Les Jeux d’hiver de l’Arctique : un investissement qui rapporte

Avec une facture d’environ 10 millions de dollars en plus des investissements des délégations, la tenue des Jeux d’hiver de l’Arctique (JHA) pour quelque 1800 athlètes et délégués, dans la vallée de Mat-Su en Alaska, est un investissement important. Selon des participants et des observateurs, les retombées vont au-delà des considérations financières.
L’arbitre en chef du tournoi de badminton, Yves Côté, a maintes fois constaté au fil des championnats internationaux et des Jeux olympiques auxquels il a pris part combien ces Jeux sont essentiels au développement du talent sportif.

(Radio-Canada/Claudiane Samson)
«J’adore [les JHA] parce que, comme toutes les compétitions de moins grande envergure, c’est le développement et on sait jamais qui va arriver où et quand. L’an passé, j’étais aux Jeux d’hiver du Canada à Charlottetown et un des plus cotés dans les hommes en simple, c’est un joueur du Yukon. Alors, ça peut venir de n’importe où.»
Un record qui a de l’impact
La patineuse de vitesse Akutaq Williamson Bathory, d’Iqaluit, l’a bien démontré cette semaine en battant le record au 500 m chez les moins de 19 ans, qui avait été établi aux Jeux de 2006.
Pour son entraîneuse Martine Dupont, c’est le genre d’exemple qui encourage ensuite les plus jeunes à s’investir dans le sport, puisque les exploits de l’athlète, rappelle-t-elle, sont le fruit de très nombreuses années de travail.
Elle souligne qu’au Nunavut, où un billet d’avion entre certaines communautés et la capitale peut atteindre 10 000 $, les voyages ne sont tout simplement pas accessibles, particulièrement pour participer à une compétition sportive.
Les JHA leur permettent de «découvrir le monde, d’aller découvrir d’autres cultures qui sont similaires à la tienne», indique-t-elle.
Ça donne [aux jeunes] un incitatif à s’investir dans des choses positives et un mode de vie sain, dans un groupe qui veut leur bien, qui est positif pour eux, qui les amène à se dépasser [et dans lequel] si tu t’investis à 100 %, tu vas peut-être […] être sélectionné pour aller représenter ton territoire.
– Martine Dupont, entraîneuse au patinage de vitesse, Équipe Nunavut
Le député fédéral du Yukon, Brendan Hanley, qui assiste aux compétitions à titre de parent, croit aussi que l’événement vaut le prix de la facture. L’ancien médecin hygiéniste en chef compare les JHA à la construction d’infrastructures en santé.
«Le coût est certainement un enjeu, mais je dois dire que l’impact est important à long terme pour la municipalité hôtesse et pour les jeunes qui font la promotion de la forme physique, du sport, des activités culturelles et de l’esprit d’équipe avec enthousiasme et engagement. Il y a tellement de bonnes valeurs!»

Pour l’ancien athlète olympique Jean Paquet, entraîneur de biathlon pour l’équipe de l’Alaska, ce sont les athlètes des communautés qui lui apportent beaucoup.
«C’est vraiment le fun parce qu’en général les jeunes qui sont dans les villages n’ont pas les ressources que moi j’ai connues lorsqu’on est plus proche d’une grande ville. On sent vraiment que quand tu leur donnes des conseils, ils écoutent plus, ils sont intéressés. Ils sont comme de petites lumières, et c’est le fun de retourner à la base. On a l’impression que l’on contribue un peu plus.»
Selon Yves Côté, ce ne sont pas que les athlètes qui se développent grâce aux Jeux. Il y a aussi les officiels.
On ne peut pas passer à côté, on ne peut pas dire : « Vous êtes éloignés, donc on ne s’occupera pas de vous. » Erreur fondamentale.
– Yves Côté, arbitre en chef au badminton
Il ajoute qu’un des meilleurs arbitres de badminton au pays qu’il connaît vient de Whitehorse. «Si je l’avais laissé faire, on ne l’aurait pas eu nous autres.» Une preuve qu’il faut investir, dit-il, dans le sport amateur des régions isolées.

Martine Dupont renchérit. «Si on veut que les activités, les sports, le culturel soient entrepris par les leaders locaux, il faut les conditionner à un âge jeune pour avoir les exemples pour qu’ils se voient aussi être les prochains entraîneurs ou les prochains leaders de ces groupes-là, c’est important de leur montrer l’exemple, que ça puisse être le fun aussi d’être un entraîneur ou un accompagnateur et de s’impliquer dans ta communauté.»
Son fils William Pothier, qui est un patineur de vitesse, compte bien suivre les traces de sa mère. À 17 ans, ces Jeux seront ses derniers à titre d’athlète, mais il souhaite jouer d’autres rôles, comme entraîneur ou officiel.
Les JHA, explique-t-il, lui ont permis d’avoir un objectif pendant son adolescence, celui de retourner vivre cette expérience.
«Je sais qu’il y a plein de personnes qui ont fait en sorte que ce soit possible pour moi et mes coéquipiers de se rendre où on est aujourd’hui. Et ces gens-là étaient tous bénévoles, personne n’était payé. Je veux redonner à la prochaine génération.»
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