Les baleines arctiques devront trouver refuge plus au nord avec le réchauffement

Seules trois espèces de baleines peuplent l’Arctique canadien toute l’année : le narval, le béluga et la baleine boréale qui respire ici à la surface de l’eau. L’été, l’épaulard fréquente aussi ces eaux froides. (Jon Aars/Institut Polaire Norvégien)
Les populations de bélugas, de baleines boréales et de narvals autour de l’île de Baffin, au Canada, et du Groenland migreront beaucoup plus au nord en raison du réchauffement des eaux et du recul de la glace de mer, selon une étude groenlandaise. 

Les chercheurs estiment que les changements climatiques des prochaines décennies pourraient mettre en péril ces populations de cétacés, avec l’augmentation de la température de l’eau en surface, mais aussi la disponibilité changeante de la nourriture pour ces mammifères qui trônent au haut de la chaîne alimentaire.

Pour leur étude, les scientifiques ont utilisé les données de géolocalisation de 227 cétacés des 3 espèces s’échelonnant sur 28 ans. 

Ils ont ensuite fait des projections en utilisant les modèles climatiques selon deux scénarios d’émissions de GES pour les prochaines années, l’un optimiste et l’autre pessimiste.

Leurs résultats montrent qu’en moyenne, l’aire de distribution de ces populations, qui affectionnent les eaux froides, se déplacera de 243 km vers le nord pour ce qui est des zones de résidence estivales et de 121 km vers le nord pour les zones de résidence hivernales d’ici 2100. 

De plus, l’habitat de ces populations sera réduit du quart de sa superficie actuelle dans les aires d’estivage à l’horizon 2100.

Sur ce schéma, les zones en rouge représentent l’aire de répartition estivale menacée avec le réchauffement pour les populations de cétacés étudiées. La colonne de gauche constitue le scénario optimiste d’émissions de GES pour les prochaines années, et la colonne de droite, le scénario pessimiste. (Chambault et al, Science Advances)

Les biologistes Philippine Chambault et Mads Peter Heide-Jørgensen, tous deux de l’Institut des ressources naturelles du Groenland, et leur équipe soulignent par ailleurs que des espèces présentes plus au sud dans l’Atlantique, comme les épaulards, les baleines à bosse et les marsouins, migreront aussi vers le nord, entrant ainsi en compétition avec les baleines arctiques et les rendant encore plus vulnérables.

On sait également que les épaulards, de féroces prédateurs, peuvent s’en prendre directement aux bélugas et aux autres cétacés.

Une nécessaire adaptation

Les chercheurs s’inquiètent particulièrement pour les bélugas. Ils vivent en petits groupes qui ont des aires de distribution estivales bien définies et sont attachés à ces régions. Les bouleversements prévus dans le scénario pessimiste entraîneraient leur quasi-disparition dans la zone à l’étude. 

Pour ce qui est des baleines boréales, les chercheurs sont un peu moins inquiets. 

« La perte de glace de mer dans l’archipel arctique canadien en raison de la hausse des températures permettra aux baleines boréales de rester toute l’année dans de petites zones de refuge », notent les biologistes dans leur étude. « Cependant, il y a une limite à la distance qu’ils peuvent parcourir vers le nord sans perdre le contact avec d’importantes ressources [en zooplancton], qui bénéficient de la remontée d’eau le long du plateau continental. »

Concernant les narvals, ces cétacés pourraient compenser une partie de leur perte d’habitat en allant chercher leur nourriture plus en profondeur, car ce sont d’excellents plongeurs, disent les chercheurs. Toutefois, « le narval est reconnu comme l’une des espèces de mammifères marins arctiques les plus sensibles aux changements climatiques en raison de sa dépendance à la glace de mer, de sa niche restreinte, de son aire de répartition limitée, de son régime alimentaire spécialisé et de la structure complexe de sa population », remarquent les scientifiques, qui se font pessimistes pour ces populations.

Les biologistes n’ont pas suivi toutes les populations de baleines arctiques. Par exemple, seulement deux sous-populations de bélugas ont été étudiées, soit celles situées au nord et à l’est de l’île de Baffin. Les autres sous-populations, soit celles de la baie d’Hudson, de la mer Blanche et du Svalbard, n’étaient pas incluses dans l’étude. Idem pour les narvals, dont seulement 7 sous-populations sur 12 ont été suivies dans l’étude.

Néanmoins, les biologistes avancent que les autres sous-populations de bélugas, de narvals et de baleines boréales dans l’Arctique subiront sans doute un sort semblable à celles de l’étude, car leurs habitats sont similaires et soumis aux mêmes pressions avec le réchauffement climatique. 

Les communautés nordiques qui chassent ces cétacés devront de leur côté s’adapter aux changements de leurs aires de distribution.

D’autres menaces

Les eaux plus chaudes et la fonte de la glace ne sont pas les seules menaces à la survie de ces populations de cétacés.

En plus du réchauffement, on note les impacts négatifs du bruit dû à l’augmentation de l’activité humaine dans l’environnement des baleines, en particulier le bruit des navires et celui des relevés sismiques, soulignent les chercheurs.

On s’attend d’ailleurs à ce que le trafic maritime augmente considérablement dans l’Arctique avec la fonte prévue des glaces.

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