Analyser les excréments des ours polaires pour mieux comprendre la présence des produits chimiques dans l’organisme
En analysant les excréments d’ours polaires, des chercheurs de l’Université de Toronto ont observé comment certains contaminants chimiques peuvent être « piégés et s’accumuler » dans l’organisme. Les conclusions de leur étude ont été récemment publiées dans la revue Environmental Science & Technology.
Les ours polaires sont poussés naturellement à stocker certains contaminants dans leur corps pour plusieurs raisons, indique l’étude. Ils sont tout d’abord au sommet de la chaîne alimentaire. Ils ont également un régime très gras et ont biologiquement évolué pour absorber de grandes quantités de graisse.
« Ils sont comme un piège pour ces produits chimiques », explique Frank Wania, professeur au Département des sciences physiques et environnementales de l’Université de Toronto et l’un des auteurs de l’étude.
Le professeur ajoute que l’apport en contaminants des ours polaires est très élevé, mais leur capacité à les expulser est très faible. Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode pour étudier comment certains produits chimiques, appelés polychlorobiphényles (PCB), s’accumulent à l’intérieur des ours polaires à partir d’aliments contaminés.
Ils ont aussi analysé le régime alimentaire et les échantillons de matières fécales d’ours polaires du zoo de Toronto pour voir quelle quantité de PCB est piégée par rapport à la quantité excrétée. À ce titre, les ours polaires subissent ce que l’on appelle une « bioamplification », c’est-à-dire que des niveaux plus élevés de toxines s’accumulent plus haut dans la chaîne alimentaire.
À la lecture de l’étude, on apprend que si les animaux et les humains sont généralement capables d’expulser la plupart des produits chimiques qui ne devraient pas se trouver dans l’organisme. Certains contaminants sont plus difficiles à éliminer en raison de leurs propriétés.
« Ceux qui sont liposolubles et persistants, notamment le pesticide DDT et certains types de PCB, peuvent s’accumuler dans les tissus corporels parce qu’ils ne peuvent pas être décomposés ou excrétés facilement par le système digestif », disent les chercheurs.
Les experts précisent que les ours polaires du zoo de Toronto ne sont pas nourris de graisse de phoque sauvage, qui peut contenir des niveaux élevés de PCB. Selon M. Wania, les populations vivant à l’état sauvage présentent des niveaux de contaminants beaucoup plus élevés que ceux du zoo, dont le régime alimentaire est plus propre.
Le professeur note qu’il est important de surveiller ces niveaux de contaminants en raison des dommages qu’ils peuvent causer. Il rappelle que des études ont établi un lien entre des niveaux élevés de PCB chez les ours polaires sauvages et des niveaux plus faibles de testostérone allant jusqu’à avoir un impact sur la reproduction. Pire encore, les niveaux élevés de PCB ont été liés à des perturbations des systèmes immunitaires et endocriniens, ce qui peut réduire les taux de survie.
« On a constaté que les niveaux de PCB dépassaient les niveaux préoccupants au point qu’on s’attend à ce qu’ils aient un impact négatif sur les ours polaires vivant à l’état sauvage », ajoute M. Wania.
Notons que les PCB sont un groupe de produits chimiques hautement toxiques qui ont été interdits dans le monde entier, mais qui peuvent persister longtemps dans l’environnement. Bien que les chercheurs ne se soient intéressés qu’aux PCB dans cette étude, ils affirment que cette approche pourrait également aider à surveiller d’autres produits chimiques possiblement nocifs.