L’année 2020 marque les prémices d’un nouvel Arctique

Sur la route vers le nord, la glace de mer est étonnamment faible, possède de nombreux bassins de fonte et le navire Polarstern de l’expédition MOSAiC peut la briser facilement. Les membres de l’expédition ont eux-mêmes vécu les changements climatiques en Arctique. (Photo : Steffen Graupner/MOSAiC Expedition)
Un océan dépourvu de glace, des terres plus vertes et un climat plus chaud, voici à quoi l’Arctique risque de ressembler si la tendance actuelle se poursuit.

Il s’agit des conclusions d’un rapport compilé par 133 scientifiques de 15 pays différents publié par l’Agence atmosphérique et océanique américaine (NOAA) pour sa quinzième édition. 

L’Arctic Report Card 2020 référence toutes les observations et analyses « d’une région qui connaît des bouleversements rapides et spectaculaires de ses conditions météorologiques, climatiques, océaniques et terrestres ».

Le rapport souligne notamment une hausse constante des températures dans la région durant les dix dernières années.

« Au cours de neuf des dix dernières années, la température de l’air a dépassé d’au moins 1 degré C (2,2 degrés F) la moyenne de 1981 à 2010 », peut-on lire dans le communiqué.

« Les températures enregistrées dans l’Arctique au cours des six dernières années ont toutes dépassé les précédents records. »

Arctic Report Card 2020

Les scientifiques ont également observé que la température de l’air, à la surface de l’Arctique, entre octobre 2019 et septembre 2020 était la deuxième plus élevée depuis 1900, année où l’on a commencé à tenir des registres. Cela a eu divers effets sur les écosystèmes de la région.

En Sibérie, les températures printanières exceptionnellement chaudes ont considérablement réduit la couverture neigeuse de l’Arctique Eurasien. Le mois de juin a d’ailleurs marqué un nouveau record comparé aux 54 dernières années.  

Températures de l’air proche de la surface dans l’Arctique d’octobre 2019 à septembre 2020 par rapport à la moyenne de 1981-2010. La plus grande partie de l’Arctique était plus chaude que la moyenne (rouge), avec seulement quelques endroits plus froids que la moyenne (bleu).
(En bas) Graphique des températures annuelles sur les terres de l’Arctique (rouge) par rapport au globe (gris foncé) par rapport à la moyenne 1981-2010 de 1900-2020. Graphique de NOAA Climate.gov, adapté du bulletin 2020 sur l’Arctique. (Source : NOAA Climate.gov)

La République de Sakha, au nord de la Russie, a également été touchée de plein fouet par cette hausse des températures avec l’apparition de nombreux incendies. Nombre de ces évènements ont été favorisés par les « feux zombies », des feux souterrains survivant durant l’hiver. 

Depuis 2016, le rapport constate aussi que le verdissement de la toundra diverge fortement d’un continent à l’autre, diminuant fortement en Amérique du Nord, mais restant au-dessus de la moyenne à long terme en Eurasie. Une étude publiée plus tôt cette année et réalisée sur trente ans a notamment révélé que la région est devenue plus verte en général suite à la hausse des températures de l’air et du sol. 

Fonte des glaces

Le rapport fait aussi état de l’évolution des glaces terrestres et marines.

La calotte glaciaire du Groenland a par exemple connu une perte de glace plus importante que la moyenne de 1981-2010, mais nettement inférieure à la perte record de 2018/19. Les glaciers et les calottes glaciaires en dehors du Groenland ont quant à eux continué à perdre beaucoup de glace, principalement en Alaska et dans l’Arctique canadien.

L’étendue de glace marine a également continué à diminuer entre 2019 et 2020. L’étendue minimale de glace de mer arctique de 2020 observée en septembre était la deuxième plus faible jamais enregistrée par les satellites.

L’épaisseur globale de la couverture de glace de mer diminue également à mesure que « la glace arctique se transforme, passant d’une masse de glace plus ancienne, plus épaisse et plus forte à une masse de glace plus jeune, plus mince et plus fragile au cours de la dernière décennie », souligne l’Arctic Report Card 2020.

