Le pape François présente ses excuses aux Autochtones canadiens

Les excuses du pape François ont été accueillies très favorablement par les trois délégations autochtones. (Andreas Solaro/AFP/Getty Images)
Le pape François a présenté ses excuses aux Autochtones canadiens pour les mauvais traitements subis par des membres de l’Église catholique au cours d’une rencontre avec la délégation venue au Vatican.
Je veux vous dire, de tout mon coeur, je suis vraiment peiné.Le pape François en italien aux Autochtones du Canada

Puis, il a enchaîné : « Et je me joins à mes frères évêques du Canada pour vous présenter mes excuses. » En septembre 2021, et pour la première fois publiquement, les évêques catholiques du Canada avaient présenté leurs excuses.

Ces excuses ont été accueillies très favorablement par les trois délégations.

Derrière l’indifférence qui a duré pendant des siècles, les mensonges, l’injustice, le pape François a décidé d’aller au cœur des choses et de dire des mots que les [Autochtones] rêvaient d’entendre depuis des décennies.Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK)

Sur le moment, a-t-il précisé, il n’a pas pu s’empêcher de penser « à la façon dont les gens peuvent changer le monde et comment les individus peuvent voir qu’il existe une justice et qu’il existe un chemin vers la justice ».

Les trois leaders autochtones, Premières Nations, Inuit et Métis, sur la place Saint-Pierre après les excuses du pape le 1er avril 2022 : Gerald Antoine, Natan Obed, Cassidy Caron. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

« Quelle journée! C’est une grande journée », s’est exclamé Phil Fontaine, le leader autochtone qui pensait ne jamais entendre des mots d’excuse de la part du pape. Il travaille à cela depuis des dizaines d’années.

Nous voyons le fruit de la détermination de nombreuses personnes qui se sont battues pendant tant d’années. Le message est qu’il ne faut jamais se décourager!Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK)

Selon la présidente du Ralliement national des Métis, Cassidy Caron, « profondément touchée » par les excuses, la réconciliation n’a pas commencé ni fini ici. Néanmoins, « les paroles prononcées par le pape aujourd’hui sont assurément historiques. Ils étaient nécessaires et je les apprécie profondément », a-t-elle poursuivi.

Le chef de la délégation des Premières Nations, Gerald Antoine, a reçu ces excuses comme des traces fraîches d’orignal dans la neige et qu’il faut nourrir la famille. « Je vois les possibilités qui s’offrent, mais il y a encore du travail à faire », a lancé le chef déné.

Une venue au Canada cet été

Les trois délégués ont en effet rappelé qu’ils souhaitent que le pape s’excuse lors de sa venue au Canada.

C’est un premier pas historique, mais ce n’est qu’un premier pas. Le prochain est qu’il s’excuse à nos familles sur leurs terres.Gerald Antoine, chef de la délégation des Premières Nations

Le pape a en effet confirmé qu’il viendrait au Canada, sans préciser exactement quand, mais a dit : « pas en hiver », sous le ton de l’humour. Le pape a parlé de la période aux alentours de la Sainte-Anne, célébrée le 26 juillet. Il s’agit d’une fête importante pour les Premières Nations, en particulier pour les Innus qui se réunissent au Québec à Sainte-Anne-de Beaupré, y établissant même campement traditionnel.

Cette année, je voudrais être avec vous pendant ces journées.Le pape François, à propos de la fête de Sainte-Anne

Les délégués autochtones ont aussi fait part de leur désir de s’impliquer dans la planification de ce voyage. « Nous voulons être des partenaires actifs dans la planification, mais aussi du choix des sites et lieux que le pape visitera. Pourquoi? Parce que c’est notre maison », a lancé Gerald Antoine. Si ce n’est pas le cas, « ce serait une déception », a-t-il précisé.

Le leader des Premières Nations au Vatican, Gerald Antoine (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Cassidy Caron a vu les larmes jaillir des yeux de la survivante de pensionnat, Angie Crerar, quand le pape a présenté ses excuses, un moment très émouvant. Raison pour laquelle, elle va continuer de plaider pour que « le pape vienne partager ses mots, ses sentiments » au Canada, car « ces mots vont être importants pour les survivants ».

Ils ont aussi rappelé attendre des actions concrètes de la part du pape et de l’Église. Les délégations Inuit, Métis et des Premières Nations avaient, chacune, présenté des récits et des demandes au pape plus tôt cette semaine.

Le pape François a d’ailleurs, dans son discours, encouragé les évêques et les catholiques « à prendre des mesures pour la recherche transparente de la vérité et à promouvoir la guérison des blessures et la réconciliation ».

Un pape indigné et honteux

En écoutant les voix des Autochtones venus raconter leurs récits, le pape a dit avoir été « profondément attristé par les histoires de souffrance, d’épreuves, de discrimination et de diverses formes d’abus que certains d’entre [eux] ont subies, particulièrement dans les pensionnats ».

« Tout cela m’a fait ressentir très fortement deux choses, l’indignation et la honte », a-t-il répété plusieurs fois. « J’ai honte. »

Lors de son discours, il s’est dit frappé par la sagesse traditionnelle qu’il a entendue lors des trois rencontres distinctes avec les Métis, les Inuit et les Premières Nations.

« Une belle image revenait sans cesse. Vous vous êtes comparés aux branches d’un arbre. Comme ces branches que vous avez déployées dans différentes directions, vous avez connu différentes époques et saisons et vous avez été secoués par des vents puissants. Pourtant, vous êtes restés solidement ancrés à vos racines, que vous avez gardées fortes », a dit le pape.

Néanmoins, il a enchaîné en lançant que « cet arbre, riche en fruits, a subi une tragédie » qui a été décrite par les Autochtones ces derniers jours : « le drame du déracinement ».

Par ce fait, a affirmé le pape, « un grand tort a été causé à votre identité et à votre culture. De nombreuses familles ont été séparées. La communauté et un grand nombre d’enfants ont été victimes de ces tentatives d’imposer une uniformité basée sur la notion que le progrès passe par la colonisation idéologique ».

« Malheureusement, cette mentalité coloniale est encore très répandue », a-t-il poursuivi.

L’Inuit David Serkoak a offert une prestation de ses talents au tambour devant le pape François au Vatican. (Corey Hobbs)
Danses, tambours et violons devant le pape

Près de 200 personnes, en très grande majorité des membres de Premières Nations, des Inuit et des Métis du Canada, ont assisté à l’audience publique avec le pape François. Une audience qui s’est tenue après une série de rencontres avec chaque délégation et au cours desquelles il a été question des pensionnats pour Autochtones et de leurs impacts.

La dernière audience a eu lieu dans la Sala Clementina, l’une des salles du palais apostolique, située à côté de la basilique Saint-Pierre au Vatican. Cette salle est utilisée par le pape pour des réunions d’une importance particulière, notamment avec le corps diplomatique.

La Métisse Brianna Lizotte a joué du violon devant le pape. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Des prestations de tambour inuit, de danses et de violons ont eu lieu, ainsi qu’une distribution de cadeaux. Un livre contenant des témoignages et une paire de raquettes traditionnelles ont notamment été remis au souverain pontife.

Le pape a conclu l’audience par un petit geste de la main en lançant : « bye-bye » avec un sourire.

Juste avant de rencontrer le pape, la Métisse Brianna Lizotte s’est dite nerveuse et fébrile, car elle devait jouer du violon. « Je vais imaginer mes ancêtres et ma famille jouer avec moi », a-t-elle lancé.

Marie-Laure Josselin, Radio-Canada

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