Fausse identité : des dirigeants autochtones signent une déclaration

Glen Hare, chef régional de l’Ontario élu par le COO, et David Chartrand, président de la Fédération des Métis du Manitoba, lors du sommet. (CBC/Corentin Mittet-Magnan)

Des dirigeants des Premières Nations, des Inuit et des Métis de la rivière Rouge ont adopté à l’unanimité ce qu’ils considèrent comme une déclaration historique condamnant l’usurpation d’identité des Autochtones.

Mercredi après-midi, des délégués des Premières Nations de l’Ontario, des Inuit du nord du Labrador et des Métis du Manitoba ont adopté la résolution par consensus, ce qui clôt ainsi un sommet de deux jours sur la fraude d’identité autochtone qui s’est tenu à l’hôtel Fort Garry, à Winnipeg.

La déclaration exige, entre autres, que les gouvernements fédéral et provinciaux «cessent d’accommoder ces voleurs d’identité» et coopèrent avec les nations légitimes pour corriger «l’affront flagrant» fait à leurs peuples.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté ceux qui se livrent à l’usurpation d’identité autochtone, que ce soit pour obtenir un gain financier, une reconnaissance académique ou toute autre raison.

– Extrait de la déclaration

«De telles actions sont inacceptables et contribuent à la marginalisation continue des voix et des expériences réelles des Premières Nations, des Inuit et des Métis de la rivière Rouge», ajoutent-ils.

Les co-organisateurs, Chiefs of Ontario (COO), qui représente 133 Premières Nations de l’Ontario, et la Fédération des Métis du Manitoba (MMF), ont affirmé que la déclaration ouvrait la voie à de plus grandes pressions politiques et de plus grandes actions afin de pouvoir contrer les fausses identités autochtones.

Glen Hare, chef régional de l’Ontario élu par le COO, a fondu en larmes après l’adoption de la déclaration, évoquant les siècles de privations subies par les membres des Premières Nations, en particulier les enfants.

Il était aux côtés de David Chartrand, président de la MMF, et de Johannes Lampe, président du gouvernement du Nunatsiavut, l’autorité autonome du nord du Labrador.

Johannes Lampe, président du Nunatsiavut (Photo d’archives/Hamlin Lampe)

«Ce sommet a démontré que nos nations sont déterminées à traiter cette question avec toute l’urgence qu’elle mérite», avait déclaré Glen Hare lors d’une conférence de presse ultérieure.

«Nous devons vraiment réfléchir à l’impact que cela a eu sur nous», juge pour sa part Ogimaa Shelly Moore-Frappier, de la Première Nation Temagami.

«Nous avons dû nous battre durement pour faire partie de ces institutions… Puis, nous avons des gens qui arrivent, apprennent une chanson de tambour à main et se mettent à partir en courant en la chantant.»

Une identité inuit contestée

Plus tôt dans la journée de mercredi, le sommet a adopté une résolution dénonçant les revendications d’identité inuit contestées du conseil communautaire NunatuKavut (NCC).

Le conseil, anciennement appelé Association des Métis du Labrador et la Nation des Métis du Labrador, représente 6000 Inuit s’identifiant comme tels dans le sud et le centre du Labrador.

Johannes Lampe, président du gouvernement du Nunatsiavut, l’autorité autonome du nord du Labrador, a affirmé aux délégués que les Inuit étaient unis dans la conviction que le groupe n’était pas autochtone.

«Accepter de fausses revendications compromet ce pour quoi nous nous sommes tant battus», a-t-il déclaré.

Reconnaître un groupe de colons au Labrador comme étant autochtone est nuisible, irrespectueux et faux. Ce n’est pas de la réconciliation.

– Johannes Lampe, président du gouvernement du Nunatsiavut

En 2019, le gouvernement fédéral a signé un protocole d’accord reconnaissant le NunatuKavut comme un collectif autochtone capable de détenir des droits autochtones.

