Négociations en éducation : impasse complète dans le Nord québécois

La sculpture en granit de l’artiste inuit Peter Qumaaluk Itukallak, alias Peter Boy, devant l’école secondaire de Puvirnituq (Photo d’archives/Radio-Canada/Myriam Fimbry)

Il n’y a pas que les membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) pour qui les négociations avec Québec piétinent. Les 1600 enseignants et membres du personnel de soutien scolaire dans le Nord québécois sont toujours dans une impasse, alors que leurs collègues du Sud se sont entendus sur de nouvelles conventions collectives.

Pour les membres de l’Association des employés du Nord québécois (AENQ) qui travaillent dans les commissions scolaires crie et Kativik, les enjeux à régler ne sont pourtant pas moins pressants qu’ailleurs au Québec.

Avec un taux de roulement annuel de 30 % chez les enseignants qui œuvrent dans les communautés nordiques éloignées, il est temps que les primes d’attraction et de rétention suivent l’inflation, estime le président du syndicat, Larry Imbeault.

Ce n’est pas normal qu’une prime qui a été adoptée en 2001 soit encore au même niveau […]. Ça aiderait un peu si la prime était indexée.

– Larry Imbeault, président de l’AENQ

Selon les termes de la dernière convention collective, les membres du personnel de soutien et les professeurs de la Commission scolaire Kativik touchent une prime de rétention variant de 3000 $ à 9000 $ annuellement, dépendamment de leur ancienneté et du secteur où ils travaillent.

Le président de l’AENQ, Larry Imbeault, déplore la lenteur des négociations avec le gouvernement québécois. (Radio-Canada)

«À la Commission scolaire crie, c’est différent. Cette prime a été abolie pour introduire quatre nouvelles primes à la place. Mais du côté de Kativik, c’est les mêmes primes depuis 2001», indique Larry Imbeault.

Or, si les enseignants n’ont pas vu leur prime être ajustée depuis des décennies, une source confirme que celle des travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux, membres de la FSSS-CSN, l’a enfin été lors de la plus récente négociation.

«La prime n’avait pas été revue depuis 2011, par exemple, pour les travailleurs sociaux. Là, elle augmente d’environ 20 %», explique cette même source.

Par courriel, le cabinet de la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, reconnaît que la prime d’attraction et de rétention n’a pas été indexée pour les employés de la Commission scolaire Kativik. Mais il ajoute qu’une telle prime de 3000 $ a été octroyée à d’autres personnes salariées affectées au Nunavik dans le réseau de la santé qui n’y avaient pas droit auparavant, comme les préposés aux bénéficiaires et les employés à l’entretien ménager.

Travailler sans eau à la maison

Au-delà des primes, d’autres enjeux majeurs, inexistants ailleurs au Québec, sont au cœur des revendications des employés du Nunavik. Dans les communautés isolées, l’accès à l’eau potable est souvent irrégulier et les membres de l’AENQ peuvent attendre plusieurs jours avant d’avoir accès à de l’eau à la maison.

«On sait que ce n’est pas la Commission scolaire qui est responsable de la distribution de l’eau potable. Par contre, on aimerait [qu’elle] démontre plus d’ouverture. Quand un enseignant, ça fait trois ou quatre jours qu’il ne s’est pas lavé, ça se peut qu’il ait un malaise à se présenter au travail», dit Larry Imbeault.

L’école Ulluriaq, à Kangiqsualujjuaq, au Nunavik (Photo d’archives/Trudy Ferguson/I love First People)

Le syndicaliste souligne que ce problème est un irritant majeur et qu’il a souvent été abordé par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), à laquelle est affiliée l’AENQ, mais sans qu’il y ait eu de changements. Au secrétariat du Conseil du Trésor, la question est redirigée ailleurs au gouvernement.

«Cette question ne vise pas les conditions de travail. Je vous réfère vers les cabinets des ministres Ian Lafrenière et Andrée Laforest pour cette question», écrit une porte-parole du cabinet de Mme LeBel.

En classe, les conditions d’enseignement sont souvent aussi plus difficiles qu’au Sud, même si les groupes sont plus petits. La gestion des cas de violence est aussi un problème, soutient l’AENQ.

«En ce moment, à la Commission scolaire crie, nos professeurs ne sont même pas consultés, ou il n’y a aucune conversation avec eux pour savoir comment un élève peut être intégré après un incident violent», déplore M. Imbeault.

Une très longue négociation

Si, historiquement, l’AENQ a toujours réglé ses négociations avec le gouvernement après l’ensemble des employés du secteur public, Larry Imbeault craint que cette session ne s’étire autant, sinon plus, que les précédentes.

Le syndicat rappelle que la dernière convention collective des 1600 employés du réseau scolaire du Nord, d’une durée de trois ans, est entrée en vigueur… quatre jours avant son expiration.

Cette lenteur dans les négociations pourrait s’ajouter à la liste des irritants qui poussent plusieurs enseignants à quitter le Nord.

«C’est le fun d’avoir trois ans de rétroactivité qui rentrent d’un coup, mais, pendant ce temps-là, ton salaire n’est pas ajusté. Si tu compares avec tes collègues du Sud dont le salaire est ajusté, des fois, tu commences à te poser des questions. Est-ce que je reste ou j’applique dans un centre de services scolaire du Sud?», dit Larry Imbeault.

Devant l’impasse des négociations actuelles, le syndicat ne peut exclure des moyens de pression accrus et même des journées de grève pendant la prochaine année scolaire.

Le gouvernement du Québec dit souhaiter un règlement «le plus rapidement possible», mais ne veut pas commenter davantage, puisque les négociations sont en cours.

La dernière convention collective est arrivée à échéance en mars 2023.

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Une réflexion sur “Négociations en éducation : impasse complète dans le Nord québécois

  • mercredi 12 juin 2024 à 10:51
    Permalien

    Cet article sur l’impasse des négociations en éducation dans le Nord québécois m’a vraiment interpellé. Ayant vécu dans une région éloignée moi-même, je comprends les défis uniques que rencontrent les enseignants et les étudiants dans ces communautés. Les conditions de travail difficiles et le manque de ressources rendent la situation encore plus complexe. Lors de mes études, j’ai vu de près à quel point les négociations réussies peuvent améliorer la qualité de l’éducation. J’espère sincèrement que les parties trouveront un terrain d’entente pour le bien des élèves et des enseignants. Une solution rapide et juste est essentielle pour assurer un avenir prometteur à tous les jeunes de la région.

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