Climat : un rapport sonne l’alarme sur la destruction probable des infrastructures du Nord canadien

Une maison en construction à Sanikiluaq, au Nunavut. Dans le Nord, les coûts de construction sont beaucoup plus élevés que dans le Sud. (David Gunn/CBC)
Selon un rapport de l’Institut climatique du Canada, sans investissements massifs des gouvernements, de nombreuses infrastructures du Nord seront détruites à cause des changements climatiques.

Le rapport Plein Nord : faire face aux coûts des changements climatiques pour les infrastructures du Nord présente des constats alarmants pour les infrastructures des territoires, de l’Inuit Nunangat et du nord des provinces.

« Les pistes d’atterrissage, les routes et les fondations de bâtiment subiront les ravages de la fonte du pergélisol, les routes hivernales deviendront moins sûres et moins résistantes en raison d’hivers tempérés et la hausse du niveau de la mer et les inondations menaceront la survie de certaines communautés », dit le document.

Il rappelle que la qualité des infrastructures est intrinsèquement liée à la santé, au bien-être et aux moyens de subsistance des habitants de la région, en particulier des Autochtones. Aujourd’hui, cependant, la plupart ne suffisent pas à couvrir les besoins de base des habitants des régions nordiques.

Le rapport note que le Nord est l’endroit où la précarité des logements est la plus forte et où le climat se réchauffe trois fois plus vite qu’ailleurs. Cela signifie que la situation devrait aller en s’empirant.

Les auteurs du document rappellent que les changements climatiques ne sont pas les uniques responsables de la décrépitude des infrastructures puisqu’ils viennent exacerber des décennies, sinon des siècles, de mauvaise planification, de sous-investissements et de négligence.

Un coût financier élevé

Et ces lacunes coûtent cher aux différents paliers de gouvernements, une facture qui risque d’augmenter au fil des ans si rien n’est fait, note Dylan Clark, un associé de recherche principal à l’Institut climatique du Canada.

Par exemple, sans mesures d’adaptation, le coût moyen des dommages routiers causés par la fonte du pergélisol au Yukon se situera entre 73 et 85 millions de dollars annuellement pour les 20 prochaines années.

La route de l’Alaska au Yukon fait régulièrement l’objet de suivis à cause de la fonte du pergélisol. (Vincent Bonnay)

Aux Territoires du Nord-Ouest, sans mesures d’adaptation, le coût projeté des dommages aux routes bétonnées et gravelées sera d’environ 55 millions de dollars par année pendant les prochaines décennies.

« Il s’agit de montants substantiels. Dans de nombreux cas, il s’agit de plus de 20 % des dépenses d’investissement [du territoire]. »

Selon le rapport, l’adaptation progressive des infrastructures ne suffira pas, il faudra viser une « adaptation transformationnelle » et donc faire le saut vers de nouvelles technologies.

Écouter les habitants du Nord

Dylan Clark pense que plusieurs solutions sont possibles pour améliorer les choses : la première consiste à concevoir différemment en adaptant les matériaux utilisés, notamment pour les routes.

« On peut par exemple utiliser des thermosiphons sur les pistes d’atterrissage pour aider à refroidir le sol ou le garder plus longtemps au frais. »

Il croit cependant que le plus important est d’écouter et de s’intéresser aux innovations et aux idées nordiques.

À Inuvik, les problèmes dus au réchauffement climatique sont déjà monnaie courante, explique le maire, Clarence Wood. « L’un des plus grands défis est le coût de la construction. »

Nous constatons que nous devons forer beaucoup plus profondément pour installer des piliers pour les bâtiments parce que la couche de pergélisol se rétrécit.Clarence Wood, maire d'Inuvik

Le maire Wood n’hésite pas à dire qu’en 5 ou 10 ans, le coût des réparations liées aux changements climatiques a augmenté de 50 %.

La petite communauté d’environ 3100 personnes, située dans le territoire des Inuvialuit, possède une base de contribuables très faible, si bien qu’elle dépend grandement de financements venus du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et, surtout, du fédéral, pour entre autres entretenir ses infrastructures.

Difficulté à demander des financements

Encore faut-il pouvoir réussir à remplir un dossier pour avoir accès à ces fonds.

« La plupart du temps, c’est comme arracher des dents. Dans de nombreux cas, la paperasserie et les formulaires à remplir sont si nombreux que nous avons du mal à les remplir, et nous avons du personnel qualifié pour le faire. »

Fin de la route Dempster Highway, à Inuvik, aux Territoires du Nord-Ouest. La petite communauté dépend grandement de cette voie d’accès pour se faire livrer de la nourriture, notamment. (Daniel Case)

Les changements climatiques n’engendrent pas seulement des coûts financiers élevés pour réparer les infrastructures, explique le maire. En effet, la communauté dépend de la route Dempster pour les livraisons de matières premières. Quand cette voie d’accès ferme à cause d’événements météorologiques qui sont plus nombreux ces dernières années, les choses se compliquent très rapidement, souligne Clarence Wood.

« Elle a été fermée beaucoup plus ces dernières années à cause des tempêtes d’hiver. Et je ne parle pas de 24 heures, mais de quatre, cinq ou six jours et cela a un impact sur tout ce qui arrive ici. Comment obtenir des légumes frais quand ils restent à Eagle Plains pendant six jours? »

Pour Clarence Wood, comme pour Dylan Clark, il faut donc plus d’argent et une meilleure planification pour atteindre l’objectif d’une infrastructure résiliente qui répond aux besoins des habitants du Nord.

Le rapport rappelle aussi que les politiques de développement et d’adaptation des infrastructures devront aussi être mises en œuvre de « manière à respecter les principes décrits dans le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation ».

Avec des informations de Kate Kyle

Laureen Laboret, Radio-Canada

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