La Nation innue, qui représente les communautés des Premières Nations du Labrador de Sheshatshiu et de Natuashish, a déposé un recours en justice contre l’accord.

«Beaucoup des histoires qu’ils racontent sont volées», a assuré Simon Pokue, grand chef de la Nation innue, dans un discours prononcé devant les délégués.

Le grand chef de la Nation innue, Simon Pokue, lors d’une conférence de presse à Ottawa le 10 octobre. (Photo d’archives/CBC)

Il a accusé la NCC d’être une organisation qui opère à partir d’une position de privilège. En la reconnaissant et en la finançant, le Canada perpétue la «violence économique» et la recolonisation des Innus, juge-t-il.

«Si le gouvernement du Canada peut diluer les droits des véritables peuples autochtones, alors nous cesserons d’exister en tant que personnes distinctes», a-t-il déclaré.

Peut-être que l’objectif du gouvernement est de rendre tout le monde autochtone, de sorte que personne ne le soit… Ils ne nous rendront pas blancs. Ils pourraient faire des Blancs des Autochtones.

– Simon Pokue, grand chef de la Nation innue

Ce sentiment est revenu tout au long des présentations. David Chartrand, président de la MMF, a promis à M. Lampe et à M. Pokue son soutien total au nom des Métis de la rivière Rouge.

«Ces gens changent de position aussi vite qu’on change de chaussettes», a déclaré M. Chartrand.

«Aujourd’hui, s’ils perdent l’argument des Inuit, quelle sera leur prochaine étape? Une Première Nation?»

Le NunatuKavut se défend

Todd Russell, président du NunatuKavut, s’est défendu. Lors d’un entretien téléphonique, il a déclaré que ce ne sont pas les positions de la CCN qui changent, mais plutôt la position politique des personnes présentes dans la salle.

Todd Russel rejette les propos tenus lors du sommet. (CBC/Jon Gaudit)

«Cette réunion n’est rien d’autre qu’un regroupement de groupes mécontents qui tentent de supprimer les droits et les intérêts d’autres peuples autochtones, dans notre cas les Inuit du NunatuKavut», a-t-il déclaré.

M. Russell a qualifié la résolution de ridicule et a affirmé qu’il s’en moquait éperdument. Il a toutefois reconnu qu’il était préoccupé par les pressions exercées par la MMF, le COO, le gouvernement du Nunatsiavut et la Nation innue et leurs effets sur les décisions fédérales.

C’est préoccupant, oui. Mais est-ce que j’accorde de la crédibilité à cette réunion? Non. Est-ce que j’accorde du poids à leurs résolutions? Absolument pas.

– Todd Russell, président du NunatuKavut

Il a ajouté que rien ne dissuaderait la NCC de représenter son peuple et de lutter pour ses droits.

La première journée du sommet a été largement consacrée à la Nation métisse de l’Ontario (MNO), dont le COO et la MMF rejettent les revendications d’une présence historique des Métis dans toute la province. Le sommet a adopté mardi une résolution dénonçant la NMO.

Dans une déclaration, la NMO a accusé la FMM d’utiliser le sommet pour «déformer la vérité sur l’histoire et l’identité de la nation métisse et pour faire avancer le programme politique de la FMM», en donnant une nouvelle image à l’ensemble de la nation métisse sous le nom de «Métis de la rivière Rouge».

Cette tendance persistante à la révision de l’histoire, sans aucune possibilité de conversation en face à face avec les gouvernements des nations métisses, est tout à fait inefficace et dangereuse, et ne doit pas se poursuivre, peut-on lire dans la déclaration.

L’Indigenous Peoples Alliance of Manitoba, affiliée au Congrès des peuples autochtones – qui est également affilié à NunatuKavut – s’est jointe aux critiques.

Selon elle, la MMF «modifie régulièrement la définition des personnes qualifiées de Métis depuis son retrait du Ralliement national des Métis en septembre 2021», explique-t-elle dans un communiqué de presse publié mercredi.

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