Jardiner en hiver dans le Grand Nord canadien, possible, mais pas simple

Au solstice d’hiver, Whitehorse ne compte que 5 h 37 d’ensoleillement. Lorinna Mitchell a recours à l’éclairage artificiel pour certains de ses plants. (Lorrina Mitchell)
Avec des moyennes oscillant entre -14 et -18 degrés Celsius en décembre et en janvier, et moins de 6 heures d’ensoleillement au solstice d’hiver, le jardinage en saison froide au Yukon semble relever de l’impossible. Pourtant, plusieurs s’y adonnent.

Lorrina Mitchell est convaincue que l’hiver est la saison toute désignée pour expérimenter. Cette année, la Yukonnaise de longue date a jeté son dévolu sur les tomates.

Les tomates sont fascinantes parce qu’il en existe environ 10 000 variétés! J’ai trouvé les micro dwarf […] pour de plus petits espaces, elles sont parfaites!Lorrina Mitchell, jardinière hivernale
Les petits plants de tomates de Lorrina Mitchell ont été semées sous forme de graines à la fin du mois de septembre et entretenues sous éclairage artificiel. (Lorrina Mitchell)

La jardinière s’est procurée pas moins de 19 variétés de graines de tomates. Assez, dit-elle, pour manger des tomates pendant les 20 prochaines années en conservant les graines au frigo.

Rien pendant l’hiver n’apporte plus de joie que de voir quelque chose pousser, vous permettant de produire votre propre nourriture.Lorrina Mitchell, jardinière hivernale
Un besoin de taille

L’autodidacte n’hésite pas à faire partager son savoir avec la communauté grandissante de jardiniers amateurs du coin. L’Université du Yukon offre également des cours aux plus sérieux car, rappelons-le, les zones de rusticité au Yukon vont de zéro à deux.

Toutefois, pour qu’un tel spectacle puisse se produire, il faut s’outiller. Lorrina Mitchell a passé de nombreuses heures à faire ses recherches pour trouver les bonnes lampes avec le spectre lumineux approprié pour chaque type de plantes.

Les lampes de croissance DEL sont offertes dans une panoplie de formes et de produits. Lorrina Mitchell rappelle qu’il est important de bien faire ses recherches pour obtenir du succès, car toutes les plantes n’ont pas les mêmes besoins. (Lorrina Mitchell)

« Je crois que c’est une bonne chose, au Yukon, que d’avoir de plus en plus de gens qui se mettent à l’agriculture et a faire pousser des plantes et des herbes aromatiques, [à élever] du bétail ou [des poules pondeuses pour] des œufs. Je crois que c’est essentiel parce que nous sommes à la fin de la chaîne d’approvisionnement », explique-t-elle.

C’est d’ailleurs ce qui a poussé Tarek Bos-Jabbar a lancer l’entreprise Cold Acres il y a trois ans. D’ici le printemps, cette entreprise de production hydroponique en conteneurs embauchera une vingtaine de personnes. Elle doit approvisionner près de 500 consommateurs et épiceries en laitues et verdures.

L’entreprise Cold Acres distribue au Yukon de la verdure cultivée sous des lampes artificielles, même en hiver. (Gary Bremner/Cold Acres/GPB Creative)

« Quand nous avons lancé l’entreprise, le Yukon produisait moins de 1 % de la nourriture [qui y était consommée]. Cette donnée est suffisante pour pousser n’importe qui à trouver un moyen de faire pousser de la nourriture dans le Nord », croit l’entrepreneur.

« Nous sommes à la fin de la ligne [d’approvisionnement]. Tout ce qu’on peut produire localement sera une bonne chose pour l’environnement. Le goût sera meilleur, et la quantité de vitamines plus élevée. Ça crée des emplois et une plus grande rétention économique parce que l’argent des consommateurs sert à financer les emplois des gens qui habitent au Yukon. »

Une laitue, ce n’est pas une carotte

Pour sa part, Sheila Alexandrovich ne croit pas du tout aux avantages de l’agriculture en hiver.

La valeur nutritive d’une tête de laitue comparativement à une carotte ou un légume racine qu’on peut faire pousser en été et conserver [en hiver] ne se compare pas. Toute cette énergie qui va dans un conteneur pour faire pousser de la verdure, c’est de la folie!Sheila Alexandrovich, agricultrice

L’agricultrice de longue date, qui habite hors du réseau électrique, n’achète pratiquement pas de légumes en hiver, dit-elle. Je ne mange pas de laitue en hiver parce que ça ne pousse pas. « Je mange des germinations […] et j’ai environ 15 légumes en entreposage ou en fermentation. »

Sheila Alexandrovich ne consomme en hiver que des germinations et des légumes racine entreposés. (Sheila Alexandrovich)

Pour satisfaire son pouce vert, Sheila Alexandrovitch se contente de plantes d’intérieur dont certaines, qui plus est, fleurissent à ce moment-ci de l’année.

« On peut entreposer plus facilement qu’on peut faire pousser en hiver. […] L’empreinte écologique de cette tête de laitue romaine est plutôt lourde », précise-t-elle.

Les coûts?

Lorrina Mitchell affirme avoir déboursé environ 500 $ pour se munir de lampes artificielles et moins de 100 $ pour ses graines, bien qu’elle admette que les prix ont depuis augmenté. Il s’agit pour elle d’un hobby qu’elle recommande à tous ceux et celles qui souhaitent avoir plus de produits frais l’hiver.

De son côté, Tarek Bos-Jabbar affirme que l’approvisionnement énergétique ne représente que de 5 à 10 % de son calcul financier avec l’arrivée des lampes DEL. Ce sont les salaires des employés qui forment la part du lion du budget de l’entreprise.

L’entreprise Cold Acres espère tripler sa production au cours des prochains mois et rejoindre encore plus de collectivités rurales avec sa verdure. (Cold Acres)

Par contre, pour ce qui est des légumes fruits, comme les concombres ou les poivrons, le besoin en énergie demeure prohibitif : « Il faudrait des lampes 100 fois plus puissantes », explique-t-il. « Et comme ces produits ne dépérissent pas autant lors du transport vers le territoire, le marché, selon l’entrepreneur, serait plus difficile à percer. »

L’entreprise poursuit ses recherches pour diversifier son offre. Pour l’instant, Cold Acres propose ses verdures, en plus des épiceries, dans un panier hebdomadaire en partenariat avec d’autres producteurs locaux.

Au final, si vous ne le [faites pas] pousser vous-même, ce sera transporté d’ailleurs. À vous de décider ce qui est le mieux.Tarek Bos-Jabbar, propriétaire, Cold Acres

Claudiane Samson, Radio-Canada

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