Feux de forêt : comment les Autochtones veulent faire mieux qu’en 2023

Les provinces de l’ouest du pays ont été sûrement touchées par les feux de forêt en 2023. (Photo d’archives/Adam Buchanan/BC Wildfire)

Alors que l’été 2023 a été particulièrement difficile pour les combattants du feu et pour les communautés autochtones, quelles sont les mesures mises en place pour se préparer cette année? Petit tour d’horizon de ce qui se fait dans l’ouest du pays.

Que ce soit au Yukon, en Colombie-Britannique, au Québec ou dans le Nord de l’Ontario, la saison des feux de forêt de 2023 aura marqué les esprits par son intensité. Les Autochtones de tout le pays ont été particulièrement touchés avec près de 4500 d’évacués.

Et la saison 2024 est déjà bien commencée. Rien qu’en Colombie-Britannique, début mai, la BC Wildfire recense un peu plus d’une centaine de feux dont la quasi-totalité est maîtrisée pour le moment.

Le Yukon est encore épargné pour le moment, mais déjà, les équipes se préparent. « Nous avons déjà eu des discussions avec les chefs et le gouvernement, parce que les communautés nous ont dit avoir l’impression qu’il y avait un manque de communication », explique Nick Mauro, chef des opérations de la Yukon First Nations Wildfire (YFNW).

Le feu du ruisseau Talbot se trouvait à quelques kilomètres seulement de la communauté de Mayo (Yukon), en août 2023. (Photo d’archives/gouvernement du Yukon)

« Les communautés aimeraient savoir ce qu’il se passe, même si les incendies ne les menacent pas directement », poursuit-il.

Le manque de communication crée parfois des sentiments d’abandon. Le chef des opérations de la YFNW cite l’exemple de l’industrie minière, très présente dans le territoire.

« Certaines de ces communautés sont situées à proximité de cette industrie minière. Il y a donc des ressources qui doivent être détournées de l’industrie minière vers la communauté ou vice versa, selon l’urgence. Et parfois, l’une des deux parties peut avoir l’impression que les ressources qui ont été envoyées pour la protéger lui sont retirées. Cela vient d’un manque de compréhension », explique-t-il, en ajoutant que cela laisse la place à plusieurs idées reçues, voire la diffusion de fausses informations.

Former les Autochtones

Les défis pour les communautés sont nombreux, surtout pour celles qui sont éloignées des grands centres et accessibles par une seule route ou parfois uniquement par voie aérienne. « [Il y a un] manque de ressources, en général, qu’il s’agisse de pompiers ou d’avions-citernes pour lutter contre les grands incendies », détaille M. Mauro.

Plusieurs pompiers autochtones ont été formés ces dernières années pour répondre aux incendies qui touchent leurs communautés. (Photo d’archives/Radio-Canada/Delphine Jung)

Conscient du problème sur son territoire, la BC Wildfire a décidé de positionner des équipes à des endroits stratégiques, de manière à pouvoir accéder à ces zones plus rapidement.

Dans toutes les provinces et dans les territoires, l’un des principaux chantiers est celui de la formation pour grossir les rangs des services incendie.

La YFNW travaille ainsi à former plus de pompiers à l’échelle locale.

En Colombie-Britannique, la BC Wildfire a lancé un programme de camps d’entraînement pour les aspirants pompiers autochtones. Ils existent actuellement dans différentes régions : celle du Plateau Chilcotin, sur la rive ouest du fleuve Fraser, ou encore celle de Pemberton, près de Whistler.

« Nous formons des membres de la communauté locale et ceux qui réussissaient à satisfaire à toutes les exigences se voient proposer des postes au sein du BC Wildfire en tant que pompiers », explique David MacKinnon, analyste des relations avec les Autochtones à la BC Wildfire.

Beaucoup de camps de chasse ont été détruits dans les territoires autochtones. (Photo d’archives/Pauline Chachai)

L’agence n’en est pas à ses premières initiatives du genre. Un programme a vu le jour à la fin des années 1980 pour former des Autochtones qui constituent ensuite des équipes.

La Première Nation Simpcw, dans la région de Thompson, a, depuis 2021, sa propre unité de pompiers, bâtie autour des connaissances autochtones. C’est une immense fierté pour Ron Lampreau, conseiller de la nation Simpcw et chef du service incendie.

« Notre modèle est devenu une source d’inspiration au niveau provincial pour les autres communautés », dit Ron Lampreau, conseiller de la nation Simpcw et chef du service incendie.

