De hauts responsables de l’Arctique essaient d’entrevoir l’avenir alors que le Conseil de l’Arctique est sur pause

Les conférenciers à Arctic Frontiers s’entendent pour dire que la coopération dans l’Arctique doit se poursuivre sous une forme ou une autre, mais avec l’invasion russe de l’Ukraine, la question est maintenant de savoir de quelle façon le faire. De gauche à droite : la ministre norvégienne des Affaires étrangères, Anniken Huitfeldt, Christina Henriksen, présidente du Conseil sami, la modératrice Anniken Fjelberg, Mika Aaltola, directeur de l’Institut finlandais des affaires internationales, et James DeHart, coordonnateur pour la région arctique au département d’État américain. (Eilis Quinn/Regard sur l’Arctique)
TROMSO, Norvège – Plus de deux mois après l’invasion de l’Ukraine et l’interruption des travaux du Conseil de l’Arctique, présidé actuellement par la Russie, les sept autres États membres préparent un plan pour l’avenir, ont déclaré lundi des responsables des pays circumpolaires lors d’une conférence internationale.

« Nous avons la responsabilité, en tant qu’États de l’Arctique, de poursuivre cet important travail », a déclaré James DeHart, coordonnateur pour la région arctique au département d’État américain, à l’auditoire de la conférence Arctic Frontiers composé de dignitaires, de ministres, de gens d’affaires, de chercheurs et d’universitaires.

« Nos hauts fonctionnaires de l’Arctique travaillent très fort là-dessus et sur la façon de le faire sans nuire au Conseil à long terme. Puisque la valeur du Conseil réside dans les huit États arctiques [y compris la Russie] et dans tous les peuples de la région, nous ne pouvons pas [effectuer une réforme] dans l’immédiat. »

Nous devons trouver un moyen de procéder et nous devons le faire avec une certaine urgence.James DeHart, coordonnateur pour la région arctique au département d'État des États-Unis

James DeHart dit que des changements structurels au Conseil de l’Arctique ne sont pas envisagés, mais il n’a pas donné plus de détails sur les choix possibles.

« Nous sommes assez satisfaits de la structure telle qu’elle est. Nous ne souhaitons pas en changer les membres, mais voulons plutôt [que le Conseil puisse faire son travail] », dit-il.

« Peu de temps après l’invasion à grande échelle [de l’Ukraine] par la Russie, la cote de crédit [de la Russie] a fondu, et je dirais qu’il en est de même de sa position dans l’Arctique, parce que [l’Arctique] est une région où le droit international et nos principes directeurs sont si importants », affirme James DeHart, coordonnateur pour la région arctique au département d’État américain. (Eilis Quinn/Regard sur l’Arctique)
Le Conseil de l’Arctique est un forum international composé des huit pays de l’Arctique et des six groupes autochtones de l’Arctique : l’Association internationale des Aléoutes, l’Arctic Athabaskan Council, le Gwich’in Council International, le Conseil circumpolaire inuit, l’Association russe des peuples autochtones et du Nord et le Conseil sami.

Le Conseil a été fondé en 1996 pour que les États du Nord travaillent ensemble à la protection de l’environnement et au développement durable.

Le Canada, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Suède et les États-Unis ont annoncé en mars qu’ils suspendaient les travaux au Conseil de l’Arctique à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La Russie détient la présidence de deux ans du Conseil et a déclaré qu’elle poursuivrait son programme à la tête du forum comme prévu.

Le « groupe des sept » de l’Arctique s’engage à poursuivre le travail sur des objectifs communs

La Norvège assumera la présidence du Conseil de l’Arctique l’an prochain. La ministre des Affaires étrangères Anniken Huitfeldt croit en l’endurance du Conseil et précise que la Norvège prépare les priorités de sa présidence comme prévu.

« Les défis dans l’Arctique ne disparaîtront pas, ils devront toujours être relevés dans l’avenir. Cela nécessite une coopération multilatérale » ajoute-t-elle.

La Norvège présidera le Conseil de l’Arctique à partir de mai de l’année prochaine et tous les préparatifs sont en cours. Ce sera une présidence très différente de ce que nous avions prévu.Anniken Huitfeldt, ministre des Affaires étrangères de la Norvège

James DeHart dit que, malgré la rupture avec la Russie, les sept pays circumpolaires occidentaux restent attachés à leurs objectifs pour la région.

