Ottawa souhaite une plus grande coopération scientifique à l’international pour conserver la biodiversité de l’Arctique
La coopération internationale dans la conservation de la biodiversité de l’Arctique est l’un des objectifs énoncés par Ottawa dans sa stratégie pour la région nordique, rendue publique mardi, mais un expert déplore le manque de mesures concrètes pour mettre en œuvre cet engagement.
« C’est la première politique pour l’Arctique et le Nord du Canada qui évoque les responsabilités à l’échelle internationale », a affirmé mardi la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, dans un communiqué de presse.
Dévoilé à la veille du déclenchement de la campagne électorale fédérale, le Cadre stratégique sur l’Arctique et le Nord du Canada s’articule autour de huit grands axes qui établissent les priorités du gouvernement sur le développement de la région d’ici 2030.
« Je trouve dommage que le gouvernement ait attendu jusqu’au déclenchement des élections, mais [ce plan] est certainement un pas dans la bonne direction », croit le professeur adjoint à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement à l’Université McGill, Kyle Elliot, qui se spécialise dans l’écologie arctique.
Dans un chapitre consacré à son engagement à l’étranger, le gouvernement fédéral attire l’attention sur l’importance « d’accroître la collaboration internationale en sciences et en recherche polaires ».
Même s’il se dit optimiste, le chercheur fait preuve de réserve quant aux engagements énoncés dans le document. « [Le plan] insiste beaucoup sur la création de nouvelles aires marines protégées et de nouvelles voies maritimes […] mais il nous manque encore des renseignements importants qui nous permettront de prendre ces décisions », affirme-t-il.
« En raison de la complexité, de l’interdépendance et des coûts associés aux sciences et à la recherche dans l’Arctique et dans le Nord, la coopération internationale peut contribuer à combler les lacunes du savoir polaire », peut-on lire dans le plan stratégique.
Pour ce faire, Ottawa s’engage à renforcer la participation du Canada au sein de groupes de travail du Conseil de l’Arctique et d’organismes scientifiques internationaux. Le document donne notamment l’exemple du Comité international des sciences arctiques, dont les axes de recherche portent sur l’atmosphère, la cryosphère, les sciences sociales ainsi que les écosystèmes terrestres et marins.
Accessibilité croissante des eaux arctiques
Les changements climatiques rendent les eaux arctiques de plus en plus accessibles au transport maritime, ce qui alimente l’engouement international pour des potentiels touristiques, économiques et d’exploitation des ressources. « En même temps, la communauté internationale s’intéresse de plus en plus à la protection de l’écosystème fragile de l’Arctique contre les effets des changements climatiques », lit-on dans le plan.
Sur cet aspect, le gouvernement canadien juge donc nécessaire de créer des partenariats bilatéraux avec des États arctiques de même qu’avec des États et des acteurs non arctiques.
« En tant qu’État côtier, le Canada travaillera avec ses partenaires à optimiser la gestion de l’océan Arctique, entre autres grâce à la mise en œuvre de l’Accord international visant à prévenir la pêche non réglementée en haute mer dans l’océan Arctique central », indique le plan stratégique.
L’accord, qui vise à combattre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, prévoit la mise en place d’un programme conjoint de recherche scientifique et de surveillance pour mieux comprendre les écosystèmes de l’océan Arctique tout en évaluant le potentiel d’une pêche durable.
Le document laisse aussi entendre qu’Ottawa relancera le dialogue bilatéral avec la Russie en ce qui a trait aux « questions autochtones, [à] la coopération scientifique, [à] la protection de l’environnement, [à] la navigation, ainsi qu’[à] la recherche et [au] sauvetage ».
« Il y a déjà de nombreuses collaborations avec les États-Unis et les pays scandinaves, mais il y en a très peu avec la Russie, estime Kyle Elliott. Je crois que c’est très positif parce que la Russie occupe une place énorme dans l’Arctique. »
Ottawa se tournera aussi vers son voisin du sud pour mieux garantir la protection et la survie de la harde de caribous de la Porcupine, qui migre chaque année entre l’Alaska, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest et qui demeure centrale dans la culture et la subsistance des Gwich’in.
Le gouvernement compte par ailleurs étudier différentes manières de réduire davantage les rejets de contaminants dans l’atmosphère et dans les eaux arctiques, comme le mercure, les microplastiques et les polluants organiques persistants, dont les effets néfastes sur la biodiversité ont été maintes fois mis en lumière par des chercheurs.
Inclusion du savoir autochtone
L’intégration du savoir autochtone à la recherche scientifique revient à plusieurs reprises dans le Cadre stratégique, qui laisse cependant entrevoir qu’il reste du chemin à faire pour y arriver concrètement.
« Nous avons besoin de financements plus importants pour pouvoir travailler ensemble », pense Kyle Elliott. Le coût élevé des déplacements est l’un des facteurs qui font grimper les dépenses des scientifiques qui se rendent dans le nord du pays pour effectuer de la recherche sur le terrain et rencontrer des membres des communautés.
« […] Le Canada se fera le champion de l’intégration concrète du savoir autochtone au sein des organisations internationales dont les décisions ont une incidence sur l’Arctique », indique le gouvernement fédéral, sans toutefois préciser de quelles manières il compte y parvenir.
Attendu depuis plusieurs années, le Cadre stratégique a été élaboré avec des représentants d’organisations autochtones, des gouvernements territoriaux et provinciaux.
Entre 2017 et 2018, des tables rondes ont été organisées avec des résidents de communautés nordiques, des scientifiques et des organisations non gouvernementales.