Une entreprise américaine accusée d’appropriation culturelle inuit

Les ulus sont des couteaux traditionnels inuit arrondis, utilisés pour couper la viande. (Photo d’archives/Radio-Canada/Félix Lebel)

Une entreprise américaine a commercialisé un outil de cuisine grandement inspiré des ulus, les couteaux traditionnels inuit. Elle s’est attiré les foudres de nombreux Nunavummiut, qui dénoncent ce qu’ils considèrent comme de l’appropriation culturelle.

Une pétition a par ailleurs été lancée par un résident d’Iqaluit pour demander au fabricant de cesser de vendre le couteau. La démarche a recueilli plus de 200 signatures et a suscité de vifs débats sur les réseaux sociaux.

« Ce n’est pas une organisation appartenant à des Inuit et ils reproduisent nos outils pour en tirer un profit. C’est pourquoi nous sommes en colère et que nous appelons cela de l’appropriation culturelle », explique Ekpak Robinson, l’instigateur de la pétition.

Ce dernier dit avoir tenté de joindre l’entreprise qui commercialise le couteau, Totchop, sans succès. Ekpak Robinson affirme même avoir été bloqué par Totchop sur ses pages TikTok et Facebook.

Totchop indique dans ses publicités que son produit est bel et bien inspiré de l’ulu, sans jamais toutefois inscrire clairement le mot « inuit ». (Radio-Canada/Capture d’écran du site de Topchop)

L’entreprise n’a pas non plus répondu aux demandes d’entrevue de CBC.

« S’ils ne veulent pas nous parler, alors peut-être que cette pétition les aidera à comprendre à quel point nous prenons cette question au sérieux », ajoute Ekpak Robinson.

Frustrations dans l’Inuit Nunangat

La vague de contestation depuis le lancement de la pétition continue de prendre de l’ampleur.

De nombreux Inuit se disent outrés par la commercialisation d’un design traditionnel par des entreprises allochtones.

C’est le cas notamment de Joe Keratak, un aîné de la communauté d’Arviat, au Nunavut.

« Si je devais créer quelque chose et utiliser le design de quelqu’un d’autre que le mien, ce serait une question de courtoisie. Si j’allais voir quelqu’un et lui demander la permission et s’il n’était pas d’accord, je ne pourrais pas le faire », dit-il.

Joe Karetak estime que les entreprises non inuit devraient se renseigner avant d’adopter un modèle traditionnel. (Radio-Canada/Peter Evans)

Même sentiment du côté de Nancy Etok, la présidente par intérim de Pauktuutit Inuit Women of Canada. Selon elle, les entreprises allochtones, qui utilisent des design d’objets traditionnels, devraient consulter les groupes inuit, en plus de soutenir les artistes locaux.

« Ce genre d’objets, l’ulu et tout ce qui a été inventé par les Inuit, c’est ce qui maintient notre culture en vie », a-t-elle déclaré.

Nancy Etok souhaiterait qu’une législation protège les connaissances ancestrales autochtones. La mise en place d’une telle protection est toutefois difficile à appliquer, selon des experts.

Selon l’avocate en propriété intellectuelle, basée à Ottawa, Meika Ellis, les exemples de commercialisation d’objets traditionnels autochtones sont nombreux.

L’art autochtone est depuis longtemps commercialisé, sans nécessairement l’assentiment des communautés. (Photo d’archives/Radio-Canada/Matisse Harvey)

Il n’y a qu’à penser à toutes les boutiques de souvenirs qui proposent des mocassins ou des objets d’art de toutes sortes.

Si ces objets ne sont pas inscrits au régime de la loi canadienne sur les marques de commerce, ils ne bénéficient d’aucune protection juridique, rappelle l’avocate.

Il en revient donc aux consommateurs de s’informer avant d’acheter un objet d’inspiration autochtone.

« Vous devriez vous demander moralement, que si quelqu’un prenait votre design, y mettait sa touche personnelle et le vendait, seriez-vous d’accord avec ça? Et si vous n’êtes pas d’accord avec ça, alors vous ne devriez pas accepter que quelqu’un prenne un design autochtone sans autorisation », explique Meika Ellis.

Avec les informations de Natalie Pressman

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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