Nord canadien : des yeux et des oreilles partout aux Territoires du Nord-Ouest

Les gardiens de la Réserve nationale de faune Edéhzhíe installent une caméra et un capteur audio. (Courtoisie CWS/L’Aquilon)
C’est près de 1000 caméras et enregistreurs audio qui sont en train d’être installés partout dans le territoire. Le programme, lancé par le gouvernement territorial, vise à la surveillance de la biodiversité pour étudier les animaux sauvages.

C’est presque comme avoir des yeux et des oreilles partout dans la forêt et dans la toundra : des centaines de caméras et d’enregistreurs audio sont en train d’être installés dans les aires protégées des T.N.-O., la plupart sur des sites difficiles d’accès, pour faire la surveillance de la biodiversité et étudier les animaux sauvages de plus près.

Les données recueillies établiront une base pour les populations fauniques de la région, fournissant des informations sur ce que font les différentes espèces. L’objectif est de protéger la biodiversité en préservant la santé des écosystèmes.

Le fonctionnement de l’opération est assez simple. Une équipe installe des caméras sur des arbres et d’autres poteaux verticaux. Lorsqu’un animal passe devant, les appareils photo prennent des clichés. À son tour, des enregistreurs audio captent le paysage sonore à des moments et à des dates préprogrammés. Normalement, les caméras et capteurs audio fonctionnent de manière autonome pendant environ un an. La technologie est préparée pour résister aux températures extrêmes de l’hiver. Après environ douze mois, l’équipe retourne sur le site et récupère toutes les données pour les analyser.

« Nous pouvons voir n’importe quel type d’animaux sauvages », explique Brad Woodworth, écologiste du changement climatique pour le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles des T.N.-O. « Les caméras peuvent détecter des mammifères de petite à grande taille, de la taille d’un écureuil roux à un orignal, un bœuf musqué ou un caribou. Et tous les mammifères entre les deux, comme le carcajou, le castor ou le rat musqué. Tout ce qui passe devant la caméra et qui est plus gros qu’un écureuil roux peut être capté », explique-t-il.

Une martre repérée par la caméra dans la réserve Edéhzhíe (Courtoisie Claudia Haas/L’Aquilon)

Les unités d’enregistrement acoustique enregistrent tout ce qui produit du son. « Nous les utilisons principalement pour enregistrer les oiseaux, et en particulier les oiseaux migrateurs, mais nous en avons aussi qui enregistrent les sons ultrasonores et ils peuvent capter aussi les chauves-souris. »

Brad Woodworth vient de rentrer de quelques jours sur le terrain pour installer des caméras et des enregistreurs sonores à l’est et au nord-est de Fort Smith. Il travaillait avec des collègues du Conseil des Métis de Fort Smith et des Premières Nations de Smith’s Landing.

Le programme de surveillance est le fruit d’un partenariat entre plusieurs entités : le gouvernement fédéral, le gouvernement des T.N.-O., plusieurs organisations autochtones et universités. Le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles du gouvernement territorial a annoncé, dans un communiqué, que « les gouvernements et organisations autochtones et les programmes de gardiens jouent un rôle essentiel dans la mise en place du réseau. Ils ont participé à toutes les étapes du processus de planification de cette initiative ».

Claudia Haas, doctorante à l’Université Wilfrid Laurier, souligne que cette collaboration est essentielle. « Ce n’est pas simplement le gouvernement qui travaille et qui prend des décisions, on travaille tous ensemble et comme ça on peut avoir beaucoup plus d’avantages parce qu’on reçoit toujours de bonnes informations des partenaires autochtones et cela nous aide beaucoup ».

Samuel Haché, biologiste des oiseaux terrestres pour Environnement et Changement climatique Canada, déclare que « ce qui rend mon travail si excitant, c’est d’être utile à nos partenaires autochtones et les voir prendre le leadership. C’est ma mesure du succès ».

Brad Woodworth est d’accord. « La chose la plus gratifiante est la collaboration et le travail avec toutes les personnes différentes qui se soucient de la terre et de la faune, et qui veulent un meilleur avenir pour la faune des T.N.-O. », commente-t-il.

Un ours noir dans l’aire Dinàgà Wek’èhodì (Courtoisie Claudia Haas/L’Aquilon)

Les participants à ce programme expliquent que l’un des aspects positifs de cette collaboration est l’apport des connaissances ancestrales et locales dans les prises des décisions. Les peuples autochtones connaissent leur territoire mieux que quiconque et cette connaissance est importante.

Brad Woodworth explique : « Les zones dans lesquelles nous allons installer des caméras sont normalement très grandes, nous devons donc décider où on va sur le terrain, et nos partenaires autochtones savent quels sont les meilleurs endroits. »

Le représentant du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles des T.N.-O. précise qu’« on a souvent un plan basé sur la science occidentale, mais on considère toujours cela comme une première ébauche et on espère une contribution de nos partenaires autochtones sur les domaines qui sont importants pour eux. On apprécie vraiment cette collaboration ».

Claudia Haas poursuit avec un exemple pratique sur l’importance des connaissances traditionnelles : « Souvent, ils disent que nous ne pouvons pas placer une caméra dans une zone spécifique, car le site ne gèle pas correctement, et donc on utilise le savoir traditionnel pour décider où placer les caméras et comment en sortir en toute sécurité. » Claudia Haas ajoute également la contribution des aînés qui sont capables de « regarder les photos et évaluer la santé des animaux ».

Actuellement, les efforts sont concentrés sur des aires protégées des T.N.-O. Brad Woodworth, qui a passé les derniers jours à installer des caméras et des enregistreurs audio à l’est de Fort Smith, explique que, dans cette région, il existe des traces historiques de la présence de la grenouille léopard « qui est une espèce menacée aux T.N.-O. ». Dans quelques mois, les enregistrements pourront révéler si cette espèce est toujours présente.

Le biologiste des oiseaux Samuel Haché ajoute que ce programme de surveillance de la biodiversité a déjà révélé une surprise dans l’aire protégée Edéhzhíe : « On a trouvé une population de 2000 oiseaux, non négligeable, à environ 400 km au nord de la limite de cette espèce. »

Si les caméras prennent des photos chaque fois qu’elles détectent un mouvement, c’est facile d’imaginer qu’en une année elles capturent un très grand nombre d’images. Brad Woodworth parle de « centaines de milliers ou de millions de photos ».

Beaucoup de ces images ne montrent même pas d’animaux et « elles peuvent n’être que des photos de végétation, car, s’il y a du vent, des feuilles peuvent parfois se fixer sur l’appareil photo ». « Ce sont plusieurs milliers de photos et plusieurs téraoctets de données qui doivent être traitées », dit-il.

Claudia Haas précise que c’est grâce à l’étude de ces données qu’il est possible de déterminer combien d’animaux il y a et quelles sont les différentes espèces présentes. « Cela nous donne une idée de la diversité. Si nous le faisons à nouveau dans quelques années, nous pourrons voir si quelque chose a changé. »

Elle révèle également que, récemment, des capteurs météorologiques ont commencé aussi à être placés à côté des caméras et des capteurs audio « afin qu’ils prennent des mesures de la météo et qu’on prenne des informations supplémentaires de ces sites ».

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