Tuberculose : Ottawa ne tient pas ses promesses, dénoncent des leaders Inuit
En vue de la présentation du prochain budget fédéral, le 16 avril prochain, des leaders inuit et des députés du Nouveau Parti démocratique (NPD) pressent le gouvernement Trudeau de consacrer davantage de moyens à la lutte contre la tuberculose.
Cette maladie touche de manière disproportionnée les communautés autochtones et en particulier les Inuit, qui font face à une « réalité ahurissante et inacceptable », rappelle Natan Obed, président de l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami (ITK).
La tuberculose est une maladie infectieuse sérieuse qui attaque surtout les poumons, mais qu’il est possible de prévenir et de soigner.
M. Obed se trouvait à Ottawa le 12 mars dernier pour une consultation en prévision du prochain budget fédéral, qui sera présenté le mois prochain. Son organisation demande que 131,6 millions soient consacrés à la lutte contre cette maladie durant les sept prochaines années.
« Nous gardons l’espoir que le gouvernement du Canada se tient toujours à nos côtés, et qu’il va respecter sa promesse d’éliminer la tuberculose, qu’il dépensera de l’argent pour le faire », a déclaré le président d’ITK.
En 2018, le gouvernement de Justin Trudeau et l’organisme inuit Tapiriit Kanatami ont annoncé un plan pour réduire de moitié le taux d’infection à la tuberculose active chez les Inuit d’ici 2025 et pour éradiquer cette maladie d’ici 2030.
Dans le budget de l’année dernière, 16,2 millions de dollars étaient consacrés à l’élimination de la tuberculose, ce qui représente 12 % de ce qui serait nécessaire pour s’attaquer sérieusement au problème, selon M. Obed.
Selon un rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, le taux déclaré de tuberculose active chez les Inuit au Canada était de 135,1 pour 100 000 habitants, et de 16,1 pour 100 000 chez les Premières Nations, comparativement à 0,2 pour 100 000 dans la population non autochtone née au Canada.
Lors de la dernière décennie, le taux de tuberculose dans la population inuit n’a pas bougé, alors qu’il a significativement baissé pour le reste de la population. La prévalence de cette maladie chez les Inuit est 676 fois supérieure à celle de la population non autochtone née au Canada.
La pandémie de COVID-19 a pu encore empirer cette situation, vu que les ressources consacrées à la santé publique ont été affectées ailleurs.
Un sous-financement chronique
Jesse Mike, le directeur du développement social et culturel de l’organisation Nunavut Tunngavik Inc., n’est pas surpris par ces chiffres.
Ce n’est pas nouveau. Évidemment, c’est très frustrant, particulièrement quand nos gouvernements affirment qu’ils font de grandes choses pour les communautés autochtones.
– Jesse Mike, directeur du développement social et culturel de l’organisation Nunavut Tunngavik Inc.
Le gouvernement reconnaît que ces inégalités sont liées au colonialisme, et plus particulièrement aux infrastructures sanitaires et sociales inadaptées, aux logements insalubres, à l’insécurité alimentaire chronique, autant de facteurs qui contribuent au taux élevé d’infection.
Pour Jesse Mike, cette situation est un symptôme évident du sous-financement chronique des communautés autochtones par le gouvernement fédéral. Il avertit que sans budget suffisant et sans actions rapides, les libéraux continueront à manquer leur cible.
«Nous allons continuer à nous battre pour ces fonds supplémentaires dont nous avons besoin», assure-t-il. Il ne voit pas comment l’engagement du gouvernement pourrait se concrétiser si la situation actuelle persiste.
Pénurie de médicaments
Les Premières Nations du nord de la Saskatchewan, du Manitoba, de l’Ontario et du Québec font également face à des flambées de tuberculose depuis 2021-2022, selon le même rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Plus tôt ce mois-ci, des députés néo-démocrates ont exprimé des inquiétudes au sujet d’une pénurie de médicaments essentiels pour combattre la tuberculose et de problèmes réglementaires qui freinent les efforts dans cette lutte.
Dans une lettre datée du 4 mars et adressée au ministre de la Santé, Mark Holland, que CBC Indigenous a pu consulter, les députés néo-démocrates Niki Ashton, Lori Idlout and Don Davies ont demandé au gouvernement de s’occuper de ces problèmes.
Mme Ashton, dont la circonscription du nord du Manitoba inclut plusieurs Premières Nations isolées, estime qu’Ottawa doit passer à la vitesse supérieure.
Le Canada ne fait pas ce qu’il faut pour remplir ses promesses, et il n’apparaît certainement pas comme un leader mondial dans son action contre la tuberculose.
– Niki Ashton, députée néo-démocrate du nord Manitoba
Lors de l’hiver 2023, Santé Canada faisait état d’une pénurie de rifampicine, un antibiotique utilisé pour traiter la tuberculose. Le ministère avertissait alors qu’une pénurie pouvait mener à un taux plus élevé d’infections dans les communautés rurales et autochtones.
Un autre médicament essentiel, la rifapentine, n’est pas autorisé au Canada parce que le fabricant n’a pas demandé l’autorisation de le commercialiser ici. Pour les néo-démocrates, c’est un échec politique des libéraux.
Le cabinet du ministre Holland a transmis les questions posées par les députés à Services aux Autochtones Canada, qui a répondu, par la voix de sa porte-parole, Suzanna Su, que le gouvernement utilise une solution de rechange pour accéder à des médicaments non autorisés tels que la rifapentine.
Depuis 2017, Services aux Autochtones maintient une réserve de rifapentine à travers la Liste des médicaments utilisés pour des besoins urgents en matière de santé publique, un programme fédéral, a fait savoir Mme Su.
À lire aussi: