Tanya Tagaq à cœur ouvert dans le documentaire « Chasseuse de son »

Les concerts de Tanya Tagaq reposent tous sur l’improvisation et procurent au public une expérience qui ne sera jamais reproduite. (Office national du film du Canada)
Il faut entendre Tanya Tagaq sur scène grogner, hurler, souffler pour pleinement réaliser toute la maîtrise organique de son instrument naturel. La célèbre chanteuse de gorge inuit se livre comme jamais dans le documentaire Chasseuse de son qu’elle coréalise avec la cinéaste Chelsea McMullan.

Après avoir été présentée cette année en sélection officielle au TIFF de Toronto, cette percutante œuvre produite par l’Office national du film (ONF) est au menu cette semaine du Festival du nouveau cinéma à Montréal.

Loin du brouhaha des villes, le documentaire s’ouvre sur une magnifique séquence de chant de gorge interprété en pleine nature au Nunavut. L’immense territoire du Grand-Nord accueille le renouveau floral printanier avec l’arrivée des premières oies blanches.

Tanya et Laakkuluk Williamson Bathory interprètent un chant guttural. (Office national du film du Canada)

De retour sur une scène, l’artiste et activiste explique, micro à la main, que son art est avant tout le fruit d’une tradition ancestrale.

Devant un public vite médusé, Tanya Tagaq, qui se dit admiratrice de Nina Hagen et de Diamanda Galás, se libère à son tour des carcans et des codes en se lançant à corps perdu dans des interprétations vives et hypnotiques, pleines d’innovation.

Elle offre à son public une véritable expérience sensorielle et avant-gardiste. Les diverses captations de son dernier spectacle dévoilent une femme en pleine possession de son art.

Les exilés du Haut-Arctique

Mais plus qu’une proposition musicale, Chasseuse de son est une véritable incursion dans l’intimité d’une artiste qui n’hésite pas à dire ce qu’elle pense, y compris sur les conditions de vie des peuples autochtones au Canada.

Il y a son expérience personnelle. Tanya Tagaq est née à Cambridge Bay (Iqaluktuuttiaq), au Nunavut. Des photos d’enfance montrent une jeune fille espiègle, toujours souriante.

L’artiste garde une relation forte avec son coin de pays arctique, aux conditions climatiques difficiles et où règnent en permanence Éros et Thanatos. « Je veux que mes os reposent ici. Je ne veux pas qu’on m’enterre ailleurs », dit-elle.

Le documentaire aborde la relation complexe qu’entretient Tanya Tagaq avec le territoire de ses ancêtres. (Office national du film du Canada)

À ce titre, les superbes images d’animation signées Shuvinai Ashoona viennent illustrer les paroles poétiques, parfois douloureuses, de la chanteuse de 47 ans qui n’hésite pas à aborder des thèmes difficiles, comme les agressions sexuelles ou l’acculturation.

Le documentaire de 90 minutes regorge de moments importants provenant des archives de l’ONF. Citons le passage dans lequel la mère de Tanya Tagaq, enseignante à la retraite, raconte en inuktitut le déracinement forcé de sa famille. Dans les années 1950, les autorités fédérales avaient décidé de déplacer des communautés entières à des milliers de kilomètres de leurs terres ancestrales, d’Aulativik jusqu’à la baie Resolute.

« Ils nous avaient promis de meilleures conditions de vie, mais ils nous ont menti », se souvient-elle. « Quand on est arrivés sur place, il n’y avait même pas de maisons pour passer l’hiver. »

La famille de Mary – la mère de Tanya Tagaq – a été relogée de force par le gouvernement canadien à Cambridge Bay au cours des années 1950. (Office national du film du Canada)

Le documentaire revient également sur les combats sociaux menés par la chanteuse de gorge durant sa carrière, notamment son engagement pour les femmes et les hommes autochtones assassinés ou disparus.

Plusieurs extraits émouvants rappellent les mobilisations citoyennes pour Loretta Saunders, Annie Pootoogook, Tina Fontaine et Colten Boushie. Chasseuse de son est un éloge à la culture inuit, mais aussi un cri de colère contre les injustices.

Le documentaire est présenté à Montréal le lundi 10 octobre et le dimanche 16 octobre dans le cadre du Festival du nouveau cinéma.

Ismaël Houdassine, Radio-Canada

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