Nord-ouest du Canada : près de 85 % du bassin versant de la rivière Peel protégé
Le gouvernement du Yukon et les chefs des Premières Nations yukonnaises de Na-Cho Nyäk Dun, Tr’ondëk Hwëch’in et Vuntut Gwitchin, auxquelles s’ajoute le Conseil de bande des Gwich’in, des Territoires du Nord-Ouest, ont signé jeudi à Mayo le plan final d’aménagement qui prévoit une protection de 83 % des 67 431 km2 du bassin versant de la rivière Peel, dans le nord-ouest du Canada.
« C’est un grand jour », s’est exclamé Simon Mervyn, le chef de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun, celle qui est la plus près de la région visée par le plan. « L’une des routes les plus difficiles qu’a eu à naviguer [la Nation] Na-Cho Nyäk Dun. »
Les dignitaires ont été invités à verser de l’eau puisée dans les affluents de la rivière Peel et dans le fleuve Yukon pour accompagner chacun de leur discours et chacune de leur signature.
La ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, était aussi présente.
Pour le premier ministre du Yukon, Sandy Silver, la rivière Peel est un joyau à protéger.
« Ce n’est pas la fin du voyage, mais plutôt un tournant important […] et nous empruntons maintenant le chemin du bon pied », a ajouté le premier ministre avec émotion.
Roberta Joseph, la chef de la Première Nation de Tr’ondëk Hwëch’in, à Dawson, a affirmé son soulagement : « Cette journée a mis du temps à venir. Nous ne croyions jamais qu’il nous faudrait 15 ans pour atteindre cet objectif […] Un aîné a dit : “Nous sommes un peuple résilient.” Et je suis d’accord. »
Différentes zones de gestion
Le nouveau plan permettra le développement industriel sur 17 % du territoire, en fonction d’un processus d’évaluation environnementale et socio-économique.
L’autre portion, représentant 83 % du territoire protégé, sera répartie en trois catégories de terres :
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55 % formeront une zone de gestion spéciale, où aucun droit minier ou pétrolier ne sera octroyé;
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25 % constitueront une zone sauvage, où aucun droit minier ou pétrolier ne sera octroyé pendant une certaine période dont la durée sera revue dans un processus établi par un comité rassemblant toutes les parties;
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3 % seront consacrés à la protection du caribou boréal.
Le plan compte par ailleurs 42 recommandations, dont l’imposition de limites à l’utilisation de véhicules tout terrain, l’interdiction de construire des infrastructures le long des rivières et le développement d’un corridor de gestion près de la route Dempster.
« J’ai envie de penser que mon rôle de chef s’est terminé en sachant que nos enfants pourront profiter de ce territoire. Mais en fait, le travail ne fait que commencer », a ajouté le chef Simon Mervyn, rappelant du même souffle la nécessité de réaliser de nombreuses études sur la faune et la flore.
La signature officielle, jeudi après-midi, met ainsi fin à 15 ans de travaux et de consultations marqués par un recours judiciaire.
Un vaste territoire au coeur d’un long litige
Au coeur du vecteur politique devenu un emblème des relations entre le territoire et les Premières Nations s’étendent 68 000 kilomètres carrés de nature sauvage prisés des amateurs de plein air et dans la ligne de mire des intérêts miniers.
Pour David Loeks, président de la Commission d’aménagement du territoire pendant plus de cinq ans, cette signature est un soulagement.
La Commission d’aménagement du bassin de la rivière Peel est créée en 2004, selon les prévisions des ententes de revendications territoriales autochtones.
Le plan final déposé en 2011 suggère la protection de 80 % du territoire. Le gouvernement de l’époque s’y oppose et propose plutôt une protection de 30 %.
La situation mène à de nombreuses manifestations citoyennes, entre autres, à l’Assemblée législative. Kate White a passé sa carrière politique à être occupée par le bassin de la rivière Peel.
La crise mènera à une poursuite judiciaire intentée par quatre Premières Nations et deux groupes environnementaux jusqu’à la Cour suprême du Canada. Celle-ci confirmera la position des plaignants, à savoir que le gouvernement a manqué à ses obligations en vertu des ententes de revendications territoriales.
Enjeu électoral de trois campagnes, la ratification est une des promesses des libéraux, qui remportent les élections de 2016.
David Loeks croit que ce chapitre de l’histoire du territoire aura été, somme toute, positif.