Une étude quantifie la réduction des routes de glace du Grand Nord

Cette image montre une route de glace dans les Territoires du Nord-Ouest reliant Tibbitt à Contwoyto. (Photo de Rydley Beddoe)
Que ce soit en Sibérie, en Alaska ou dans l’Arctique canadien, les routes de glace, des liens essentiels à l’activité sociale et économique de nombreuses communautés nordiques, deviennent de moins en moins praticables et tendent à disparaître avec le réchauffement, montre une récente étude.

Dans une grande partie du Grand Nord, les routes de glace sont indispensables. Elles permettent aux camions et camionnettes de rejoindre en hiver des secteurs qui sont difficilement accessibles à un autre moment de l’année.

Plusieurs petites communautés, chantiers, sites miniers ou ports du Grand Nord ne sont accessibles que par avion ou par bateau en été lorsque les routes de glace ont disparu. 

Les routes de glace servent à exploiter les ressources, mais aussi à ravitailler ces communautés ou ces installations en nourriture, en carburant et en matériaux.

Au Canada seulement, les routes de glace officielles se déploient sur quelque 8000 km.

Par contre, avec le réchauffement climatique et la fonte du pergélisol, ces routes qui passent essentiellement dans la forêt boréale et dans la toundra deviennent de moins en moins praticables pour les poids lourds, dont le passage sécuritaire requiert une stabilité de la surface. Ces routes parcourent en effet des marécages, des tourbières et des rivières gelées.

Certaines routes de glace sont entretenues par les pouvoirs publics et sont plus « officielles », mais d’autres dépendent des entreprises privées qui exploitent les ressources du territoire, et leur état est très variable d’un endroit à l’autre.

Plusieurs communautés isolées du Nord canadien doivent construire chaque année des routes d’hiver pour être reliées les unes avec les autres. (Steve Silva/CBC)
Praticables moins longtemps et sur de plus courtes distances

Dans leur étude, les chercheurs de l’Université de Nankin, en Chine, ont voulu quantifier les changements qu’ont connus les routes de glace du Grand Nord de 1979 à 2017 en fonction de l’évolution du climat, de la nature des sols et des glaces saisonnières. Ces données provenaient des observations satellitaires durant cette quarantaine d’années. Les chercheurs n’ont pas suivi les transformations de chacune des routes prises individuellement, mais se sont plutôt concentrés sur les conditions permettant de préserver les routes de glace de façon globale.

Ils ont ensuite calculé les changements concernant le début de la saison de transport sur ces routes et la fin de la saison, le nombre de jours total par année où la circulation est possible, ainsi que la superficie totale potentielle pour ces routes, en utilisant un modèle.

Tous les indicateurs montrent une réduction importante de l’utilisation possible des routes de glace, conclut l’équipe du chercheur Yuanbiao Dong.

Le début de la saison se produit près de 11 jours plus tard en 2017 qu’en 1979 (une réduction de 0,28 jour/année en moyenne).

La fin de la saison arrive quant à elle environ 8 jours plus tôt qu’avant (une différence de 0,21 jour/an en moyenne).

Pour ce qui est de la réduction de la superficie carrossable, elle est plus marquée en décembre et en avril (début et fin de saison), quand le sol gèle et dégèle. Mais la plus grande perte totale se produit en mai, (-25 %), calculent les scientifiques, à la toute fin de la saison.

« Tout montre que la fenêtre temporelle potentielle pour la construction de routes de glace dans l’[espace] panarctique est en train de diminuer », écrivent les chercheurs dans leur étude, parue dans la revue Environmental Research Letters.

En mars 2016, un camion transportant du carburant s’est enfoncé dans la glace recouvrant un plan d’eau près du village de Déline, aux Territoires du Nord-Ouest. (ministère des Transports des T.N.-O.)

De grandes zones demeurent stables durant les mois très froids, de janvier à mars, en Sibérie, dans le Nord canadien et en Alaska. Mais, à partir d’avril, on note « une énorme réduction de l’étendue des zones stables, se produisant principalement dans le sud de la Sibérie, le centre de l’Alaska et le Nunavut », peut-on lire.

Pour ce qui est du Nunavut, notamment, l’accessibilité aux ports par les routes de glace se trouve réduite, signale l’équipe.

Néanmoins, le phénomène n’est pas uniforme. Certaines régions connaissent une amélioration des conditions propices à l’utilisation des routes de glace, notent les chercheurs, par exemple dans les régions côtières du nord de la Sibérie.

« Cela est principalement dû à l’augmentation des conditions d’enneigement » dans ces régions, écrivent les chercheurs.

Ces dernières années, dans les Territoires du Nord-Ouest, plusieurs routes de glace ont dû fermer plus tôt à cause de la fonte, compliquant ainsi les déplacements. Une source de stress pour bien des résidents. (Chantal Srivastava/Radio-Canada)
Prévoir la construction d’infrastructure

« Certaines régions ont commencé à planifier des routes permanentes pour réduire la dépendance aux routes de glace pendant l’hiver, comme les Territoires du Nord-Ouest au Canada. Cependant, à mesure que les routes de glace, qui ont moins d’impact sur l’environnement, deviennent moins nombreuses, la construction de routes plus permanentes peut exacerber davantage les changements environnementaux dans l’Arctique. Cet effet nécessite une étude plus approfondie à l’avenir », concluent les chercheurs.

D’autres études parues récemment montrent que l’épaisseur de la glace sur les lacs suit une tendance à la baisse qui menace les activités hivernales de transport.

D’une certaine façon, ces travaux confirment ce que les utilisateurs de ces routes constatent de première main depuis des années.

Des Premières Nations au Canada ont déjà dit craindre les conséquences économiques et sociales de la disparition des routes de glace au pays en raison des changements climatiques.

Il y a quelques années, l’Institut des politiques du Nord estimait que 75 % du réseau de routes de glaces au Canada sera dangereux et impraticable d’ici 2040.

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