La coopération entre la Norvège et la Russie en matière de sécurité nucléaire mise sur pause
Lors d’une réunion mardi de la Commission russo-norvégienne sur la sûreté nucléaire, la partie russe a informé son homologue qu’elle suspendait les travaux de la commission jusqu’à ce que la situation politique s’améliore.
Cela vient interrompre la collaboration entre les deux pays sur les enjeux de sécurité nucléaire et des risques de radioactivité qui remonte à 1995.
L’annonce a été faite dans un communiqué du ministère norvégien des Affaires étrangères et dans un communiqué de la Direction de la radioprotection et de la sûreté nucléaire de Norvège (DSA), après la réunion qui s’est déroulée en vidéoconférence.
En raison de l’invasion russe en Ukraine, la Norvège avait mis fin au financement qu’elle donnait à la Russie pour l’aider à décontaminer et à sécuriser des sites où des déchets nucléaires sont entreposés, près de la frontière entre les deux pays dans l’Arctique. Cette aide s’est chiffrée à 2 milliards d’euros (2,69 G$ CA) depuis une trentaine d’années, selon The Independent Barents Observer.
« La partie russe suspend la coopération dans le cadre de la Commission nucléaire à la suite du gel du financement norvégien des projets de coopération. Les parties norvégienne et russe conviennent que le dialogue peut se poursuivre dans les domaines réglementés par d’autres accords, y compris la notification des incidents nucléaires, la surveillance de l’environnement et la coopération gouvernementale », peut-on lire dans le communiqué de la DSA.
La partie norvégienne était représentée à cette réunion par le directeur de la DSA, Per Strand. Du côté russe, le représentant était Oleg Kryukov, directeur des politiques publiques sur les déchets radioactifs, le combustible nucléaire usagé et le démantèlement nucléaire de la société d’État russe Rosatom.
« Il est regrettable que la Norvège ne soit plus engagée dans le financement des projets », a affirmé lors de la réunion M. Kryukov, dont les propos sont rapportés par le média norvégien NRK.
Les projets en cours vont néanmoins se poursuivre bien qu’ils prendront plus de temps, précise-t-il.
La sûreté nucléaire dans l’Arctique
En vertu de leur entente, chaque pays doit rapidement avertir l’autre en cas d’accident nucléaire ou de fuite de matériel radioactif près de leur frontière commune.
Les deux pays travaillent étroitement ensemble depuis des années pour, notamment, sécuriser et retirer progressivement le combustible nucléaire usagé de l’ancienne base navale de la baie d’Andreïev. Ce site, qui date de l’époque soviétique, se trouve à environ 60 km de la frontière norvégienne et à 55 km de la ville russe de Mourmansk.
Des centaines d’anciens réacteurs de sous-marins nucléaires ont été entreposés dans ce secteur depuis les années 1960. Un accident s’y est produit en 1982, laissant fuir des centaines de tonnes d’eau radioactive dans la mer au fil des ans.
Des déchets nucléaires sont retirés du site pour être transportés et traités ailleurs sur le continent.
La Russie procède aussi au repêchage d’épaves de sous-marins nucléaires autour de la péninsule de Kola.
La Norvège, dont l’implication dans ces projets vient d’être interrompue, craint notamment la contamination radioactive des stocks de poissons, comme la morue, dans la mer de Barents, une industrie de taille pour le pays scandinave.
En août 2019, une explosion est survenue près de la frontière avec la Norvège lors du test d’un engin nucléaire par la Russie. Cinq personnes qui travaillaient pour Rosatom avaient été tuées lors de cet accident. De la radioactivité avait par la suite été détectée près de la frontière, du côté norvégien.
La Russie construit par ailleurs une flotte de sous-marins nucléaires nouvelle génération dont une grande partie sont postés autour de la péninsule de Kola.
La sécurité en Ukraine
Lors de la réunion de mardi, la Norvège a aussi fait part de ses préoccupations quant à la sécurité nucléaire en Ukraine et l’intégrité de ses centrales, depuis l’invasion russe.
« La coopération en matière de sécurité nucléaire entre la Norvège et la Russie est une dimension clé de nos relations bilatérales. Il est dans notre intérêt commun de réduire les risques d’accidents et de contamination radioactive », affirme le ministère norvégien des Affaires étrangères, dans le communiqué.
« En même temps, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a des conséquences sur les relations bilatérales entre la Norvège et la Russie. Du côté norvégien, des inquiétudes ont été exprimées quant à la sécurité nucléaire en Ukraine à la suite de l’invasion. Comme d’autres pays européens et alliés, nous avons réduit au minimum les contacts avec les autorités russes. Le financement norvégien des projets relevant de la coopération en matière de sûreté nucléaire a été gelé. Le dialogue nécessaire est maintenu pour l’instant au niveau technique. »
Avec les informations de NRK et The Independent Barents Observer