Plusieurs communautés lancent des programmes pour former des membres. (Photo d’archives/Benjamin Jancewicz)

La première tentative de mettre sur pied cette escouade s’est avérée infructueuse, mais tout a changé après les feux violents de 2021. Depuis, la communauté est parvenue à se doter d’une brigade de quatre pompiers. Nous essayons désormais de former une deuxième équipe pour que la première puisse se reposer et ainsi offrir un service 7 jours sur 7, explique M. Lampreau.

Des priorités divergentes

Selon lui, certaines zones qui pourraient ne pas avoir de réelle valeur pour la BC Wildfire en ont énormément pour les Premières Nations. L’idée de créer des unités de pompiers autochtones dans les communautés leur permet ainsi d’agir de manière autonome, en fonction de leurs propres priorités.

« Nous avons établi une très bonne relation avec la BC Wildfire au cours des trois dernières années, et ils ont une grande confiance dans notre équipe et savent que nous pouvons faire le travail. Nous avons encore besoin des connaissances autochtones, c’est pourquoi les Premières Nations sont en train d’élaborer leurs propres objectifs d’intervention, qui n’enlèvent rien à la protection des vies, des structures ou autre », détaille M. Lampreau.

« Si un incendie se déclare, les dirigeants autochtones peuvent intervenir sans la présence des services de lutte contre les incendies de forêt de la Colombie-Britannique », appuie M. MacKinnon.

Au Yukon, un gros travail a été fait pour cartographier le territoire et les endroits cruciaux pour les Autochtones. Nick Mauro a participé à cette cartographie en collaboration avec les communautés.

« Nous nous sommes assuré de savoir où se trouvent les cabanes de chasse, les gîtes, les cimetières dans tout le Yukon, de sorte que lorsque ces grands incendies se produisent [les pompiers] peuvent aller les protéger », dit-il.

Pour les mêmes raisons, la BC Wildfire fait de plus en plus appel à des représentants culturels. « Ils ont le pouvoir de parler au nom de la communauté et expriment leurs préoccupations et leurs priorités », dit M. MacKinnon. Le programme a été lancé en 2018-2019 et est élargi cette année.

« Cela nous permet de nous assurer que nous ne manquons pas des éléments comme un site archéologique sensible ou simplement des endroits du territoire qui ont une signification particulière [pour les Autochtones, NDLR] », ajoute-t-il.

Dans cette même optique, les pompiers de Simpcw s’activent déjà à aller à la rencontre des membres de la communauté. « Nous organisons une journée portes ouvertes pour montrer notre équipement, nous essayons d’impliquer les propriétaires terriens, de les inciter à nettoyer leur cour », expose Ron Lampreau.

La province de la Colombie-Britannique est durement frappée par les feux de forêt depuis plusieurs années. (Photo d’archives/Radio-Canada/Delphine Jung)

M. MacKinnon plaide pour un élargissement de tous les programmes qui poussent à une meilleure collaboration avec les Autochtones. « J’ai vu de mes propres yeux, dans de multiples situations, que ces outils étaient utilisés de manière très efficace en 2023 », dit-il.

Une solution préconisée par toutes les personnes interrogées est aussi la multiplication des brûlages traditionnels. « Pendant longtemps, on a considéré que chaque incendie devait être supprimé, éteint, mais ce n’est pas ce qu’on faisait avant la colonisation », explique Brandon Hoffman, directeur des communications de la communauté de Williams Lake, au centre de la Colombie-Britannique.

« C’est justement ça qui a conduit – entre autres – à ces importants feux de forêt », ajoute-t-il.

Mais il indique que beaucoup de non-Autochtones ont encore de lourds a priori envers les feux dirigés, notamment par ignorance. « Ils en arrivent à remettre en cause l’autorité de notre département des ressources naturelles », indique M. Hoffman.

L’année dernière, le Canada a connu la pire saison de feux de forêt jamais enregistrée. Et selon les estimations du gouvernement fédéral, « nous risquons d’être confrontés à nouveau à une saison catastrophique en matière de feux de forêt. »

Dans ses perspectives météorologiques, Environnement et Changement climatique Canada s’attend à « des conditions de sécheresse […] dans les régions à risque élevé en mai, y compris le nord des Prairies et la Colombie-Britannique. »

Les risques resteront aussi élevés pour le reste de la saison, car « l’agence fédérale prévoit que les températures demeureront supérieures à la normale au niveau national pour le printemps et l’été.»

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Delphine Jung, Radio-Canada

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