburg. «Quand nous sommes arrivés à Montréal, j’ai demandé à tous les passagers de rester à bord et de lui faire une ovation.»

Moment de fierté pour Air Inuit

Depuis, Zoe Kroonenburg dit que Melissa Haney a agi comme une sorte de mentor pour elle, assistant même à sa remise des diplômes. «Cela a vraiment changé ma vie, cette carrière», mentionne-t-elle.

Nous ne sommes pas nombreuses. Donc, comme le dit Melissa, la représentation compte. Quand nous voyageons, quand nous allons au Nunavik pour le travail, beaucoup de filles nous voient et je pense que cela peut être très inspirant pour elles.

– Zoe Kroonenburg, pilote pour Air Inuit

Selon Christian Busch, président-directeur général d’Air Inuit, le dernier voyage au Nord de Kroonenburg et Haney marquait la première fois que deux femmes inuit volaient sur un Boeing 737 de sa compagnie en tant que pilote et copilote.

Il a souligné que les deux femmes, qui font partie des 20 pilotes inuit de la compagnie aérienne, sont «une source d’inspiration pour la jeunesse du Nunavik».

«C’est un moment dont on est très, très fier», souligne M. Busch. «De voir une étudiante du programme Sparrow d’Air Inuit dans le cockpit avec une capitaine renommée. Ce sont de grandes ambassadrices.»

Il indique que le programme Sparrow est en place depuis environ 10 ans et que Haney, en tant que l’une des coordinatrices, parcourt le Nunavik pour rencontrer des étudiants potentiels. Il constate que l’intérêt des femmes pour les postes plus techniques a augmenté au cours des 20 dernières années.

«Nous poussons pour donner tous les outils nécessaires à Melissa et à notre équipe pour parvenir à placer le plus de femmes possible dans nos cockpits», dit M. Busch.

Coût et éducation parmi les obstacles à la poursuite d’une carrière dans l’aviation

Melissa Haney note tout de même qu’il peut y avoir plusieurs obstacles pour les Inuit qui souhaitent travailler dans l’aviation, notamment en raison des coûts et de l’accès à l’éducation. Le programme Sparrow aide énormément en couvrant des coûts qui se révéleraient trop élevés pour la plupart.

«Vous savez, c’est plus de 100 000 $ de A à Z», calcule-t-elle.

«L’autre défi auquel bon nombre des étudiants sont confrontés, c’est l’accès à l’éducation. L’éducation dans le Nord, dans de nombreuses communautés autochtones, peut être médiocre par rapport au reste du Canada.»

Elle travaille donc avec Elevate Aviation, une organisation à but non lucratif canadienne qui soutien les groupes sous-représentés dans l’industrie. En mai, l’organisation visitera plus de 30 villes, y compris Montréal et Québec, et donnera des présentations afin d’encourager les jeunes à envisager une carrière dans l’aviation.

Melissa Haney espère qu’au moment de sa retraite, elle sera connue comme une pilote, tout simplement.

«Nous sommes en 2024 et voir deux femmes piloter un avion, c’est une grande chose. Alors, j’espère que cela deviendra juste une chose normale», conclut-elle.

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