Accoucher en français aux T.N.-O.
Aux Territoires du Nord-Ouest, c’est à Hay River et à Fort Smith qu’on trouve des sages-femmes, et certaines d’entre elles parlent français.
Installée à Hay River, la sage-femme Émilie Lemonde-Hinse est bilingue. Sa langue maternelle est le français, même si elle concède ne pas avoir beaucoup d’occasions de la pratiquer. Dans les dernières années, un seuls des accouchements qu’elle a assisté s’est déroulé en français. C’était en 2023, une année peu propice pour mettre au monde un enfant dans cette ville évacuée deux fois. Exception faite de cette année de feux, il se pratique entre 8 et 15 accouchements avec sage-femme par année à Hay River, selon Mme Lemonde-Hinse. « Il n’y a pas de base de données pour les accouchements, observe-t-elle. La seule, c’est ma mémoire. »
« C’est très important de pouvoir s’exprimer dans sa langue dans un cadre très intense, ajoute la sage-femme. C’est déjà difficile de s’exprimer, alors si tu peux le faire dans la langue où tu es le plus confortable, tu vas avoir une meilleure expérience. »
Suivi prénatal
À Hay River, en l’absence d’un docteur présent sur une base permanente, ce sont les sages-femmes qui font le suivi prénatal.
« Les accouchements se font à l’hôpital, note Émilie Lemonde-Hinse, mais c’est semblable à une maison de naissance au Québec. C’est un petit hôpital […]. Celles qui accouchent à Hay River et Fort Smith doivent être à bas risque de complications sérieuses. Évidemment, on peut s’occuper des urgences. »
À Fort Smith, Véronique Bazinet offre des services de sage-femme en français et en anglais depuis 2015.
Il y a deux sages-femmes à Hay River comme à Fort Smith, mais d’autres sages-femmes peuvent aussi intervenir sur une base ponctuelle. Théoriquement, une femme d’une autre région peut utiliser leurs services.
Des coupes à Yellowknife
Dans le budget 2024-2025, qui reste à être entériné par l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, on prévoit mettre fin à la mise en place du programme de sages-femmes à Yellowknife, ce qui générerait une économie de 900 000 $.
Selon un porte-parole de l’Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest (ASSSTNO), il y aurait eu une sage-femme à Yellowknife entre 2011 et 2015. Ensuite, l’autorité a reçu du financement du ministère de la Santé et des Services sociaux pour engager du personnel et étendre le programme, du côté des collectivités entre autres. Du personnel a été embauché pour faire de la formation, établir les interactions avec le reste du système de santé, mais n’a pas pratiqué comme tel, ce qui devait arriver ultérieurement.
« Il y a toujours eu des défis avec le recrutement dans cette plus récente expansion, ajoute le porte-parole de l’ASSSTNO, assurant que les services de sage-femme ne sont pas en danger dans le Slave Sud. »
Une équation erronée
Lesley Paulette est sage-femme et porte-parole de l’Association des sages-femmes des Territoires du Nord-Ouest. « La ministre pense que, plus on coupe des positions à Yellowknife, plus il en reste pour les collectivités, mais c’est faux, dit-elle. Il y a des sages-femmes des collectivités qui ne veulent pas aller en ville, et des sages-femmes qui veulent travailler à Yellowknife qui ne se sentiront pas confortables à travailler dans une petite collectivité […]. Ce n’est pas une compétition. »
Mme Paulette rappelle de surcroît que le développement du programme de sages-femmes à Yellowknife a toujours eu comme objectif de desservir la capitale, mais aussi les autres collectivités aux alentours.
Attractivité
Selon Mme Paulette, une pionnière de l’implantation de la maïeutique aux T.N.-O., les sages-femmes sont une denrée rare et ont actuellement le choix de s’installer où elles veulent au Canada.
« Alors, c’est un problème pour le Nord, évidemment. Elles sont difficiles à recruter. Nous devons être vraiment créatifs et démontrer ce qu’il y a de spécial dans le Nord […]. Il y a en qui sont venues ici et ont dit que c’est la meilleure chose qui leur soit jamais arrivée. »
Pour Mme Paulette, plus il y a de sages-femmes aux T.N.-O., plus le territoire devient attirant pour elles, le nombre créant la perception d’une collectivité. « C’est intéressant, et nous nous supportons l’une l’autre », dit-elle.
Débat
Pour la porte-parole de l’Association des sages-femmes des T.N.-O., l’éventuelle suppression du programme de sages-femmes de Yellowknife fait l’objet de beaucoup de débats en privé et en public.
« Il est peut-être trop tôt pour dire ce qui va se passer. Tout ce que je peux dire, c’est qu’en tant qu’association, nous faisons de notre mieux pour transmettre l’information aux preneurs de décision […] afin d’essayer de les éduquer parce qu’il y a des malentendus à propos du programme […]. Il y a eu des barrières pour empêcher de le mettre en place […], mais c’est possible de les franchir. Et c’est important, parce que nous avons eu des sages-femmes qui ont occupé brièvement ces positions, mais elles sont parties au bout d’un an ou deux. Nous devons nous réengager […] et concrétiser ce programme, montrer à la collectivité de sages-femmes du Canada que cette fois nous sommes sérieux », conclut-elle.
Mme Paulette milite également pour la création à Yellowknife d’une formation en maïeutique spécifique pour le Nord.