La calotte glaciaire du Groenland a de nouveau perdu de la masse en 2020, mais pas autant qu’en 2019. Ce graphique illustre l’évolution de l’état de la calotte glaciaire du Groenland mesurée par les missions satellites GRACE de la NASA depuis 2002. (Source : NOAA Climate.gov)

Cette évolution a également été observée et vécue par MOSAiC, l’expédition du brise-glace Polarstern qui s’est laissé emprisonner par les glaces du centre de l’océan Arctique pendant un an. Les différents groupes de scientifiques qui se sont alternés ont constaté que le navire avait dérivé bien plus rapidement que prévu à travers une glace plus fine que prévu. Ces changements climatiques ont d’ailleurs améné de nombreuses complications pour la mission scientifique.

Les divers changements climatiques terrestres ou marins ont également augmenté le taux d’érosion du pergélisol côtier dans des régions habitées de l’Arctique. Cela a des conséquences directes sur les personnes y résidant et les activités industrielles, commerciales, touristiques et militaires qui y sont en pleine expansion.

« Dans l’ensemble, le scénario est sans équivoque », a commenté Rick Thoman, spécialiste du climat de l’Alaska au Centre international de recherche sur l’Arctique, et l’un des trois rédacteurs du rapport de cette année.

« La transformation de l’Arctique en une région plus chaude, moins gelée et biologiquement modifiée est bien entamée ».

Rick Thoman, un des trois rédacteurs du rapport
(haut) Concentration de la glace de mer arctique le 15 septembre 2020 — le jour de la plus petite étendue de l’année — par rapport à l’étendue médiane (ligne jaune) atteinte à cette date en septembre de 1981 à 2010. (En bas) Étendue maximale (bleu foncé) et minimale (bleu clair) annuelle de la glace de 1979 à 2020. (Source : NOAA Climate.gov)
Quelques nouvelles positives

L’Arctic Report Card 2020 vient aussi avec quelques bonnes nouvelles.

Les populations de baleines boréales du Pacifique et de l’Arctique ont ainsi augmenté au cours des 30 dernières années. La prolifération du plancton et l’augmentation du transport de krill et d’autres sources de nourriture vers le nord par le détroit de Béring, combinées aux mesures de protection sont les clefs de ce regain.

Cependant, l’augmentation des sources de nourriture et du transport représentent également « une indication du réchauffement durable de l’océan Arctique », rappelle le rapport.

L’année 2020 a également été marquée par des progrès technologiques dans l’intégration des modèles et des observations. Ces avancements ont permis d’augmenter la qualité et l’utilité des prévisions relatives à la glace de mer arctique sur des échelles de temps allant de la saison à la décennie et au siècle.

Le centre de travail météorologique sur la banquise, Met City, en cours de démantèlement. Le rapport souligne également l’extraordinaire apport de l’expédition MOSAiC, une première historique et internationale. (Photo : Lianna Nixon/MOSAiC Expedition)

Des ajouts importants aux systèmes de données du réseau d’observation de l’Arctique (AON) ont aussi été réalisés cette année, améliorant ainsi « la qualité et l’accessibilité des informations utilisées pour produire l’Arctic Report Card ».

De plus, une nouvelle installation de recherche reliée à une liaison à fibre optique de grande capacité a ouvert ses portes près de Utqiaġvik, en Alaska. Le nouvel observatoire Barrow de la NOAA assure la poursuite de près d’un demi-siècle d’observations atmosphériques et terrestres in situ.

Enfin, le rapport souligne l’extraordinaire apport de l’expédition MOSAiC, une première historique et internationale. L’expédition a permis de collecter « un ensemble de données historiques qui a pour but de faire progresser la compréhension, la modélisation et la prévision des changements environnementaux dans l’Arctique ».

Mathiew Leiser, Regard sur l'Arctique

Né dans le sud de la France d'une mère anglaise et d'un père français, Mathiew Leiser a parcouru le monde dès son plus jeune âge. Après des études de journalisme international à Londres, il a rapidement acquis différentes compétences journalistiques en travaillant comme journaliste indépendant dans divers médias. De la BBC à l'Agence France Presse en passant par l'agence d'UGC Newsflare, Mathiew a acquis de l'expérience dans différents domaines du journalisme. En 2019, il décide de s'installer à Montréal pour affronter les hivers rigoureux et profiter des beaux étés mais surtout développer son journalisme. Il a rapidement intégré Radio Canada International où il s'efforce de donner le meilleur de lui-même au sein des différentes équipes.

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