« Nous voulons que les tensions demeurent faibles dans l’Arctique. Nous voulons que cela reste pacifique et nous concentrer sur le bien-être et le développement des personnes qui vivent dans la région. Nous voulons que l’Arctique reste un lieu d’adhésion au droit et aux règles internationales et voulons que le Conseil de l’Arctique continue d’être le forum principal. Je pense qu’il y a davantage de continuité que de changement. »

« Ce ne sont pas nos frontières »
« Il y a plus de 40 peuples autochtones dans le nord de la Russie et ils constituent une partie importante de l’Arctique », affirme Christina Henriksen, présidente du Conseil sami. « Je ne vois pas d’avenir sans coopération entre les peuples autochtones de l’Arctique. » (Eilis Quinn/Regard sur l’Arctique)

Christina Henriksen, présidente du Conseil sami, l’organisation qui représente les Samis autochtones en Norvège, en Suède, en Finlande et en Russie (le territoire ancestral des Samis connu sous le nom de Sapmi), n’est pas d’accord.

« Pour nous, tout a changé », dit-elle.

[Les Samis] des quatre pays ont été contraints de suspendre la coopération formelle entre eux.Christina Henriksen, présidente du Conseil sami

« Nous étions censés célébrer 30 ans de coopération lors de notre conférence en août, mais cela n’arrivera pas. Nous restons en contact de manière informelle avec nos amis, nos familles et nos partenaires parce que c’est une dimension très importante. Ces frontières [qui divisent le Sapmi] n’étaient pas notre idée. »

Elle souligne que la coopération avec les peuples autochtones de l’Arctique en Russie est également en jeu.

« Il y a plus de 40 peuples autochtones dans le nord de la Russie et ils constituent une partie importante de l’Arctique. Je ne vois pas d’avenir sans coopération entre les peuples autochtones de l’Arctique. »

L’avenir de la coopération dans l’Arctique dépend de la Russie
« L’espoir est que d’une manière ou d’une autre nous puissions retrouver notre chemin », a déclaré David Balton (à droite), directeur général du comité de l’Arctique de la Maison-Blanche. « Mais cela dépend en grande partie de la Russie, pas de nous. » (Eilis Quinn/Regard sur l’Arctique)

La crise climatique et d’autres problèmes auxquels font face les communautés et les peuples du Nord signifient que la coopération dans l’Arctique ne peut pas être interrompue indéfiniment, soutient David Balton, directeur général du comité de l’Arctique de la Maison-Blanche.

« Nous devons retourner au travail, dit-il. Mais nous ne pouvons pas prétendre que les événements en Ukraine ne se sont pas produits et qu’ils ne se poursuivent pas en ce moment même. Ils ont choqué notre conscience. »

Nous ne pouvons pas aller de l’avant dans l’Arctique d’une manière qui donnerait une légitimité à ce qui se passe en Ukraine et à ce que la Russie y fait.David Balton, directeur général du comité de l'Arctique de la Maison-Blanche

« Le Conseil de l’Arctique et [d’autres institutions qui ont interrompu leurs activités] requièrent la participation de la Russie. L’espoir est que d’une manière ou d’une autre nous pourrons retrouver notre chemin. Mais cela dépend en grande partie de la Russie, cela ne dépend pas de nous. »

La conférence Arctic Frontiers se déroule jusqu’au 11 mai.

Contactez Eilis Quinn à eilis.quinn@radio-canada.ca

Traduit de l’anglais par Mathieu Gobeil, Regard sur l’Arctique

 

Eilís Quinn, Regard sur l'Arctique

Eilís Quinn est une journaliste primée et responsable du site Regard sur l’Arctique/Eye on the Arctic, une coproduction circumpolaire de Radio Canada International. En plus de nouvelles quotidiennes, Eilís produit des documentaires et des séries multimédias qui lui ont permis de se rendre dans les régions arctiques des huit pays circumpolaires.

Son enquête journalistique «Arctique – Au-delà de la tragédie » sur le meurtre de Robert Adams, un Inuk de 19 ans du Nord du Québec, a remporté la médaille d’argent dans la catégorie “Best Investigative Article or Series” aux Canadian Online Publishing Awards en 2019. Le reportage a aussi reçu une mention honorable pour son excellence dans la couverture de la violence et des traumatismes aux prix Dart 2019 à New York.

Son reportage «Un train pour l’Arctique: Bâtir l'avenir au péril d'une culture?» sur l'impact que pourrait avoir un projet d'infrastructure de plusieurs milliards d'euros sur les communautés autochtones de l'Arctique européen a été finaliste dans la catégorie enquête (médias en ligne) aux prix de l'Association canadienne des journalistes pour l'année 2019.

Son documentaire multimedia «Bridging the Divide» sur le système de santé dans l’Arctique canadien a été finaliste aux prix Webby 2012.

En outre, son travail sur les changements climatiques dans l'Arctique canadien a été présenté à l'émission scientifique «Découverte» de la chaîne française de Radio-Canada, de même qu'au «Téléjournal», l'émission phare de nouvelles de Radio-Canada.

Au cours de sa carrière Eilís a travaillé pour des médias au Canada et aux États-Unis, et comme animatrice pour la série «Best in China» de Discovery/BBC Worldwide.

Twitter : @Arctic_EQ

Courriel : eilis.quinn@radio-canada.ca

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